Semaine du 23 au 29 mai

Lors de la réunion de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale du 7 avril, nous avons auditionné Jacques Delors, ancien Président de la Commission Européenne. Pour ma part, je l’ai interrogé sur l’avenir du Programme d’aide aux plus démunis :
Régis Juanico : Ma question concerne la solidarité à l’égard des Européensles plus fragiles ou les plus pauvres. Vous avez été à l’origine, en 1987, duProgramme européen d’aide aux plus démunis (PEAD), qui permet aujourd’hui auxassociations de solidarité telles que les Restos du coeur ou les Banquesalimentaires de redistribuer les surplus agricoles de l’Union à 13 millions depersonnes dans une vingtaine de pays. Ce programme est régulièrement remis encause, notamment par l’Allemagne et par le Royaume-Uni. Pensez-vous qu’il soitmenacé dans le cadre de la renégociation de la PAC ?
Réponse de Jacques Delors : J’en viens au PEAD, dont on pourrait presque dire qu’il a été institué parun coup d’État. En 1987, les excédents agricoles étaient considérables. J’aidonc fait prendre par la Commission, qui a le pouvoir de gérer les excédents,la décision de les donner aux Restos du coeur et aux associations oeuvrant dansle même sens. On ne l’a pas porté à mon crédit, mais je le comprends fort bien: Coluche, c’est tout de même autre chose que Delors ! (Sourires.) Bienévidemment, certains gouvernements souhaitent revenir sur cette décision– et ils le feront. La plupart des pays européens, en effet, n’aiment pasl’agriculture. Or l’agriculture, c’est aussi la France ! Durant les dix annéesque j’ai passées à la Commission, j’ai souvent été raillé parce que jedéfendais l’agriculture, et notamment la petite agriculture. Il faut savoirqu’aujourd’hui, il y a plus de pauvres dans les zones rurales que dans leszones urbaines, même périphériques. Les habitants des premières sont en effetcontraints de prendre leur voiture pour aller travailler, ce qui leur coûtefacilement 400 ou 500 euros par mois, pour ne prendre que cet exemple
Les directions départementales de l’agriculture ont encouragé nosagriculteurs à devenir compétitifs. C’était oublier que les petits agriculteurssont irremplaçables pour entretenir le paysage et la vie dans les campagnes. Jeme suis battu dix ans sur le sujet – mais je n’ai pas souvent gagné. Lemonde rural français est un de nos attributs particuliers. Il était facile d’endiscuter avec les Allemands : je leur citais les exemples de la Bavière, duBade-Wurtemberg ou du nord de l’Allemagne. Mais aujourd’hui, nous n’avons plusassez d’agriculteurs. Et comme la spéculation foncière continue, on abandonne,par exemple dans le Sud-Ouest, des espaces agricoles pour construire deslogements qui permettront à des gens de vivre à 100 ou 150 kilomètres de leurlieu de travail ! Nous sommes en train de tuer l’harmonie de la France. Dansles journaux, il n’est question que d’urbanisme ou de « penser la ville ». Etles zones rurales ? Je le répète, j’ai souvent suscité les moqueries, enparticulier de la part des Anglais, sur le sujet. Un de mes collaborateurs amême dit de moi que si je raisonnais ainsi, c’était parce que mon grand-pèrecultivait cinq hectares de terre en Corrèze !
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