L’annonce de la démission d’Eric Woerth du poste de trésorier de l’UMP ne règle pas tout, estime Régis Juanico, trésorier du Parti socialiste et député de la Loire, qui pointe notamment le rôle que joue toujours le ministre dans l’association Premier cercle des donateurs de l’UMP.
Eric Woerth vient d’annoncer sa démission du poste de trésorier de l’UMP. Cela ne met-il pas fin à tout conflit d’intérêts ?
Effectivement, cette démission purge une partie des problèmes de conflits d’intérêts. Mais beaucoup de questions demeurent dans l’affaire Woerth-Bettencourt, comme par exemple sur les témoignages qui semblent confirmer la remise d’espèces en sommes conséquentes à Eric Woerth. Nous attendons sur ce point des éclaircissements de la justice. Le parquet de Nanterre a quand même ouvert une enquête préliminaire sur un financement illégal de parti politique.
Il y a aussi la question toujours posée sur le conflit d’intérêts potentiel, lié à l’intervention – ou la non-intervention – du ministre Woerth dans la situation fiscale de Mme Bettencourt. Il a été établi plusieurs fois que M. Woerth a menti. Il a nié tout conflit mais sa femme a dit le contraire en affirmant qu’elle avait sous-estimé les conflits d’intérêts potentiels. De plus, il reconnaît, en démissionnant de son poste de trésorier, qu’il y avait bien un problème.
Pour le reste, la page est tournée, semble affirmer Nicolas Sarkozy.
Il y a un autre problème qui reste en suspens, dans l’enquête, à savoir les conditions d’embauche de la femme d’Eric Woerth : le ministre a-t-il demandé à la société Clymène, qui gère la fortune des Bettencourt, d’embaucher son épouse ? [Des citations du gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, dans les enregistrements clandestins, suggèrent un lien entre l’embauche et la fonction d’Eric Woerth, qui a redit samedi au JDD que les conditions d’embauche de sa femme étaient “transparentes”. Le dossier professionnel de sa femme a été saisi dans l’enquête].
Et il y aussi la question de l’association du Premier cercle des donateurs de l’UMP, qu’Eric Woerth préside, en tant que trésorier. C’est sans doute, en termes de conflits d’intérêts, ce qui pose le plus grand problème. Tous les mois, ses membres se réunissent et sont alors en contact avec le président, avec des ministres comme Eric Woerth ou des conseillers de l’Elysée comme Henri Guaino. Ces réunions profitent-elles à des échanges directs sur des dossiers personnels ou des questions touchant l’intérêt général et la politique du gouvernement ? Beaucoup de choses restent encore à éclaircir dans ce qu’on appelle l’affaire Woerth-Bettencourt.
On a appris aujourd’hui que les Bettencourt auraient versé, en 2006, 30 000 euros de dons à l’UMP et à Nicolas Sarkozy mais de façon légale…
C’est encore un point à éclaircir dans le dossier : la multiplication des partis satellites à l’UMP. Eric Besson, Jean-Marie Bockel, Jean-François Copé, François Fillon, mais aussi Eric Woerth et Nicolas Sarkozy en ont créé…
N’est-ce pas la même chose au Parti socialiste ?
Non. Une telle situation est impossible au PS car il y a une association de financement nationale, que je préside et qui a reçu 8 500 euros de dons de personnes physiques, en 2009, avec un don maximum de 1 000 euros. Ensuite, viennent les associations départementales de financement du PS, qui ont recueilli 440 000 euros de dons de particuliers en 2009. Parmi ceux-ci, seulement six sont compris entre 5 000 et 7 500 euros. Surtout, il y a une impossibilité, étant donné la structure juridique du parti, de faire un chèque à deux de ces associations, donc de multiplier les dons.
Sarkozy annonce la création d’une commission sur les conflits d’intérêts. Allez-vous y participer ?
Nous n’allons pas y participer. Nous avons nos propres propositions et avons en préparation une proposition de loi sur le sujet. Ceci dit, toutes les clarifications sont bonnes. C’est une prise de conscience salutaire, mais tardive. Cela fait trois ans que nous avons soulevé la question du conflit d’intérêts potentiel du cumul de trésorier de l’UMP et ministre.
Le PS n’a-t-il pas au contraire été suiviste, les avancées dans le dossier étant venues de la presse ?
Pas sur la question de la confusion des genres, en tout cas : les parlementaires, notamment socialistes, ont posé des questions très précises, lors des séances de questions au gouvernement à l’Assemblée, depuis plusieurs semaines. Je ne pense pas que le PS a été en retrait. Mais que des révélations soient parties de la presse, cela me paraît logique.
Mardi dernier, au bureau national du PS, la ligne choisie n’était-elle pas la prudence, pour ne pas risquer l’accusation de populisme ou un retour de bâton ?
J’y étais et ce n’est pas du tout cette ligne-là qui a été retenue. Simplement, sur la question de la remise d’enveloppes de la main à la main [à Nicolas Sarkozy, avant 2002, comme suggéré dans le témoignage de l’ex-comptable Claire Thibout, qui s’est depuis en partie rétractée sur ce point], on a pu évoquer une certaine méfiance. Cela paraissait peut-être un peu gros. Mais ce n’est qu’un point précis du dossier.
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