C’est à la fois une mesure démocratique et progressiste, de reconnaissance politique et sociale, de lutte contre les discriminations et d’intégration, que le Groupe Socialiste de l’Assemblée Nationale souhaite soumettre au vote. Une telle proposition de loi a pour objet d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers résidant en France.
Ce droit politique reconnu aux étrangers installés en France est porté depuis longtemps par les socialistes. Aux engagements politiques ont succédé des actes forts qui n’ont jamais pu aboutir, du fait de l’opposition du Sénat en mai 2000 alors qu’une proposition de loi avait été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, ou encore par le refus obstiné de la majorité au printemps et à l’été 2008 lors des débats sur la réforme constitutionnelle lorsque ce nouveau droit avait été présenté par les socialistes comme l’une des conditions de leur vote favorable.
Aujourd’hui, les esprits semblent avoir progressé dans la majorité. En 2005, alors Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait jugé favorablement cette proposition qu’il présentait comme « un facteur d’intégration ». Depuis, à de multiples reprises, le Président de la République a confirmé cette position.
L’actuel Ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a également exprimé son adhésion, le 26 octobre 2006, voyant dans ce changement « des mesures simples » et « justes ».
Alors que le débat engagé par le gouvernement sur « l’identité nationale » a dérapé et versé dans la stigmatisation des populations immigrées, le Ministre de l’immigration a, au début du mois de janvier, cherché à corriger le tir en affirmant que « vouloir priver des étrangers qui travaillent, vivent, font vivre, et payent leurs impôts, de toute forme de citoyenneté et de toute participation à notre vie démocratique, n’a d’autre sens qu’une ségrégation ».
L’argument de « l’opinion qui ne serait pas mûre » n’est plus davantage opposable. Depuis 1999, les sondages font apparaître régulièrement que les Français sont majoritairement favorables à cette évolution. Le succès des « votations citoyennes » en est une preuve supplémentaire.
Une majorité est donc maintenant possible au Parlement. Les Français sont désormais acquis à l’ouverture de ces nouveaux droits. Toutes les conditions sont réunies pour qu’ensemble, droite et gauche fassent ce pas décisif pour la citoyenneté, la démocratie et l’intégration des étrangers sur notre territoire.
Il serait temps. La France fait figure de « lanterne rouge » de l’Europe. L’Irlande depuis 1963, la Suède depuis 1975, le Danemark depuis 1981, les Pays-Bas depuis 1983 mais aussi la Belgique, le Luxembourg, ou encore plusieurs cantons suisses octroient le droit de vote aux élections locales aux étrangers qui résident sur leur territoire. Les Constitutions espagnole et portugaise prévoient que le droit de vote peut être accordé aux étrangers sous réserve de réciprocité. Le Royaume-Uni accorde le droit de vote aux élections locales aux ressortissants de tous les États membres du Commonwealth résidant sur son territoire. Pour quelles raisons refuser cette avancée démocratique réalisée par la majorité des pays européens ?
De nouvelles formes de citoyenneté
Les exemples européens sont la preuve de l’émergence et de l’adoption du concept de citoyenneté de résidence depuis plus de trente ans déjà.
Par ailleurs, par l’octroi aux résidents communautaires du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, droit consacré à l’article 88-3 de la Constitution, la France a reconnu une nouvelle articulation entre nationalité et citoyenneté.
Au niveau local, le critère de résidence doit l’emporter sur celui de nationalité. D’ailleurs, de nombreuses collectivités territoriales associent depuis longtemps les étrangers à la vie de la cité notamment par la création de conseils de résidents étrangers ayant voix consultative. Néanmoins, il ne faut pas confondre la citoyenneté de résidence avec la citoyenneté de passage. Cette proposition de loi s’adresse à ceux qui sont régulièrement et durablement installés en France. Un délai de cinq ans de résidence régulière pourrait être choisi dans le cadre de la loi organique d’application.
Il convient, par ailleurs, de distinguer les notions de citoyenneté et de souveraineté comme l’a réalisé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 1992 relative au traité sur l’Union européenne de Maastricht. Il est établi une différence entre les élections nationales et les élections municipales, ces dernières ne participant pas à l’exercice de la souveraineté nationale.
L’argument par lequel les étrangers souhaitant participer à la vie démocratique « n’ont qu’à se faire naturaliser » est révélateur d’une étroitesse d’esprit. De nombreux étrangers souhaitent conserver leur nationalité, choix respectable, mais ils n’en demeurent pas moins désireux de participer à la vie locale dans le pays qui les accueille et où ils ont fait leur vie, la France.
Accorder le droit de vote et d’éligibilité aux résidents étrangers aux élections municipales, c’est reconnaître, dans un souci de cohésion nationale, la voix de tous dans la cité, sans discrimination.
Ces étrangers sont déjà acteurs de la vie économique, de la vie associative, de la vie sociale de la cité. Comme les autres habitants, ils sont redevables des impôts et des cotisations sociales. Ils participent à la vie de l’entreprise, dans laquelle ils peuvent être délégués du personnel, membres du comité d’entreprise ou délégués syndicaux. Ils peuvent également participer aux élections prud’homales. En outre, les étrangers peuvent siéger dans les conseils d’administration des structures publiques et dans les instances des établissements scolaires et universitaires et, depuis 1981, diriger une association. Des droits et des devoirs que les étrangers installés en France partagent avec les Français. Mais l’égalité s’arrête là puisque l’exclusion des droits politiques demeure.
Cette exclusion est d’autant moins justifiable que le nombre de conseillers municipaux ou encore les dotations de l’Etat aux communes sont calculés en fonction du nombre d’habitants et non d’électeurs. Les étrangers, ainsi « comptabilisés », ne peuvent cependant exercer leur droit de contrôle sur la politique menée au niveau local. Une absence de voix qui permet à certains élus d’ignorer ceux qui représentent parfois 10%, 20% ou plus encore de leur population. Le renforcement de la démocratie, notamment la démocratie de proximité tant plébiscitée, doit passer par le droit enfin donné à tous les habitants de participer à la vie politique locale. Ce dernier est un gage supplémentaire d’une véritable représentativité et légitimité des élus locaux.
Enfin, accorder aux étrangers installés en France le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est un signe de reconnaissance et de confiance. Avoir le droit de participer à la vie politique locale c’est être reconnu, être pleinement intégré. La politique d’intégration doit voir plus large que le simple accueil des primo arrivants. Les incidences positives d’une telle mesure ne sont pas négligeables, autant pour les étrangers concernés que pour leurs enfants, pour la plupart français. L’exclusion, quant à elle, ne peut qu’effriter la cohésion nationale tout comme les discriminations politiques légitiment les discriminations sociales.
Une proposition de loi pour l’égalité
La présente proposition de loi constitutionnelle vise à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers résidant en France.
Alors que seuls les étrangers communautaires ont cette possibilité actuellement, il est proposé ici d’étendre ce droit à tous les étrangers non communautaires installés en France. Le délai de résidence exigé, qui pourrait être de cinq ans, sera fixé par une loi organique.
De plus, les étrangers désormais considérés comme électeurs pourront participer aux consultations municipales prévues à l’article 72-1 de la Constitution (droit de pétition, participation aux référendums locaux et aux consultations).
L’article premier intègre ainsi un nouvel article 72-5 dans la Constitution du 4 octobre 1958 au sein du titre XII « Des collectivités territoriales ».
En conséquence, le second article supprime la référence au fait que « seuls » les citoyens européens ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.
Ces dispositions ont déjà été adoptées par l’Assemblée Nationale au siècle dernier, le 3 mai 2000. Dix ans après, il est temps que la démocratie française entre de plein pied dans le XXIe siècle.
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Bonjour,
Votre texte comporte quelques inexactitudes :
1 – “du fait de l’opposition du Sénat en mai 2000” : Jospin pouvait l’imposer à l’ordre du jour du sénat comme il l’a fait à l’AN. Il ne l’a pas fit. Il n’y a pas eu 80 sénateurs pour le mettre à l’ordre du jour. Le Sénat ne s’est donc pas prononcé
2 – “depuis 1999, les sondages font apparaître” : ces sondages favorables au droit de vote portent sur les élections MUNICIPALES ET EUROPÉENNES. Pas seulement municipales.
3 – “La France, lanterne rouge” avec 10 autres pays de l’UE.
4 – “Le Royaume-Uni accorde le droit de vote aux élections locales aux ressortissants de tous les États membres du Commonwealth résidant sur son territoire.” En réalité, c’est ) TOUTES LES ÉLECTIONS.
5 – “par l’octroi aux résidents communautaires du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales” et EUROPÉENNES…
6 – “les élections municipales, ces dernières ne participant pas à l’exercice de la souveraineté nationale”. Désormais les citoyens de l’UE participent, de façon indirecte, à l’élection des sénateurs et donc à la souveraineté nationale (ils participent à l’élection des conseillers municipaux, des maires et maires adjoints qui sont grands électeurs).
Bien à vous
Paul
NB : “De plus, les étrangers désormais considérés comme électeurs pourront participer aux consultations municipales prévues à l’article 72-1 de la Constitution (droit de pétition, participation aux référendums locaux et aux consultations)” du fait d’une loi de 1992 votée pa.
PS : “De plus, les étrangers désormais considérés comme électeurs pourront participer aux consultations municipales prévues à l’article 72-1 de la Constitution (droit de pétition, participation aux référendums locaux et aux consultations)” du fait d’une loi votée en 1992 par la gauche..