Hier soir dans l’hémicycle, pour la première fois de la mandature, la frange la plus libérale de l’UMP, emmenée par M. Copé et M.Bertrand et relayant les mots d’ordre du MEDEF et de la CGPME contre l’ensemble des autres partenaires sociaux ont mis en minorité le gouvernement, en la personne d’ Eric Woerth et le rapporteur – modéré – Dominique Dord sur une des deux principales dispositions du texte sur la démocratie sociale dans les TPE (moins de 11 salariés) instaurant des commission paritaires territoriales au niveau régional, chargées d’apporter un soutien au dialogue social pour les employeurs et 4 millions de salariés des TPE aujourd’hui sans représentation.
Lors des débats en séance publique, le groupe UMP a été une nouvelle fois au garde à vous devant les injonctions patronales. En votant contre la représentation syndicale dans les entreprises de moins de dix salariés, le groupe majoritaire n’a pas seulement désavoué le ministre Eric Woerth, il a renié un engagement solennel pris par le gouvernement devant les partenaires sociaux.
Les députés socialistes, radicaux et citoyens ont tout fait durant le débat pour sauver cette disposition qui répond à la nécessité de conforter la démocratie sociale dans nos entreprises. Dans ce débat, seuls comptaient l’intérêt des travailleurs et leur droit d’être défendus équitablement quelle que soit la taille de leur entreprise.
Ce refus de mélanger le contexte politique avec l’intérêt général vaut pour ce dossier comme pour celui des retraites ou de l’austérité sociale. Seul compte pour nous le contenu des politiques, pas l’identité de celui qui les porte.
Télécharger le texte de mon intervention ou lisez-le ci-dessous :
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Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Plus de 4 millions de salariés dans les entreprises de moins de 11 salariés, soit 20% des salariés du secteur privé, sont aujourd’hui privés de toute institution représentative du personnel et de toute représentation syndicale. Ceux-ci attendent de nous que nous légiférions, enfin, dans le sens de la justice et de l’égalité entre les salariés, non seulement pour combler un vide juridique mais aussi une absence quasi-totale de relations sociales structurées dans les TPE
La loi de 2008 portant sur la rénovation de la démocratie sociale et le temps de travail renvoyait à une négociation nationale interprofessionnelle la question du dialogue social dans les TPE. Ces négociations ont échoué en décembre 2009 en raison du refus de la CGPME et du MEDEF, de toute idée de progrès en terme de démocratie sociale dans les TPE.
Le 20 janvier 2010, la CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC mais aussi l’UPA, vous ont adressé, Monsieur le Ministre, une lettre commune indiquant leur volonté de poursuivre les discussions sur la représentation des salariés dans les TPE.
Alors que le Conseil d’Etat dénoncait, dans son avis du 29 avril 2010, l’irrégularité de cette situation des salariés dans les TPE et invitait le gouvernement à légiférer pour établir l’égalité entre les salariés, le président de la CGPME annonçait le 7 avril dernier qu’il se «battrait bec et ongles » pour vider le texte de son contenu.
Après son examen au Sénat, le projet de loi de votre gouvernement a été fortement édulcoré. C’est aujourd’hui un texte à-minima, incomplet et imparfait. Il instaure des élections pour mesurer l’audience des syndicats dans les TPE, mais le scrutin aura lieu sur sigle et non sur des listes de personnes. Le texte prévoit la mise en place de commission paritaire territoriale qui seront chargées dans le texte initial de suivre l’application des conventions et accords collectifs et d’apporter une aide en matière de dialogue social aux salariés et employeurs, mais ces commissions seront facultatives et leurs prérogatives limitées.
Le 29 juin, en commission des affaires sociales, M. Jean-François Copé et un quarteron de députés UMP ont fait le choix de supprimer l’article 6 du projet de loi relatif à la mise en place des commissions paritaires territoriales. M.. Giscard D’Estaing a même eu ce propos qui restera dans les annales : « Nous, la majorité, on ne se voit pas favoriser les syndicats dans les TPE ».
Il a suffit de quelques lobbyistes des organisations patronales pour convaincre certains de nos collègues de l’UMP de sacrifier ce texte. De l’aveu même de Patrick Ollier, l’ensemble des députés de la majorité « a reçu une lettre de la CGPME demandant de ne pas mettre de contraintes supplémentaires aux entreprises ».
Vous avez utilisé tout à l’heure sur les bancs de l’UMP et dans la bouche même de M. Copé, des propos particulièrement choquant assimilant le syndicalisme à une « mise sous surveillance », une « entrave » ou une « intrusion », c’est-à-dire littéralement le fait pour un personne de pénétrer dans un espace où sa présence n’est pas souhaitée… !
Les arguments de cette poignée de députés de la majorité rappellent les vieux discours patronaux paternalistes du XIXe siècle. Rappelons que c’est le 21 mars 1884, que Waldeck-Rousseau, qui fut par ailleurs sénateur de la Loire, a fait le choix, pour la première fois de la liberté syndicale.
Il existe un droit imprescriptible à la liberté syndicale inscrit dans le préambule de la Constitution de 1958. C’est un autre parlementaire ligérien, Jean Auroux qui a mis en place en 1982, en tant que Ministre du Travail, les délégués de site qui n’ont malheureusement guère eu de réalité sur le terrain en raison de l’obstruction farouche de certains employeurs dans les TPE
Que nous dit la frange la plus rétrograde et réactionnaire du patronat, relayé par certains députés UMP, aujourd’hui ?
On nous dit que les salariés des TPE ne voudraient pas des commissions paritaires territoriales et qu’il existerait déjà un dialogue informel et quotidien entre salariés et patrons. Pourtant un sondage réalisé par la CGPME indique que 50% des salariés concernés par la réforme pensent que la création d’une Institution Représentative du Personnel améliorerait l’exercice de leurs droits.
On nous dit que les commissions paritaires seraient une nouvelle contrainte pour les entreprises. Or les cinq signataires de la lettre du 20 janvier ont reconnu que la représentation collective des salariés des TPE ne pouvaient pas se faire comme dans une entreprise de plus grande taille et ont plébiscité l’externalisation de la représentation syndicale.
Par ailleurs, je veux rappeler qu’il n’existe aucun texte qui établisse une représentativité patronale. En effet, les organisations patronales bénéficient de votre part d’une mansuétude étonnante, puisque, au regard des dispositions adoptées dans la première partie, ils n’auront pas à prouver la représentativité que vous exigez pour les organisations syndicales.
Les députés de l’UMP et le gouvernement doivent prendre la mesure du triste spectacle auquel il se livre sur ce texte sur le dos des droits fondamentaux des salariés dans les TPE. A l’heure de la plus grave crise sociale que traverse notre pays, il serait proprement irresponsable de priver purement et simplement les salariés des entreprises de moins de 11 salariés de la protection élémentaire des droits sociaux fondamentaux que garantit la représentation syndicale.
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C’est vraiment lamentable , quand on connait l’importance des PME dans le tissu économique du pays, et alors que dans de nombreux domaines liés au développement vraiment durable , leur présence sera appelée à grandir.
A la rentrée dès début septembre , une action de grande envergure s’impose.
C’est vraiment lamentable , quand on connait l’importance des PME dans le tissu économique du pays, et alors que dans de nombreux domaines liés au développement vraiment durable , leur présence sera appelée à grandir.A la rentrée dès début septembre , une action de grande envergure s’impose.
+1
Le Medef et la CGPME parlent au nom d’entreprises qu’ils ne connaissent ni ne représentent. Ainsi, il ne faut pas être dupes du combat mené par ces organisations. Pour leur part, les principales organisations constituées de petites entreprises, l’UPA, la FNSEA et l’UNAPL, soutiennent le projet de loi.
Cordialement
Eric Berlivet
UPA/CAPEB de la Loire