La suppression d’une niche sociale pour les plus riches, un effort de solidarité élémentaire pour les sportifs les mieux payés.
L’Assemblée Nationale a voté jeudi par 91 voix contre 22, dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2010, un amendement d’Yves Bur, député UMP soutenu par les ministres Bachelot et Woerth, supprimant dès 2009 au lieu de 2012, les exonérations fiscales liées au “droit à l’image collective” des sportifs professionnels.
Le gouvernement envisage de revenir sur ce vote de l’Assemblée lors de la discussion du PLFSS, comme il l’a déjà fait en s’essuyant les pieds sur le Parlement concernant la surtaxe de 10 % pour les profits des banques.
Le mécanisme du DIC, voté en 2004 et qui fera l’objet d’une évaluation par le Parlement et être supprimé en 2012, prévoit que la part de la rétribution versée par le club en contrepartie des bénéfices tirés de la popularité des joueurs (droits télé, produits dérivés) n’est assujettie ni aux charges sociales ni aux charges patronales. Ces exonérations de charges sont compensées par l’Etat (budget du sport), à qui cela a coûté 32 millions d’euros en 2008.
Concrètement, les sociétés sportives sont autorisées à verser à certains de leurs joueurs, à côté du salaire, des revenus spéciaux correspondant à la commercialisation de l’image collective de l’équipe. Et cette portion de revenus, le DIC, qui n’est pas regardée comme un salaire, n’est pas soumise aux cotisations du régime général de la sécurité sociale, à l’exception de la CSG et de la CRDS. Pour éviter les abus, le DIC ne peut représenter qu’au maximum 30% de la rémunération brute totale du sportif. Par ailleurs, pour garantir une protection sociale minimale au sportif, le DIC ne se déclenche qu’au-delà d’un certain seuil de rémunération, ce seuil ne pouvant être selon la loi inférieur à deux plafonds de la sécurité sociale mais pouvant être fixé plus haut par les conventions collectives de chaque sport.
Ces avantages fiscaux qui ne concernent que les sports collectifs ont pour but de favoriser la compétitivité des clubs français (rapport Besson), réputés désavantagés économiquement par rapport à leurs homologues européens.
Ce dispositif concerne 1444 sportifs professionnels parmi les plus hauts salaires dont 658 dans le football, 625 dans le rugby, 142 dans le basket et 20 dans le handball. Il a coûté 132 millions d’euros depuis sa création en 2005 directement à la charge du budget des sports ce qui prive injustement le monde sportif d’une ressource majeure (le budget total du sport est de 678 millions d’euros). Ce dispositif a été vivement critiqué par la Cour des Comptes, présidé par Philippe Séguin qui le considère comme un “simple effet d’aubaine”.
Les députés socialistes ont voté pour cet amendement. Nous avions défendu -et j’ai soutenu en tant que rapporteur du budget Sport, jeunesse, vie associative à l’Assemblée- sans succès un amendement similaire lors de la discussion budgétaire sur les crédits du Sport le mercredi 28 octobre en commission élargie, notre amendement ayant été repoussé par la secrétaire d’Etat Rama Yade et les députés UMP présents (Douillet, Lamour…) ! Quelle incohérence dans la majorité et au sein même du gouvernement !
Je rappelle également que le sport professionnel dont nos concitoyens estiment dans leur grande majorité qu’il “brasse” des sommes extravagantes bénéficie déjà d’avantages non négligeables sur le plan financier :
Nous proposons en revanche d’utiliser la somme économisée pour financer les cotisations retraite des 7500 sportifs de haut niveau dont la plupart n’ont pas la chance d’avoir des contrats de travail et de pouvoir cotiser.
La “compétitivité” des clubs Français ne passe pas à l’avenir par des avantages fiscaux exceptionnelles mais bien par l’élaboration de règles européennes qui mettent nos clubs à égalité de chances avec leurs homologues européens (par exemple avec le principe de fair-play ou de DNCG européenne défendu par Michel Platini à l’UEFA).
Il s’agit bien évidemment de trouver des compensations financières pour les engagements financiers contractuels pris par les clubs pendant la saison sportive 2009-2010 en cours, en particulier pour le rugby qui connaît des difficultés financières conjoncturels plus importantes, mais je considère que cette mesure est une mesure de justice, même si nous attendons du gouvernement qu’il s’attaque à présent à toutes les niches fiscales en particulier le bouclier fiscal qui coûte pour sa part 15 milliards €.
Un dispositif coûteux pour les finances de l’Etat.
Le rapport de la Cour des Comptes montre bien que ce dispositif se caractérise par son imprévisibilité budgétaire. Plus les recettes que le sport professionnel tire des retransmissions télévisées ou des droits dérivés augmente, plus la rémunération des joueurs s’accroît en conséquence, et plus lourde est la charge que doit supporter l’État au titre de cette exonération.
Ce dispositif est ciblé sur les sportifs qui sont déjà les mieux rémunérés de chaque discipline. Le montant de l’exonération n’est pas plafonné et peut représenter jusqu’à 30 % de la rémunération versée par le club. En effet, pour une rémunération de 100 000 euros bruts mensuels, l’exonération des cotisations liée au DIC représente 23 237 euros.
L’évolution de la masse salariale concernée par ce mécanisme n’est pas maîtrisée.
Un dispositif améliorant la compétitivité ?
Une étude d’avril 2007 montre que, pour un même salaire brut mensuel de 100 000 euros, le revenu net après charges salariales et impôts est du même ordre en France – 55, 7 % du revenu brut – qu’en Espagne – 55, 6 % – et en Allemagne – 55,5 % – ; il n’est que légèrement inférieur à celui du Royaume-Uni – 59,7 % – mais nettement supérieur à celui de l’Italie – 48, 8 %.
Les joueurs professionnels français ne sont donc pas particulièrement désavantagés par rapport à leurs homologues étrangers. Le taux d’imposition sur le revenu est le plus faible dans notre pays : 38,4 % contre 39,5 % au Royaume-Uni, 44,3 % en Espagne, 44 % en Allemagne et 46,3 % en Italie.
Le salaire moyen en ligue 1 s’élevait à 47 000 euros par mois lors de la dernière saison. À ce même niveau de compétition, certains salaires dépassent les 400 000 euros par mois.
Nos compatriotes ne sont pas désavantagés dans la concurrence fiscale européenne. Notre impôt sur le revenu, après les déductions, est l’un des plus faibles au monde, avec 2,6 points de la richesse nationale.
Philippe Séguin, président de la Cour des comptes et Éric Besson, qui a rédigé un rapport sur le sujet en novembre 2008, ont bien souligné que la compétitivité des clubs sportifs français n’était absolument pas liée au mécanisme du DIC, mais que leur attractivité passe par des réformes structurelles, comme la rénovation et l’agrandissement des grandes enceintes sportives, ce qui permettrait de multiplier d’autres recettes, notamment les entrées dans les stades, la publicité ou encore le sponsoring, qui sont très inférieures à celles de leurs homologues étrangers.
Un dispositif améliorant l’attractivité des clubs Français ?
L’effet d’attractivité du DIC n’a jamais pu être démontré. En effet, ce dispositif, qui existe depuis cinq ans, n’a pas empêché les départs massifs, notamment des joueurs de la Ligue 1 de football, vers les championnats étrangers.
En outre, le dispositif bénéficie à des disciplines pour lesquelles la France n’a jamais souffert d’un manque d’attractivité. Je pense en particulier au rugby.
Les clubs français ne souffrent pas d’un manque d’attractivité aujourd’hui. On voit des gens qui reviennent. Des clubs, en Angleterre ou ailleurs, rencontrent d’autres difficultés car ils ont choisi d’autres modes de financement. Ce n’est donc pas un élément majeur de l’attractivité du sport français. Le DIC représente 3 %, contre 60, 65 ou 66 % pour les droits de retransmission ou autres.
Au demeurant, l’attractivité relative des clubs français ne dépend pas du dispositif de droit à l’image collectif des sportifs, mais de leur chiffre d’affaires, qui est notamment lié aux droits TV – 668 millions d’euros, sur un chiffre d’affaires total de 1,2 milliard d’euros pour le football en 2009 -, et de la conjoncture économique.
Depuis le début de la crise, les clubs anglais distribuant des salaires moins élevés et des primes plus faibles qu’auparavant, l’attractivité relative des clubs français plus robustes financièrement s’est significativement améliorée. Ainsi, pour la nouvelle saison de football, on a pu observer une nette tendance des joueurs à revenir en France.
Conclusion
Le DIC est un dispositif de niche sociale par le haut. Une disposition élaborée en période de prospérité peut être remise en cause sereinement alors que nous traversons la crise la plus considérable que notre pays ait connue depuis la guerre.
Dans la période extrêmement difficile que nous traversons, les Français ne comprendraient pas que les mieux rémunérés de tous les sportifs français bénéficient de dispositifs de protection totalement hors du commun.
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