Une mission parlementaire d’information sur le port du voile intégral est actuellement en cours à l’Assemblée Nationale.
Les parlementaires du groupe Socialistes, Radicaux et Citoyens à l’Assemblée nationale ont tenu à participer de manière constructive aux travaux de cette mission. Cette question nécessite en effet une réflexion exempte de préjugés autant que d’exclusives, un dialogue républicain dépassionné et libre de toute considération politicienne ou électorale.
À ce titre, on ne peut que regretter que le Président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, M. Jean-François Copé, n’ait pas respecté le déroulement de vos travaux en affirmant publiquement, quelques jours seulement après l’installation de la mission parlementaire en juillet 2009, qu’une loi d’interdiction générale était la seule réponse requise aux questions soulevées par le port du voile intégral, propos réitérés récemment et accompagnés de l’annonce du dépôt d’une proposition de loi avant même la fin des travaux.
Cette insupportable confusion des genres n’a pu qu’être aggravée par la tribune qu’a récemment publiée dans Le Monde le Président de la République qui a choisi d’amalgamer les sujets de l’identité nationale, de l’immigration et de la religion musulmane, en prenant prétexte des résultats d’une récente votation citoyenne intervenue en Suisse sur les minarets. Ce faisant, le chef de l’Etat et son gouvernement ont empêché les conditions d’un consensus républicain qui serait plus que nécessaire sur cette question, choisissant au contraire et de façon irresponsable de l’instrumentaliser à des fins de politique partisane.
Le Parti socialiste récuse et dénonce avec la plus grande fermeté cette confusion dangereuse et démagogique. C’est notamment pour cette raison que nos responsables et élus ont refusé de participer aux réunions donnant lieu à de nombreux dérapages organisées dans les préfectures par le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. En conséquence, le Parti socialiste demande solennellement au gouvernement de mettre un terme au “débat sur l’identité nationale” comme de nombreuses voix associatives et politiques l’ont d’ores et déjà exigé.
Nous combattons et nous combattrons toute manœuvre ayant pour effet de diviser nos concitoyens en stigmatisant certains d’entre eux.
Vous trouverez ci-dessous la position du Parti socialiste sur cette délicate question du port du voile intégral :
1) Le parti socialiste condamne avec fermeté le port du voile intégral, pratique incompatible avec les valeurs de la République
Le parti socialiste condamne résolument la pratique du port du voile intégral sur le territoire national.
Cette pratique fondamentaliste est une négation de l’émancipation et de la liberté des femmes, valeurs essentielles de la République et manifeste le refus du principe d’égalité entre les hommes et les femmes édicté par le préambule de la Constitution de 1946. Même si cette pratique est minoritaire, elle doit être fermement condamnée.
Plus globalement, comme l’ont y compris déclaré eux même devant la Mission les représentants du Conseil français du culte musulman, le port du voile intégral représente une auto-exclusion de la vie de la Cité. Il s’oppose par essence à l’idée d’une République formée de citoyens égaux sans distinction d’origine, de sexe ou de religion, la citoyenneté supposant une participation à la vie de la cité incompatible avec le refus d’entrer en contact avec les autres membres de la société sur une base assurant la réciprocité donc l’égalité.
Même à supposer que, dans quelques cas, le port du voile intégral relèverait de choix individuels non directement contraints, il nous apparaît – dans ses fondements comme dans ses manifestations – comme une négation absolue des valeurs de la République.
En conséquence, cette pratique doit être combattue, et empêchée partout où, à raison des lieux ou des circonstances, cela sera possible dans le respect du cadre constitutionnel auquel nous sommes attachés.
2) Le Parti socialiste préconise une action publique contre le port du voile intégral respectueuse de notre Etat de droit et qui mobilise de façon résolue les principes et les moyens de la République
Aussi nous semble t-il nécessaire, en l’état, de privilégier des voies d’action publique à la fois incontestables au regard de notre ordre constitutionnel et appropriées pour lutter efficacement contre ce phénomène encore aujourd’hui marginal.
Nous proposons plusieurs axes pour une action cohérente, juste et à la mesure du problème. Les circonstances qui conduisent au port du voile sont multiples et doivent être prise en considération si l’on souhaite faire reculer vraiment cette pratique.
Il faut pleinement mobiliser tous les instruments juridiques dont dispose déjà notre Etat de droit et veiller à leur application systématique.
– Ainsi, les fonctionnaires et agents publics n’ont aucunement le droit, dans l’exercice de leurs fonctions, de porter de signes religieux distinctifs. De même, les usagers des services publics, peuvent se voir refuser le port du voile intégral et ne peuvent en aucun cas exiger d’être servis dans des conditions découlant de leurs croyances si cela porte atteinte au fonctionnement normal du service (service public hospitalier..). Concernant l’établissement de documents d’identité une circulaire est venue préciser l’obligation d’avoir le visage découvert. Pour ce qui concerne l’espace public, le droit existant permet pour l’identification des personnes aux fins de sécurité, l’interdiction du port d’un vêtement dissimulant le visage, comme dans le cas de la participation, ou de l’immédiate proximité, avec une manifestation, dans laquelle l’ordre public est menacé.
– Quand le port du voile intégral relève clairement d’une dérive sectaire, il doit être traité comme tel. Il convient donc de renforcer la lutte contre les sectes, alors que cela n’a jamais été une priorité de l’exécutif, qui est allé jusqu’à envisager la suppression de la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Nous souhaitons au contraire que ses moyens soient renforcés et que ses capacités d’alerte et de prévention soient développées.
– Ce combat implique aussi une politique de fermeté absolue contre les violences faites aux femmes comme le développe opportunément la proposition de loi Bousquet « renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes » enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2009. Nous demandons le vote de cette loi dans les meilleurs délais.
– Enfin , il convient de multiplier les points de contact entre les femmes concernées et les structures publiques, permettant aux pouvoirs publics de leur offrir les informations et l’assistance sur leurs droits, notamment s’il s’agit d’étrangères en voie d’intégration. Toutes les expériences qui peuvent permettre de recréer du lien social et civique doivent être développées. Le combat pour l’égalité doit ainsi également être mené par la société civile qui doit être accompagnée dans ses efforts. Les pouvoirs publics doivent appuyer les associations qui œuvrent au soutien des femmes, les informent sur leur droit à disposer de leur corps et sur la contraception, et mènent des actions pédagogiques en matière d’éducation sexuelle auprès des enfants et des jeunes. Il conviendrait d’initier la multiplication des points associatifs de rencontre auxquels les femmes concernées pourraient s’adresser. En direction des jeunes, un travail ambitieux d’éducation aux droits fondamentaux, à la laïcité, à la citoyenneté et aux valeurs de la République est indispensable. Parallèlement, les discriminations, facteurs de communautarisme, doivent être combattues par toute la collectivité nationale.
3) Le Parti socialiste refusera toute loi de circonstance, inapplicable.
Le refus de voir se développer sur le territoire national le port du voile intégral ne doit pas conduire à des dispositifs juridiquement contestables, inadaptés ou inapplicables.
La quasi-totalité des juristes, y compris ceux consultés par la Mission, considèrent qu’une loi d’interdiction générale et absolue du voile intégral ne serait pas assurée de ses fondements juridiques et notamment constitutionnels.
Une telle interdiction législative encourrait un fort risque de censure du Conseil constitutionnel au regard de plusieurs textes fondamentaux relatifs aux libertés de conscience ou de culte, notamment les articles 4 et 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. De même, elle serait susceptible d’être mise en cause par la CEDH sur le fondement de l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Le parti socialiste regrette profondément que les travaux de votre Mission sur le port du voile intégral en France aient été minés par un climat malsain créé pour des raisons électorales par l’actuel pouvoir avec son débat “sur l’identité nationale”.
Aujourd’hui, le Parti socialiste n’est pas favorable à une loi de circonstance, inapplicable, qui n’aurait pas d’efficacité et pourrait s’avérer contraire aux principes constitutionnels. Il demande que soient pleinement utilisés tous les moyens dont dispose déjà la République pour lutter contre le port du voile intégral, dans un climat qui ne pourrait qu’être apaisé par l’arrêt du « débat sur l’identité national » et des dérapages et amalgames auxquels il a donné lieu.
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Comme l’ont indiqué les parlementaires socialistes présents au sein de votre mission d’information : nous préférons la République qui rayonne par ses valeurs à celle qui blâme, celle qui émancipe à celle qui exclut. Notre pays a toujours su relever, mieux que tout autre, défi historique qui consiste à sublimer les identités particulières pour forger une identité collective.
Nous devons être fidèles à notre tradition en combattant sans faiblesse le repli sur soi, la tentation de l’obscurantisme, les violences faites aux femmes mais aussi le rejet de l’autre, le racisme et le populisme qui conduisent à l’affrontement et nient notamment l’intégration des musulmans dans notre pays.
Les socialistes ne se résigneront jamais à une société fracturée, marquée par l’inégalité et l’exclusion. Plus que jamais, ils sont attachés à l’idée d’une République formée de citoyens égaux, sans distinction d’origine, de sexe ou de religion comme l’énonce la Constitution, conception que n’a cessé de fragiliser par ses agissements ou ses déclarations l’actuel chef de l’Etat.
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