Voici les principales propositions sur le “nouveau modèle économique, social et écologique” adopté à l’unanimité par le Conseil National du PS mardi, dans la perspective de la présidentielle 2012. Il doit être amendé puis voté par les militants socialistes le 20 mai et entériné lors d’une convention nationale le 29 mai :
INDUSTRIE
– “un Pôle public d’investissement industriel” financé “massivement, mobilisable rapidement, décliné territorialement sous forme de fonds régionaux d’investissement, adossé à la CDC, à la Banque de France, à la Banque Postale et à Oséo”
– Equivalent d’un Small business Act favorisant les PME et l’innovation
– “Eviter la fermeture des sites existants en accélérant leur reconversion”. “Augmenter le coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes”, “obligation de remboursement préalable des aides publiques reçues moins de cinq ans avant toute ouverture de procédure de licenciements ou de fermeture de sites”
TRAVAIL
– “Sécurité sociale professionnelle” financée “par une majoration des cotisations sociales des entreprises employant un quota trop élevé de travailleurs précaires et par une révision des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires”
– Salaires “compris dans une échelle de l’ordre de 1 à 20” dans les entreprises ayant “une participation publique dans leur capital”
– Faciliter la reprise d’entreprise par les salariés sous forme de SCOP (Société coopérative de production)
RETRAITES
– Défense du système par répartition, maintien de l’âge légal à 60 ans
– “Elargissement de l’assiette des cotisations à la valeur ajoutée, contribution accrue sur les revenus financiers, prélèvement de cotisations sur les stock-options et autres rémunérations non assujetties, alimentation du fonds de réserve des retraites”
FISCALITE
– Pour une “révolution fiscale” : “l’ensemble des mesures injustes de la droite seront supprimées, à commencer par le bouclier fiscal”. Fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG en “un seul impôt progressif, prélevé à la source”. “Droits plus élevés” sur les successions les plus importantes. “Refondation” de l’ISF
FINANCE/EUROPE
– “Une agence de notation publique sous l’égide de l’Eurogroupe”, dont le rôle politique doit être renforcé “face à la Banque centrale européenne pour assurer une gestion plus démocratique de l’euro plus favorable à la croissance et à l’emploi”
– “Véritable gouvernement économique européen”, “Fonds monétaire européen”, “nouveau contrat social européen”
– “Passer du libre échange au juste échange”: assurer la réciprocité des pratiques commerciales” au niveau européen, “en finir avec le dumping social et environnemental” avec notamment “des contributions”
ENVIRONNEMENT
– “Eco-conditionnalité des allégements de charges pour les entreprises et une TVA éco-modulable”
– Contribution climat-énergie “englobant l’électricité”, “compensée par une +prime pour l’environnement+ plus élevée réservée aux ménages modestes et aux revenus moyens”
AGRICULTURE
– “juste rémunération des agriculteurs” qui va “de pair avec une agriculture durable” et le maintien de l’activité agricole”
nouveau-modele-de-developpement
Nous poursuivons notre feuille de route. Nous avions dit : pour nous, 2010 sera « l’an I » de la reconquête. Comment ? Par l’élaboration d’un projet politique fidèle à nos valeurs, mais adapté aux années 2010, aux défis collectifs, aux attentes individuelles, aux réalités d’un monde incertain et instable.
Nous y sommes : après les élections régionales, le temps est venu de présenter aux Français un nouveau modèle de société. Cela commence aujourd’hui avec le nouveau modèle de développement économique, social et écologique ; nous poursuivrons avec nos orientations pour retrouver l’égalité réelle, et pour proposer notre vision pour une France qui rejoue son rôle en Europe et dans le monde.
Les Français nous attendent. Nous devons être à la hauteur. Nous le devons d’autant plus que le Président et le gouvernement refusent d’entendre leurs messages des régionales. Les Français ont sévèrement sanctionné leur échec économique, social et en matière de sécurité. Et pourtant, aucun changement de cap dans la politique menée !
Une seule volonté : récupérer l’électorat le plus à droite par le retour de leurs boucs émissaires favoris. Ainsi, on décrète l’urgence absolue contre la burqa, comme si c’était la priorité absolue ! Croit-on que les Français iront défiler le 1er mai contre la burqa ? Certes, c’est un réel problème : nous sommes et nous serons des adversaires de la burqa. Nous avions dit qu’il fallait utiliser tous les moyens pour dissuader son usage. S’il fallait pour cela une loi, nous étions d’accord à condition qu’elle soit efficace, non stigmatisante et constitutionnelle. Le Conseil d’Etat, consulté, a donné un avis qui remplit ces conditions. Que le gouvernement se donne le temps de la concertation au lieu de diviser et d’opposer, et qu’il suive cet avis. Alors nous serons d’accord. Sinon, qu’il sache que nous proposerons notre propre loi. Nous n’accepterons pas une loi non conforme à l’esprit et à la lettre de notre constitution.
Quant au Président Sarkozy, il ne s’exprime que pour parler de la sécurité, en reprenant un copier-coller de ses anciens discours : suppression des allocations familiales, mise en quarantaine des halls d’immeubles…Mais les Français s’interrogent : quand viendront les résultats sur l’insécurité ? Tout cela, comme les mises en scènes de ces derniers jours, n’est pas à la hauteur de ce qu’attend la France. Si j’osais, je dirai que la droite jette un immense voile sur notre pays pour masquer son échec.
Et bien nous socialistes, parlons de développement économique, d’emploi et d’innovation, de lutte contre les inégalités, de pouvoir d’achat, de retraites, en deux mots d’efficacité et de justice !
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Oui, les Français nous regardent. Il est temps de montrer qu’il existe une autre société possible, donnant sa chance à chacun et permettant à tous de bien vivre ensemble. Notre horizon n’est pas seulement celui d’une élection ; notre objectif est bien sûr de gouverner notre pays, mais surtout de le transformer.
Quand des millions de nos compatriotes ont décroché ou décrochent de l’emploi, de l’école, du logement, de la santé, du temps pour soi, pour les siens, pour les autres, au point de décrocher du vote démocratique lui-même, notre volonté n’est pas d’être élus par le rejet qu’inspire la droite, mais d’être choisis pour les valeurs et le projet qu’incarne la gauche. Nous ne nous adresserons pas à une catégorie plutôt qu’à une autre, car nous voulons parler à tous les Français. Nous nous présenterons devant les Français pour refonder le pacte républicain, ce fil continu de la France qu’on aime, celle de la Révolution de 1789, des grandes lois de 1901 ou de 1905, des conquêtes de 1936, du Conseil national de la Résistance en 1944, de l’espérance soulevée en mai 1981. Il faut nous imprégner de ce récit républicain pour lui donner une suite après la période libérale-autoritaire qu’incarne le sarkozysme.
Voilà pourquoi notre Conseil national d’aujourd’hui revêt, à mes yeux, une dimension particulière. Il lance l’année du projet socialiste plus qu’il ne l’ouvre car voilà déjà plusieurs mois que la réflexion est engagée. Quatre conventions nationales enrichies d’une dizaine de forums des idées rythmeront les mois qui viennent. Ces rendez-vous – à l’ampleur inédite depuis quinze ans – seront l’occasion pour nos militants, mais aussi pour les Français, les acteurs de la vie économique, sociale, culturelle de participer activement à l’élaboration des orientations et des propositions de notre projet. Nos Secrétaires Nationaux animés par Harlem DESIR comme par le Laboratoire des Idées porté par Christian PAUL, nos parlementaires nationaux et européens, nos élus y contribuent largement.
Ce faisant, nous tirons les leçons de l’histoire récente.
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Nous avons tiré les leçons de la gauche au pouvoir : quand elle a été sanctionnée après avoir gouverné, c’était rarement pour défaut de gestion. Nos concitoyens savent que la gauche est bonne gestionnaire : nos élus locaux en font la démonstration chaque jour. Quant aux budgets de la nation, mieux vaut, en matière de déficits publics et sociaux, succéder à Lionel Jospin qu’à Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin ou François Fillon…
La gauche sait gérer et bien gérer, c’est un fait, mais, pour être elle-même, il lui faut redevenir une gauche de transformation. Non pas une gauche imaginaire, mais une gauche imaginative, ancrée dans les réalités et porteuse d’une ambition, et bien sûr proche des Français. Voilà le grand défi de 2012 qui rassemble tous les socialistes, par-delà les sensibilités et les amitiés, par-delà les trajectoires et les choix qui les ont jalonnées.
Nous avons aussi tiré les leçons de nos échecs à reconquérir le pouvoir. En 2002 comme en 2007, nos défaites à l’élection présidentielle puis aux législatives n’ont pas eu pour cause une insuffisance de mesures ; en revanche, il nous manquait sans doute une architecture. Il faut une vision de la société et c’est à cela que nous travaillons aujourd’hui. Autrement dit, nous remettons les choses à l’endroit : ce sont les fins qui déterminent les moyens. La crise accélère ce moment historique. Nous gagnerons cette bataille politique, en portant haut les valeurs de la gauche et en inventant les réponses nouvelles qu’impose le 21ème siècle. Cela suppose non pas une rustine ici ou un pansement là, mais un nouveau modèle de société et de développement.
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Et puis, bien entendu, nous avons tiré les leçons de la droite au pouvoir. En 2012, cela fera dix ans qu’elle gouverne sans interruption et avec brutalité ! Candidate à sa succession – je devrais dire à son redoublement -, elle va tenter de masquer son échec sous le verbe. Car cela fait trois fois, à l’élection présidentielle, que la droite nous fait le coup !
En 1995, c’était la « fracture sociale » avec Jacques Chirac : qui oserait prétendre qu’elle a été réduite ? En 2002, ce fut la « sécurité restaurée » encore avec Chirac et déjà avec Sarkozy : qui peut dire que la délinquance a reculé dans notre pays ? En 2007, Nicolas Sarkozy promettait à la fois le : « travailler plus pour gagner plus » et « je serai le président du pouvoir d’achat ». Il suffit de prononcer en 2010 les promis-juré d’il y a trois ans pour mesurer l’ampleur de l’échec de celui qui est resté chef de l’UMP et qui peine tellement à devenir chef de l’Etat.
Nicolas Sarkozy a appliqué les principes du néolibéralisme derrière le paravent d’une agitation qu’il appelle volontarisme. Il annonçait Colbert, ce fut plutôt Thatcher. N’oublions pas : la baisse des impôts, mais seulement en haut de l’échelle ; le repli de l’Etat sur ses missions régaliennes – et encore, dans les bons jours -, car l’échec en matière de sécurité et de justice est manifeste; la démolition méthodique des services publics ; le recul planifié des droits sociaux ; la récupération du religieux ; la recherche des coupables, à travers la volonté de séparer quel grain de je ne sais quel ivraie : le sans papier face à l’immigré « choisi », le délinquant face au « bon » jeune, les chômeurs face à la « France qui se lève tôt » -, et aussi bien sûr le repli sur une identité fermée, étriquée, oublieuse des valeurs de la République. Voilà ce que laisseront les années Sarkozy, un pays en grande partie tétanisé, inquiet, des services publics démembrés, une jeunesse désespérée… Une France qui ne supporte plus l’agitation et les fausses réformes alors que le Président continue sa fuite en avant.
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A cela, nous répondons par le réarmement des idées du Parti socialiste. Il n’y a pas si longtemps, de belles intelligences se sont abimées en prophétisant le coma pour la gauche en général et les socialistes en particulier. Les régionales sont passées, la gauche solidaire s’est déployée, et voilà chaque formation, et d’abord la nôtre, qui réfléchit et qui travaille.
Bien sûr – et cela a déjà commencé -, la droite va sortir l’artillerie habituelle, mélange de peurs collectives et d’attaques personnelles. Nous le disons aux Français : nous sommes tranquilles et déterminés. Rien ne nous empêchera de vous offrir ce à quoi vous avez droit, c’est-à-dire un autre chemin pour notre pays et pour vos vies. Bien sûr, nos propositions feront débat : c’est normal dans une démocratie.
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Nos propositions seront celles d’une gauche solidaire et forte de ses valeurs.
Solidaire parce que, tout en menant notre réflexion de socialistes, nous nous tournons vers nos amis des autres formations de la gauche. Dans quelques semaines, nous aurons avancé et eux aussi de leur côté : Europe Ecologie et les Verts débattent actuellement de leur futur ; le Parti communiste tiendra son Congrès dans quelques jours ; quant aux Radicaux et Citoyens, eux aussi sont actuellement en discussion sur les enjeux de fond. Il nous faudra dans les mois qui viennent construire un projet commun, puis un accord de gouvernement pour la législature, portant sur les propositions comme sur les circonscriptions. Chaque fois que la gauche l’a emporté, c’est parce qu’elle a su proposer un visage rassemblé au pays.
Gauche solidaire, gauche fière de ses valeurs aussi. Cela veut dire une gauche qui ne s’excuse pas d’être de gauche dans une crise qui a donné raison à ses analyses et à ses préconisations. Dans le débat d’idées, en effet, la régulation a triomphé de la déréglementation tous azimuts ; l’exigence de partage l’a emporté sur le tout profit ; la social-écologie s’impose face au productivisme. Voilà pour les avancées idéologiques.
Il faut en prendre la mesure quand on se souvient des trois décennies de néo-libéralisme portées par le tandem Reagan-Thatcher, l’un disant que « l’Etat n’est pas la solution, mais le problème », l’autre affirmant qu’il « n’y a pas de société, seulement des individus ». Les lignes ont bougé, le vent a tourné. Mais, en France et d’une façon générale en Europe, ce souffle nouveau ne s’est pas encore mué en atout politique pour les formations de gauche. C’est à accomplir ce basculement que nous devons travailler entre nous, et avec d’autres, en France, mais aussi au sein du PSE et de l’Internationale Socialiste. C’est le sens de l’agenda que nous nous fixons, nous socialistes français, pour les prochains mois.
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En commençant par cette première convention, travail nourri par nos expériences locales et par un engagement à nos côtés de chercheurs, d’intellectuels, d’acteurs associatifs, syndicaux, et économiques, travail que nos militants comme tous les Français qui le souhaitent peuvent désormais discuter et enrichir. Je remercie Pierre MOSCOVICI d’avoir coordonné les travaux, les présidents des ateliers et les rapporteurs, ainsi que les secrétaires nationaux, membres du Bureau national pour leur implication et leur apport.
Le résultat sera à la hauteur des attentes de tous ceux qui se tournent vers nous. Elles sont immenses car nous ne vivons pas une crise ponctuelle ou cyclique. Nous vivons une crise de civilisation. A la crise systémique du libéralisme financier, nous devons répondre par une offensive de civilisation.
L’heure n’est plus à proposer des adaptations au système, il faut en changer. La crise est totale, notre projet doit être global. Amartya Sen, né dans l’Inde d’où je reviens, l’un des intellectuels les plus respectés de notre époque, écrit que notre « monde recèle autant de possibilités immenses que de gigantesques échecs ».
Nous vivons des changements en profondeur dans l’économie, le travail, la société, la science et la technologie. En utilisant ce que ces changements ont de meilleur, il est possible de redonner un sens au progrès. De redonner sens à nos valeurs qui s’appellent l’émancipation des femmes et des hommes ; le progrès par la connaissance qui repousse les limites de l’esprit humain ; la justice sociale sans laquelle il n’y a pas de société digne d’être partagée ; l’internationalisme et l’Europe car c’est de la fraternité, du local au global, que viendront les réponses ; la laïcité enfin, le joyau que la France peut offrir au monde à l’heure où les intégrismes dénaturent les croyances et où penser par soi-même est un acte de résistance aux fanatismes et au cynisme.
La France a des atouts. Elle possède, au fond d’elle-même, des ressources pour rebondir : ce n’est pas seulement un enseignement de notre longue histoire comme nation, c’est aussi une évidence vécue au plan local, au contact des jeunes pleins d’énergie, des chercheurs qui inventent notre futur, des PME qui innovent, des professeurs qui réinventent la pédagogie, des seniors qui repoussent les limites et les servitudes de l’âge, des quartiers populaires où des gisements de créativité existent, des campagnes qui luttent contre la désertification et l’isolement.
La France, c’est une société créative, et qui peut l’être bien davantage, à condition que chacun soit écouté, reconnu, soutenu, dans l’école, dans l’entreprise ou dans la cité. Faute de cela, alors qu’aujourd’hui le lien social s’affaiblit, que l’individu est laissé seul face à ses responsabilités et ses épreuves, chacun doute de lui-même, et vit beaucoup de situations difficiles comme des échecs individuels.
Oui, il est temps de dire ce que nous voulons pour notre pays. Notre travail de cet après-midi va porter sur le nouveau modèle développement. Mais je souhaite l’inscrire dans notre réflexion globale. Nous voulons une société du bien-être. Nous voulons une société du respect. Nous voulons une République citoyenne.
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1-Oui, nous voulons une société du bien-être.
Elle doit inspirer notre modèle de développement.
La société du tout-avoir va dans le mur. Elle favorise une frénésie de consommation qui appauvrit le plus grand nombre, enrichit une minorité, aliène tout le monde. Cette société étend, sans limite, le domaine de la marchandisation : le corps, le vivant, la culture, la nature, tout devient marque et profit. Nous voulons bâtir une autre société, fondée sur le bien-être plutôt que le tout-avoir, en sachant bien sûr qu’une partie de nos concitoyens et une majorité des citoyens du monde n’ont pas encore accès aux biens essentiels. Nous devons le leur permettre.
Pour mener une politique de gauche, nous avons besoin de croissance. Pour construire une société meilleure, nous voulons donner un autre contenu à la croissance. Nous voulons produire mieux, produire ce dont nous avons besoin, en respectant notre environnement, notre santé, nos valeurs. Nous voulons réussir cette économie de la transition entre deux époques, entre produire plus et produire mieux.
Penser un nouveau modèle de développement suppose de reposer les questions essentielles : Que produire ? Comment produire ? Comment distribuer ? Notre débat d’aujourd’hui s’organise autour de ces thèmes. Pour y parvenir, nous devons opérer plusieurs grandes mutations.
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Et d’abord, la priorité au long terme plutôt que la tyrannie du court terme.
– S’échapper de la tyrannie du court terme, c’est remettre la finance au service de l’économie. Au-delà d’une régulation du système bancaire et financier –avec en particulier la séparation des banques de dépôts et d’investissement ou la limitation forte des activités spéculatives risquées-, il nous faut inciter les entreprises à investir plutôt qu’à distribuer des dividendes par une modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction du réinvestissement des profits.
– La priorité au long terme, c’est aussi retrouver des instruments de pilotage de notre économie plus lui redonner un avenir. Là est la clef du retour au plein emploi. L’échec de l’organisation d’un système productif soumis aux seuls marchés réhabilite le rôle de la puissance publique. Ce sera la mission du Pôle public d’investissement industriel que nous proposons de créer pour muscler notre appareil de production et répondre aux besoins de financement.
Nous refusons l’idée selon laquelle la concurrence internationale nous contraindrait à abandonner des pans entiers de production. Nous voulons un appareil productif qui marche sur ses trois pieds : industrie, services, agriculture. Oui, notre industrie a un avenir, y compris dans ses secteurs traditionnels, à condition d’accompagner sa mutation. Il nous faut recréer des filières d’excellence. L’avenir, ce sont -pour ne prendre que quelques exemples-, les véhicules et les transports propres, les textiles techniques et intelligents, les alicaments, le numérique, les biotechnologies…, et aussi savoir se préparer à la relocation d’activités qui ira croissante avec la hausse des coûts de transport et la demande de produits toujours plus personnalisés.
L’avenir, c’est une agriculture de proximité assurant l’indépendance comme la sécurité alimentaire de notre pays, une agriculture responsable et de qualité, des régulations efficaces des marchés permettant une juste rémunération des agriculteurs. Un forum des idées lui est consacré.
L’avenir, c’est enfin le développement des services. Je pense en particulier aux services de proximité. Nous avions lancé le mouvement avec les emplois jeunes ; il a été stoppé, nous devrons le reprendre, sous d’autres formes sans doute, avec au cœur du développement de ce secteur sa nécessaire professionnalisation. Nous devrons aussi enfin rentrer véritablement dans l’ère du développement des biens, services et réseaux numériques et en faire un enjeu économique majeur permettant l’émergence véritable « secteur quaternaire ».
– La priorité au long terme, c’est enfin une économie qui apprenne à produire durable. Nous sommes désormais les tenants d’une économie sociale mais aussi écologique de marché, qui irrigue l’ensemble de nos propositions. C’est ainsi le sens de la « TVA éco-modulable » que nous proposons. Dans le même esprit, nous développerons une politique énergétique, si possible dans le cadre européen fondée sur deux priorités : maîtriser notre consommation -avec l’immense chantier de l’isolation des bâtiments anciens– et développer les énergies renouvelables.
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Deuxième mutation, la société de la création plutôt que la société de la fausse performance
Nous vivons dans une société de la pseudo-performance qui s’est fait une doctrine de la mise sous pression des individus, réputés alors plus efficaces. L’expérience montre, chaque jour, que cette voie ne mène nulle part. Individuellement, elle crée des souffrances intolérables. Collectivement, une société sous pression est une société stérile, incapable de créer, d’innover.
L’avenir passe au contraire par la création, la recherche, l’éducation, la formation, la culture. Alors que la droite sacrifie leurs budgets, la recherche et l’enseignement supérieur seront des priorités premières. Nous soutiendrons également les entreprises innovantes, à commencer par les PME pour doter la France des entreprises de taille intermédiaire qui lui font aujourd’hui cruellement défaut, mais aussi le secteur de l’économie sociale et solidaire, lieu privilégié de l’innovation sociale.
Un forum des idées sera consacré à ces thèmes comme à celui de la culture. Car pour nous la culture n’est pas une cerise sur le gâteau. Elle est au cœur de notre projet politique. Chaque génération doit contribuer par les créateurs à laisser sa marque dans le patrimoine de l’humanité. La culture fait un lien avec le passé, elle fait un pont entre les générations, elle permet de partager des émotions. Elle grandit et émancipe chaque homme et chaque femme, elle touche notre raison pour réfléchir à notre société. Nous proposerons une politique culturelle qui permet la création, crée de nouveaux lieux et permet à chacun d’avoir accès l’excellence.
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Troisième mutation, la justice plutôt que la captation des richesses par une minorité.
Les inégalités ont explosé dans nos sociétés et ce mouvement a été accompagné par la droite qui a massivement réduit la fiscalité sur les plus riches. Nous assumons notre volonté de répartir autrement les richesses. Nous agirons sur de nombreux leviers : SMIC, négociations salariales, plafonnement des hautes rémunérations, mais également sur la fiscalité.
Nous remplacerons l’impôt sur le revenu et la CSG par un grand impôt citoyen sur le revenu, plus large, plus progressif et donc plus juste. Nous réformerons notre fiscalité locale pour donner à chaque collectivité les moyens d’agir, en assurant au niveau national une péréquation entre les collectivités les plus riches et les plus pauvres.
Le pouvoir d’achat ne sera pas seulement rétabli par l’amélioration des salaires, mais par des politiques qui rendent solvables les biens premiers, les biens essentiels. Le logement, qui exige une action d’investissement massif, de contre-spéculation et des règles d’encadrement des loyers. Les infrastructures collectives qui doivent être privilégiées. La facture d’énergie, qu’il faut réduire drastiquement par un habitat à basse consommation. L’eau, bien vital, pour laquelle il faut construire un droit d’accès universel pour les plus modestes.
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Enfin, dernière mutation essentielle, donner à chacun les moyens de maîtriser son destin.
Face à une société qui dépossède les femmes et les hommes des choix, nous voulons une société qui redonne du pouvoir aux salariés et aux citoyens. Cela passe d’abord par la revalorisation du travail. Le travail, c’est la reconnaissance de ce que l’on est dans la société. Certes avec le taylorisme, le travail n’était pas valorisant, mais aujourd’hui le stress, les contraintes portées sur le salarié livré à lui-même, la mise en concurrence permanente avec les autres, la suppression du collectif, la perte du sens dans les grandes entreprises amènent des souffrances beaucoup plus lourdes : des atteintes à la santé mentale, des pertes de dignité, des doutes sur soi-même.
Nous devons engager une reconquête de la dignité des travailleurs. En réaffirmant que le travail signifie l’émancipation. Par la hausse des salaires et du pouvoir d’achat, j’en ai parlé. Par le contrat de travail, en pénalisant les entreprises qui recourent massivement aux emplois précaires. Mais aussi en améliorant le quotidien des salariés, dégradé par le « nouveau productivisme ». Revaloriser le travail, c’est garantir sa qualité et ses conditions concrètes. C’est aussi sécuriser les salariés. La sécurité sociale professionnelle sera l’une des grandes réformes que la gauche proposera aux Français en 2012, comparable à l’ambition qui a fondé la Sécurité Sociale en 1945. Elle permettra d’amortir les chocs professionnels et de garantir des droits personnels à la formation tout au long de la vie permettant une réelle progression professionnelle.
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Oui, chers camarades, si nous savons engager ces transformations essentielles de notre économie, nous bâtirons un nouveau modèle de production, retrouvant le plein emploi, valorisant le travail, préservant l’environnement et en plaçant la justice et la solidarité au cœur de l’économie. Voilà notre ambition.
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2-Nous voulons une société du bien-être, mais aussi une société du respect.
Une société décente commence par un salaire ou une retraite qui reconnaisse le travail d’aujourd’hui comme le travail d’hier, j’en ai parlé tout à l’heure. Mais nous devons aussi nous interroger, et peut-être ne l’avons-nous pas fait encore assez sur ce qui permet de dire qu’une société est « meilleure » ? En un mot, retrouver le sens du progrès pour ce 21ème siècle. Nous sommes-nous assez intéressés à la qualité de la vie ? A la manière de faire progresser l’altruisme et reculer les égoïsmes ? A la façon de recréer une société du lien et de réduire les humiliations dans la cité ?
Nous ne supportons pas, nous ne voulons plus la société du mépris, celle qui relègue les plus pauvres hors de la cité, celle qui oublie les plus âgés, celle qui humilie les plus faibles, celle qui traite uniformément les citoyens comme des sujets anonymes. Notre projet doit porter ces grandes transformations qui garantissent aux individus, aux citoyens autonomes, plus de respect, plus de reconnaissance, et plus de soin. Ces transformations refonderont notre responsabilité à l’égard de chacun, mais aussi la responsabilité de chacun à l’égard des autres.
Il reviendra à notre convention nationale sur l’égalité réelle, présidée par Benoît Hamon, de préciser les axes de cette société du respect.
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– La société du respect doit apporter à chacun l’accès réel aux droits fondamentaux pour lui permettre de maîtriser sa vie
Cette transformation nous engagera vers une nouvelle conception de l’action publique : des services publics personnalisés, un Etat prévoyant, pour prévenir, et pas seulement réparer. C’est vrai pour la santé, la sécurité…
Mais l’égalité réelle commence par la petite enfance avant même l’école, et puis bien sûr par l’école elle-même, pour permettre à chacun de mieux s’équiper pour la vie. . Nous créerons un véritable service public de la petite enfance en lien avec les collectivités territoriales.
L’éducation est laissée à elle-même, négligée par l’Etat, avec une ségrégation sociale et territoriale toujours accrue, et un réel déclassement du corps enseignant, alors que leur métier est au cœur de l’émancipation que nous souhaitons pour chaque enfant. Il nous faudra entreprendre une véritable révolution, fondée sur un nouveau pacte éducatif.
L’école doit être repensée dans un grand projet éducatif global, dans son organisation, ses méthodes, ses programmes autour de la situation de chaque enfant : porter chacun au plus haut de ce qu’il peut faire, en élargissant son socle de connaissances et d’expériences, en adaptant les méthodes pédagogiques et les rythmes scolaires. C’est ainsi mettrons un terme à la spirale de l’échec, de l’exclusion et du décrochage des élèves.
L’école sera bien sûr au cœur de nos réflexions sur l’égalité réelle. Il nous faut engager cette révolution des services publics, qui dans ce domaine comme dans celui de la santé ou du logement, doit apporter à chacun des réponses personnalisées, au nom de l’égalité républicaine, qui ne doit jamais justifier des réponses uniformes, anonymes, lointaines.
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– Une société décente, c’est celle qui construit des villes durables et solidaires.
80% de nos concitoyens vivent en ville. La ville qui aurait dû rapprocher et mêler les individus, aujourd’hui isole et crée de la ségrégation dans nos banlieues comme dans nos quartiers défavorisés. La ville qui se voulait compacte et collective s’est peu à peu étalée, créant des conditions de vie et de transport difficiles pour les habitants, utilisant et gâchant un foncier restreint, et entraînant des coûts d’accessibilité pour les collectivités publiques. Il est temps de reconstruire des villes denses et intenses où chaque commune, chaque quartier mêle les différentes fonctions de la vie : logement, activités de production, culture, sport… C’est en y ajoutant la qualité des espaces publics, la qualité dans la construction de logements durables, des pôles d’excellence culturels et sportifs partout,…que la ville redeviendra mixte socialement et permettra un avenir durable.
Ce chantier qui tourne le dos à l’organisation urbaine des années 70 est aujourd’hui à l’œuvre dans certaines villes. Il doit être amplifié car c’est l’avenir de nos territoires qui est en jeu, mais aussi la capacité de vivre ensemble dans la proximité et dans nos différences. Tout en découle : la mixité des écoles, nécessaire au succès de chacun, le respect de l’environnement, la capacité à s’ouvrir aux autres…Un forum des idées, mêlant grands élus, urbanistes, architectes, sociologues, proposera notre projet sur la ville du 21è siècle, dense, solidaire et durable, sur une politique du logement apte à répondre aux besoins, sociaux comme écologiques.
Cette politique que l’on peut qualifier du « dur » doit bien sûr s’accompagner de politiques « douces » en faveur des enfants, des familles, des personnes âgées, des personnes handicapées et de tous ceux qui portent une différence.
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– Dans cette société solidaire, nous voulons l’attention aux autres.
L’attention aux autres, c’est d’abord le respect des règles et du socle de valeur qui fondent notre République. Notre idéal, c’est une société solidaire qui prend soin de chacun, où chacun prend soin des autres, et où ensemble, nous prenons soin de l’avenir. Qu’est-ce que le socialisme, sinon des individus qui, avec Jaurès, « se donnent à ceux qui cherchent et qui souffrent » ? Et quand Jaurès ajoute : « Vivre en autrui est la vie la plus haute », il inaugure ce que nous souhaitons pour notre société : un monde où chacun, à la fois, reçoit de la société ce qui lui permet de choisir sa vie, et donne aux autres, de son temps, de son expérience, de son énergie. Dans une société, il faut du lien, de la réciprocité, du soin mutuel. Je le dis à l’égard des plus fragiles. Je le dis pour les plus jeunes, quand ils dérivent, et que nous devons rattraper quand ils font naufrage. Je le dis pour tous ceux qui sont différents, que la société exclut ou laisse en marge.
Je le dis aussi à un moment où l’allongement de l’espérance de vie nous confère une immense responsabilité collective. La responsabilité de construire une société qui n’expulse pas ses ainés du monde des vivants, selon le mot terrible de l’anthropologue Maurice Godelier. N’oublions jamais qu’aucune allocation ne remplace les chaines de soins, les solidarités familiales et amicales, l’attention du voisinage, et l’engagement de la société toute entière. Alors, notre société redeviendra plus humaine.
La responsabilité aussi d’assurer la pérennité de notre système de retraite.
Je le dis avec force : le Parti Socialiste sera au rendez-vous des propositions sur le financement des retraites, comme il a été là à chaque fois que le gouvernement a bien voulu le consulter. Nous avons fait nos propositions sur la relance de l’économie, sur la taxe carbone, sur le grand emprunt. Le gouvernement aurait d’ailleurs été bien inspiré de nous écouter un peu plus, cela aurait épargné bien des déboires à notre pays.
Responsabilité collective et immense disais-je, et je dois dire que je suis consternée du peu de responsabilité justement dont fait preuve le pouvoir aujourd’hui dans la conduite de ce dossier. Là où il faudrait rassembler, il cherche à diviser syndicats comme la gauche, comme en janvier avec ce faux-débat sur l’âge légal de départ en retraite que personne ne veut supprimer à gauche ; là où il faudrait objectiver le débat en partageant le diagnostic, il manipule les chiffres du COR pour expliquer qu’il n’y a d’autre perspective que de travailler plus longtemps pour gagner moins ; là où il faudrait prendre le temps de la négociation pour trouver les voies d’une réforme juste et viable, il impose un calendrier intenable. Bref, on a le sentiment d’un gouvernement plus préoccupé à trouver des solutions pour redresser l’UMP que de redresser les comptes des régimes de retraites.
Alors aujourd’hui, alors que le gouvernement n’a toujours pas rendues publiques ses propositions, on nous somme de mettre les nôtres sur la table ! Drôle de façon de consulter l’opposition. Mais la manœuvre est claire. Elle a d’ailleurs déjà commencé sur les premières pistes que nous avons tracées. Un seul exemple : nous proposons de mettre à contribution les superprofits des banques ? M. Bertrand court les quatre coins de la France en expliquant que cela ne marche pas, alors même que l’idée a été applaudie par certains même dans son camp. Chacune de nos propositions est caricaturée, dénaturée, démantelée, détournée à des fins purement politiciennes.
Alors, chers camarades, ne tombons pas dans le panneau, mais ne dévions pas non plus ni de la méthode, ni du calendrier que nous nous sommes fixés. Ne cédons ni aux injonctions, ni aux intimidations, ni aux petites manoeuvres. Les Français y retrouveront les leurs, croyez-moi. Notre méthode, c’est d’abord les orientations, ensuite la concertation et les solutions.
Les orientations, nous les avons fixées dès le mois de janvier à l’unanimité du bureau national et je les redirai demain à Eric WOERTH. Je lui dirai que les Français sont prêts à des efforts à condition qu’ils soient justes. Une réforme juste, c’est l’âge légal à de la retraite maintenu à 60 ans, c’est la prise en compte de la pénibilité et des carrières longues, c’est la possibilité pour ceux qui le souhaitent de partir plus tard.
Je lui dirai aussi que pour nous les salariés et les retraités ne peuvent pas être les seuls sur lesquels reposent tous les efforts. La droite veut une fois de plus, agir sur une seule variable, celle de la durée des cotisations. Cette politique menée par Balladur et Fillon, qui a conduit à beaucoup d’inégalités et montré son échec. La mobilisation de nouvelles ressources, en particulier en mettant à contribution les revenus du capital, un meilleur recours aux ressources propres, une réforme d’ensemble qui permette aux jeunes de rentrer sur le marché de l’emploi et non d’enchaîner les stages non rémunérés ou les emplois précaires, et qui augmente significativement le taux d’emploi des actifs de plus de 50 ans, qui est en France le plus faible des pays développés, permettront de desserrer l’étau des contraintes financières.
Sur tout cela, nous avons des propositions dont nous discutons avec les organisations syndicales. Les retraites méritent un vrai débat démocratique. Nous le conduirons, avec ou sans la droite. Et nous mènerons une vraie réforme des retraites en 2012 porteuse de justice et de progrès.
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– L’attention aux autres, c’est aussi l’attention au monde
La France d’aujourd’hui est l’héritière de la France des Lumières et des droits de l’Homme. C’est encore ainsi souvent que le monde la regarde. Mais comment portons-nous cet héritage ? Comment regardons-nous l’Europe, le Sud et le monde ? Que pourrons-nous faire alors que la politique française est devenue erratique et illisible ?
Nicolas Sarkozy est partout, mais la France est nulle part. Nicolas Sarkozy est omniprésent, mais la France est illisible. Car enfin, l’intérêt de la France était-il de rentrer dans le commandement intégré de l’OTAN ? Était-il fondé d’envoyer de nouvelles troupes en Afghanistan ? Fallait-il courir les capitales du Moyen-Orient pour abandonner toute politique dans cette région du monde ? Comment faire oublier l’horrible discours de Dakar sur le retard du continent africain qui attend pourtant tant de la France ? Comment nous faire croire que la France a réussi à obtenir du G20 la régulation de la finance alors que rien n’a changé et que les banques affichent des bénéfices colossaux et distribuent des dividendes indécents ?
Alors que la place de la France dans le monde est fragilisée, il nous faut penser le nouveau monde et notre rôle dans celui-ci. Pour y travailler, notre troisième convention portera sur la relation internationale et l’Europe. Elle sera présidée par Laurent FABIUS et son secrétariat général sera assuré par Jean-Christophe CAMBADELIS.
Ce travail est décisif car nous ne pouvons plus agir comme hier. Les défis sont ceux d’un monde multipolaire où la géopolitique de la planète s’est re-fragmentée en nations défendant leurs intérêts. Ce nouveau monde impose une Europe actrice et une France active.
Notre Convention sera l’occasion de préciser les tâches historiques qui sont devant nous.
– Réorienter l’Europe, pour reconstruire, pendant et après la crise. Les égoïsmes reviennent vite, l’Europe néolibérale a poussé à leur retour en force. La Grèce en fait les frais. Demain, à qui le tour ? Comme si l’Europe ne fixait des règles que pour s’affaiblir ! Nous n’imaginons pas pour la France un modèle de développement durable sans une réorientation des politiques européennes vers une ambition, sociale, industrielle, scientifique et sans un gouvernement économique. Cela suppose que l’Europe soit au service de ses savoirs faire, de ses territoires, de ses salariés et de ses créateurs.
Qu’elle défende ses entreprises et soit porteuse d’un « juste échange » dans la mondialisation sans lequel non seulement l’Europe sortira des radars, mais sans lequel les pays émergents atteindront des niveaux de croissance qui ne profiteront ni à leur peuple ni à leur environnement. Oui, l’Europe comme le reste du monde ont tout à gagner -c’est une proposition forte que nous faisons aujourd’hui- à l’intégration de normes sociales et écologiques dans les échanges commerciaux ! Il faut bien sûr le faire en ménageant des transitions pour les pays qui ont tardé à se développer ou qui sont encore dans cette attente ; c’est à nous de les trouver avec eux.
– Ce sera la base d’une relation authentique et féconde avec le Sud, en commençant par l’essentiel : l’autosubsistance alimentaire à reconquérir dans tous les pays, l’investissement dans le capital humain dans tous les pays.
– Un contrat avec le monde, pour une mondialisation encadrée et civilisée. Qu’est-ce qu’une politique de sécurité collective pour les socialistes ? Quelles réformes la gauche doit-elle porter dans les enceintes internationales, Nations unies, FMI, OMC et peut-être organisation mondiale environnementale ?
On m’objectera que c’est un horizon de vingt ou trente ans. Mais c’est aujourd’hui qu’il faut préparer ces rendez-vous. Les socialistes devront sortir de cette convention avec des idées claires pour une France active, lisible, respectée et une Europe restaurée dans le monde multipolaire. Voilà mes chers camarades la feuille de route de cette convention qui précèdera en novembre le Conseil de l’Internationale Socialiste à Paris.
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3-Nous voulons enfin une République citoyenne
L’hyper-présidence est en panne, mais la privatisation de la République tourne à plein. Les Français ne supportent plus l’autocratie et le bal des courtisans. La fin des contrepoids met en danger l’indépendance de la justice, et l’autonomie des collectivités locales. Le contrôle des contre-pouvoirs menace la liberté des médias.
Nous avons le devoir de rompre avec cette dérive. Elle s’est implantée dans les pratiques, dans les usages, mais elle est aussi servie par nos institutions telles qu’elles sont. Il nous faudra, en 2012, construire une VIème République fondée sur un Parlement profondément réformé, une presse et une justice indépendantes, des collectivités remises en mouvement par une décentralisation authentique, une démocratie sociale qui fasse progresser à nouveau les droits des salariés, comme nous avions su le faire en 1981.
Notre rénovation, celle du Parti socialiste, doit être exemplaire. Comment exiger la rénovation de la démocratie française si nous n’avons pas un coup d’avance avec la rénovation du Parti socialiste ? Les militants l’ont voulu, nous l’avons engagée. Arnaud MONTEBOURG prépare activement sa mise en place. Nous déciderons dans la convention de juillet prochain des modalités concrètes du non-cumul des mandats, d’une meilleure diversité parmi nos élus et dans notre parti et de l’organisation des primaires. C’est un parti plus démocratique et plus proche de la société qui en sortira. Ce sont des révolutions majeures dont nous pouvons d’ores-et-déjà être fiers.
Mais nous devons aussi rebâtir une démocratie qui sache préparer l’avenir. Nous devons échapper à la tyrannie du court-terme, qui mine notre démocratie. Condorcet déjà, évoquait « la démocratie immédiate ». L’agitation remplace l’action. Dans la politique, la petite phrase a remplacé le grand dessein. Dans l’économie, le profit ne finance plus le projet. Nous devons proposer aux Français un autre chemin. Un nouveau modèle de développement, ce n’est pas seulement un objectif, un idéal, mais c’est aussi un processus, un chemin. Nous vivons dans une société de citoyens plus autonomes, plus informés qu’ils ne l’ont jamais été. Il faut que les citoyens s’emparent davantage de la politique, se sentent réellement associés aux choix qui les concernent.
Il faut que la politique s’empare du futur, d’un nouvel horizon. Dans notre République, il y a place pour un « Parlement du futur », qui prépare aux grands choix, ceux qu’imposent les mutations sociales – je pense aux retraites-, ceux qu’imposent les découvertes scientifiques -et les risques qu’il faut maitriser-, ceux qu’imposent bien sûr les préoccupations écologiques.
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Chers camarades,
Notre projet vise à bâtir une France meilleure.
Une France meilleure, c’est une France qui retrouve le peloton des nations qui éclairent le futur. Notre pays n’est pas un ilot au milieu de l’océan-mondialisation. Nous sommes l’une des rares nations à porter un message universel, c’est une force. Nous sommes, à l’instar de l’Europe, exposés au risque de la relégation à l’heure où les Etats-Unis d’Amérique et la Chine veulent jouer la finale du 21ème siècle sans que les Européens viennent troubler leur face à face. L’Europe doit retrouver une ambition et la France un rayonnement.
Une France meilleure, c’est aussi une France où l’on vit mieux. Je le dis et le redirai inlassablement, quitte à soulever les haussements d’épaule de ceux qui n’ont toujours pas compris l’ampleur du séisme qu’a constitué la crise que nous traversons encore : le bonheur dans une société ne se résume pas à l’accumulation des biens matériels. La promesse du capitalisme trouve ses limites, surtout quand il cumule les inégalités et les atteintes aux biens communs.
Le bonheur, c’est de vivre dans une société apaisée, c’est de maitriser sa vie en accédant réellement à l’éducation, au logement, à la santé, à l’emploi durable. Le bonheur, c’est aussi de partager des grandes émotions, des plus personnelles au plus collectives, comme celles qu’apporte la culture qui nous ouvre au monde.
Redonner l’espoir du progrès : pour les socialistes, héritiers de tant de beaux combats, c’est comme renouer un fil qui s’était rompu. C’est faire revenir la gauche dans l’Histoire de la France pour transformer notre pays, c’est faire revenir la gauche à sa place, au premier rang de ceux qui agissent sans jamais renoncer, pour une société meilleure.
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