Jeudi 17 décembre, je suis intervenu, avec 60 de mes collègues de gauche dans le cadre de la discussion général du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales. Ce texte entérine le changement de statut de la Poste d’établissement public en société anonyme. Le texte a été adopté à l’Assemblée mardi 22 décembre par 300 voix contre 206. J’espère que les députés de droite qui ont voté pour auront le courage de défendre auprès des maires et de nos citoyens les fermetures de bureaux de poste à venir…
Ci-joint mon intervention pour défendre le statut d’établissement public de la Poste.
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission,
Monsieur le rapporteur,
Mes chers collègues,
Monsieur le Ministre,
Si ce projet de loi devait, hélas, être voté et validé par le Conseil Constitutionnel, votre nom serait à jamais associé à une loi de régression qui ferait de vous le fossoyeur d’un grand service public, le service public postal, facteur essentiel de cohésion sociale, auquel les Français sont viscéralement attachés.
Ces derniers l’ont démontré lors de la consultation citoyenne du 3 octobre en rejetant massivement votre projet : rien que dans le département de la Loire, près de 33 000 votants se sont prononcés à 97% pour le non, dans plus de 150 bureaux de vote. C’est du jamais vu !
Cette loi, si elle était votée, ferait de vous, Monsieur le Ministre, un « déménageur de territoires », un de plus dans ce gouvernement Fillon, qui après avoir planifié les déserts « kakis » avec la carte militaire, les déserts « noirs » avec la carte judiciaire et les déserts « blancs » avec la carte hospitalière, organise à présent les déserts « jaunes », les déserts postaux.
La Poste est, avec l’école, le premier des services publics de proximité, garant de l’égalité territoriale, créateur de liens sociaux, mais aussi souvent la dernière présence de l’Etat dans nos territoires, dans le monde rural comme dans nos quartiers populaires.
Avec cette loi, Monsieur le Ministre, vous allez pouvoir apporter votre pierre personnelle à l’édifice de démantèlement méthodique du pacte social et républicain que le Président de la République, votre mentor, a engagé depuis son élection.
Votre objectif est clair : affaiblir à tous les niveaux la capacité à agir de la puissance publique, ce qui se traduit par un désengagement massif des services de l’Etat sur les territoires et par la privatisation des services publics comme c’est le cas aujourd’hui avec la Poste.
La feuille de route que vous a fixé le chef de l’Etat est simple.
1er temps : vider les caisses de l’Etat -ce que vous avez fait admirablement- et assécher ses ressources financières par la baisse des impôts des plus riches et le bouclier fiscal.
2e temps : organiser les déficits publics -pour le coup vous êtes champions toutes catégories- pour mieux faire subir à l’Etat une cure d’amaigrissement sans précédent (non remplacement d’un départ à la retraite de fonctionnaire sur deux, RGPP…).
3e temps : asphyxier les collectivités locales en vous délestant sur elles de nouvelles compétences sans les compenser financièrement et en faisant reposer leur financement sur les impôts les plus injustes des ménages les plus modestes.
Votre projet de loi sur la Poste participe de ce mouvement d’ensemble qui fragilise non seulement un grand service public mais conduit tout droit à un Etat résiduel, marginal, réduit à la portion congrue.
Ce projet de loi est avant tout un texte idéologique d’un Gouvernement qui a fait le choix de faire primer le funeste principe de la concurrence libre et non-faussée au détriment des valeirs du service public.
Le Gouvernement prend prétexte de la transposition de la 3e directive postale de la commission européenne pour changer le statut de la Poste et la transformer en société anonyme.
Cette directive ne demande en aucune manière que le capital de La Poste soit ouvert, elle demande l’ouverture et l’abolition des frontières postales.
Mais vous avez fait le choix, lors de la négociation de cette directive en 2008, de ne pas plaider en faveur du maintien d’un secteur réservé, contrairement à ce qu’avaient fait les gouvernements précédents, en particulier le gouvernement Jospin en 1997.
Je rappelle qu’une dizaine d’autres pays en Europe ont défendu, de leur côté, le secteur réservé c’est à dire le monopole résiduel pour la levée, le tri et la distribution des lettres de moins de 50 grammes, un tarif unique du timbre et un nombre égal de dessertes, que l’on se trouve au fin fond du département de la Loire, comme au cœur de Paris.
Le secteur réservé, ces pays l’ont préservé tout en renforçant le statut public de leur entreprise postale.
C’est donc bien votre famille politique, Monsieur le Ministre, la droite, qui est au pouvoir dans la plupart des Etats européens et à la Commission, qui est responsable du contenu libéral de cette directive de dérégulation.
Vous invoquez dans votre projet l’insuffisance des fonds propres de la poste. Mais si l’Etat avait assumé ses obligations à l’égard de la poste ces dernières années, nous n’en serions pas là. En créant vous-même les difficultés financières du groupe et en laissant filer son endettement, vous avez réunis les conditions pour justifier aujourd’hui votre projet d’ouverture du capital et bientôt de privatisation de la Poste.
Nous vous proposons une solution alternative pour l’avenir du service public de la Poste, le maintien du statut d’EPIC (établissement public industriel et commercial) avec financement intégral des deux missions de service public pour lesquelles l’Union Européenne laisse aux etats membres toute latitude d’apporter un accompagnement financier, à savoir la présence postale, le transport et la distribution de la presse.
La transformation de la Poste en Société anonyme constitue un transfert des droits de propriété d’un EPIC, établissement public propriété collective de la Nation, à une société dont le capital social peut-être fractionné en actions détenues par différents propriétaires et introduit ultérieurement en bourse.
Nous défendons le statut d’EPIC par rapport à la société anonyme parce que nous pensons que, lorsqu’il y aura des actionnaires, il y aura nécessité d’un retour sur investissement, comme c’est toujours le cas. Qui dit retour sur investissement dit rentabilité. Et par souci de rentabilité, on fermera de plus en plus de bureaux de poste, où l’on diminuera les horaires d’ouverture comme c’est déjà le cas dans nos quartiers.
Monsieur le Ministre vous nous dites « la Poste est imprivatisable ». Mais au fond que vaut votre parole, monsieur le Ministre ? Elle vaut ce que vaut la parole de ce gouvernement, c’est à dire pas grand chose.
En ce qui concerne les futures conditions de travail des salariés de La Poste, nous voulons obtenir du gouvernement des garanties solides. La Poste tend de plus en plus à imiter le modèle managérial de certaines entreprises publiques qui ont été privatisé comme France Télécom, avec mobilité forcée, mise en concurrence des salariés, voire harcèlement…
Membre des missions d’information parlementaire sur la pénibilité au travail et sur les risques psycho-sociaux, je tiens ici à exprimer mon inquiétude sur les conséquences de l’évolution su statut l’entreprise sur la qualité de vie au travail des salariés de la Poste.
Lors des débats en commission, mes collègues ont demandé au gouvernement de remettre un rapport sur l’évolution globale de l’emploi et des conditions de travail à La Poste, au plus tard le 30 juin 2010, puis tous les deux ans. Cette demande, vous l’avez refusée.
Mes collègues vous ont réclamés un comité paritaire sur l’amélioration des conditions de vie et de travail des personnels de La Poste et de ses filiales, vous l’avez également refusé.
Vous avez en ligne de mire une privatisation à brève échéance et la rédaction de ce projet de loi prépare le terrain à cette future évolution néfaste.
François Brottes vous a proposé d’inscrire dans la Constitution le principe selon lequel La Poste est chargée du service public postal. Là-aussi, vous avez refusé.
Votre projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales marque une rupture fondamentale dans l’histoire de notre service public. Il constitue une étape de plus dans la remise en cause de notre pacte social et républicain. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce texte de régression.
Votre gouvernement doit tenir compte de la mobilisation sans précédent de nos concitoyens le 3 octobre dernier : dans un ultime élan de lucidité, il est encore temps pour vous de retirer votre projet de changement de statut et d’organiser sur la base de l’article 11 de la Constitution, comme nous l’avons proposé dans notre proposition de loi organique, un référendum d’initiative populaire.
Monsieur le Ministre, ayez un peu de courage, laissez les Français décider par leur vote de l’avenir de leur Poste !
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