«Le gouvernement veut interdire aux collectivités d’agir et détruire le crédit acquis depuis la décentralisation», s’alarme Olivier Dussopt, député de l’Ardèche, maire d’Annonay et vice-président du Forum des territoires du PS.
Depuis plusieurs mois maintenant, la communication élyséenne bat son plein sur les aspects les plus anecdotiques et parfois les plus caricaturaux pour préparer le terrain à une réforme des collectivités locales qui sous prétexte de simplification porte un mauvais coup à la démocratie.
Que disent le gouvernement et l’UMP sans craindre d’être leurs propres caricatures ? Deux choses aux limites du populisme. Premièrement, ils se posent en pourfendeurs du mille-feuille administratif et disent leur volonté de simplifier, supprimer des échelons, rationnaliser pour une meilleurs lisibilité et une plus grande efficacité. Deuxièmement, les élus locaux sont trop nombreux, coutent cher et mènent des politiques dispendieuses. Une solution s’impose, réduire leur nombre. Fermez le banc, l’évidence s’impose avec la facilité des arguments les plus simplistes et l’aide des réflexes populistes à l’égard de la classe politique.
En réalité ces deux arguments sont faux. Rien ne permettra de réduire le nombre d’échelons dans le projet de réforme sinon une maigre disposition sur des rapprochements volontaires. Rien ne permet non plus d’affirmer que le nombre d’élus, notamment d’élus indemnisés, baissera tant le projet est confus et illisible.
Cette réforme cache son jeu. Sous le tapis, c’est la démocratie qui est mise à mal.
Ce projet vient en écho à deux autres. Le premier concerne le redécoupage et son caractère électoraliste. Ce redécoupage qui, à résultats égaux à ceux de 2007, permettrait à la droite d’obtenir près de 30 députés de plus. Le deuxième est la suppression de la taxe professionnelle et le montage proposé en remplacement, et qui ne permet pas une compensation des recettes pour les collectivités.
Quels sont les principaux dangers du texte ? Il y en a quatre principaux amplifiés par la réforme de la taxe professionnelle.
Le premier est la création annoncée de «conseillers territoriaux » qui remplaceraient les conseillers régionaux et généraux. Au prétexte de limiter le nombre des mandats, c’est le cumul des fonctions qui est ainsi institué. Ce dispositif sera illisible. Illisible du fait de l’imprécision réelle du texte en termes de partage de compétences entre régions et départements. Illisible du fait de la complexité et de la diversité des modes de scrutins pour des élus aux mêmes compétences.Cette annonce vide de son sens l’idée d’une organisation simplifiée et claire des niveaux territoriaux. Elle semble plus comme une volonté de dénaturer ces collectivités aux majorités désormais ancrées à gauche. C’est un contre-sens historique relevant de la manœuvre plus que du progrès.
Le deuxième danger concerne la répartition des compétences et surtout le financement des projets dans ce nouveau cadre. En voulant imposer un financement minimum de 50% à la charge de la collectivité maître d’ouvrage, qui décide et mène le projet, c’est un formidable frein qui sera mis aux investissements. Les communes rurales, souvent pauvres, ne pourront faire face. Comme les communes moyennes souvent au centre de bassin de vie et dont les équipements culturels, sportifs, scolaires sont souvent calibrés pour la population du bassin plus que de la seule commune. Sous prétexte de mettre fin à des financements croisés, qui représentent moins de 10% des budgets régionaux, et de clarifier, les collectivités les plus modestes seront interdites de projets.
Troisième danger de ce texte : la volonté affichée de mieux organiser les pouvoirs locaux et de poursuivre la décentralisation n’est que le cache sexe d’une volonté profondément recentralisatrice. Comme si la Droite n’avait jamais digéré les lois Deferre, comme si elle n’avait jamais accepté sa défaite de 2004… Un point illustre ce danger ; il s’agit de l’intercommunalité. Si l’achèvement et la simplification de la carte de l’intercommunalité font consensus, la méthode retenue est révélatrice. Les élus locaux pourraient en 2012 opérer des choix volontaires arbitrés par les conseils municipaux et communautaires à la majorité qualifiée. Cela relèverait du bon sens si le même projet ne donnait pas aux préfets la possibilité d’imposer ces regroupements en 2013. Quel sens donner à ce texte qui attribue aux représentants du Gouvernement, de tels pouvoirs dans ce domaine et dans d’autres ?
Enfin, quatrième reproche à ce texte, mais tant d’autres pourraient être soulignés, l’absence des principaux concernés: les citoyens, les administrés de ces collectivités que le gouvernement semble vouer aux gémonies. Seule la création de «communes nouvelles » par fusion des communes membres de la même intercommunalité entraine une consultation obligatoire des citoyens concernés.
Ces quatre dangers sont amplifiés par la suppression annoncée de la taxe professionnelle. Celle-ci risque de priver les collectivités des ressources nécessaires aux investissements qu’elles réalisent et qui représentent près des trois quarts des investissements publics.
L’Etat ne prévoit pas moins de cinq ressources nouvelles pour remplacer les recettes de la taxe professionnelle : cotisation locale d’activité (et sa cotisation complémentaire), la TASCOM, la taxe additionnelle sur les propriétés non bâties, un fonds d’Etat et une allocation appuyée sur un fonds de garantie. Malgré cela le compte n’y est pas et les incertitudes sont nombreuses. Quel avenir pour les fonds départementaux de péréquation ? Quels mécanismes de révision des bases d’imposition ? De plus, la création d’un fonds de garantie est la conséquence d’une compensation que partielle par les nouvelles taxes. Le projet prévoit que cette dotation baisserait de 5% par an sur vingt ans, cette baisse annulera la possibilité de voir les recettes être actualisées par la revalorisation des bases. C’est donc un projet de remplacement en trompe l’œil. Il amènera les collectivités locales à l’étranglement et à l’incapacité de financer leurs investissements. Le gouvernement veut imposer aux collectivités une rigueur qu’il ne sait pas même s’appliquer.
Ce projet vient lui aussi en écho aux mauvais coups déjà portés aux finances locales avec la baisse continue des dotations de l’Etat au travers de l’intégration du FCTVA aux enveloppes normées ou de la remise en cause des modalités de calcul de la DGF…
Sous prétexte de simplification la droite complique. Sous prétexte de compétitivité des entreprises elle étrangle les collectivités. Sous prétexte de décentralisation, elle recentralise et met en place un système de conservation de son pouvoir sur les organes principaux de notre République.
Réformer les collectivités locales est une nécessité. Une double nécessité, celle de mieux servir notre pays mais aussi celle de réussir la réforme par une adhésion de toutes et tous au projet.
Des points de consensus existent et auraient dû être la base nécessaire à une convergence sur cet objectif.
La clarification des compétences de chaque niveau territorial avec la désignation d’une collectivité chef de file pour chaque compétence aurait été un premier pas utile vers plus de lisibilité. L’encadrement des financements croisés l’aurait accompagné avec le soutien des associations d’élus.
L’achèvement de la carte de l’intercommunalité fait consensus tout comme la désignation explicite, au suffrage direct, des élus communautaires. Il est d’ailleurs regrettable que le projet ne fasse pas référence aux pistes avancées par la commission Balladur visant à faire des intercommunalités à fiscalité propre des collectivités locales à part entière et ainsi, dans le même temps, à soumettre les mandats exécutifs de celles-ci au régime du cumul.
La question du statut de l’élu local ne trouve pas de réponse en termes de protection sociale, de régime de retraite ou de reconversion. Elle n’est pourtant pas dissociable de celle sur l’interdiction souvent demandée du cumul de mandats.
Enfin, la réforme de la fiscalité locale, à l’occasion de la suppression annoncée de la taxe professionnelle, aurait pu être l’objet d’un débat éclairé par les travaux de la commission des finances de l’Assemblée notamment, sur la mise en place d’un vrai système de péréquation entre collectivités plus ou moins favorisées.
La matière ne manque pas. Conclusions de la commission Belot au Sénat, rapport d’information (Balligand-Laffineur) à l’Assemblée nationale, contributions des associations d’élus. Le terreau de la réforme est prêt, mais d’une vraie réforme partagée et sans arrière-pensées électorales.
Le gouvernement n’a pas un regard pour ces travaux et veut imposer un modèle d’organisation et de financement en fonction de ses objectifs propres. Il y a instrumentalisation de la nécessité de changer pour en réalité figer un pouvoir et une main mise sur les leviers d’action dans notre pays. Le masque est tombé, le gouvernement veut interdire aux collectivités d’agir et détruire le crédit acquis depuis la décentralisation.
Le combat à mener dépassera largement le périmètre des hémicycles parlementaires, largement aussi les cercles de juristes et des spécialistes. Il concerne la vie et la capacité que chacun doit conserver de décider de son avenir et de celui de son territoire de vie. Au risque de laisser la démocratie sous le tapis…
FEDERATION NATIONALE DES ELUS SOCIALISTES ET REPUBLICAINS
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Appel à la mobilisation des citoyens et des élus de la France
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LA DEMOCRATIE, LES TERRITOIRES ET LES SERVICES PUBLICS EN DANGER
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Grace à la décentralisation, les collectivités territoriales ont démontré leur efficacité pour apporter des réponses de proximité aux besoins des Français.
Aujourd’hui, deux projets du gouvernement, un traitant de l’organisation territoriale, l’autre de la fiscalité locale, s’attaquent aux communes, intercommunalités, départements et régions de France. Ils menacent la démocratie locale et les services publics. Ils mettent à mal l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales, et donc leur liberté.
Avec ces projets, c’est demain :
– moins de constructions d’écoles, de collèges et de lycées pour nos enfants ;
– moins de transports scolaires, de trains régionaux ;
– moins d’accueil pour la petite enfance, pour les personnes âgées ;
– moins de soutiens aux projets associatifs, à la culture, aux sports …
parce que moins de moyens financiers pour les collectivités.
Qui peut croire que l’urgence est de détruire les services publics de proximité. L’urgence est ailleurs : l’Etat doit assumer ses propres responsabilités, celles de l’emploi, de la sécurité, de la santé, de la justice, de l’éducation…
Les deux projets du gouvernement remettent en cause notre conception de la France, de la démocratie, de la solidarité.
La République n’est pas qu’un héritage. La République est aussi une promesse qu’il faut faire vivre : en approfondissant notre démocratie et non en restreignant les libertés, en confortant la décentralisation et non en lui faisant un procès infondé.
Les collectivités locales, véritable force économique, démocratique et sociale pour notre pays financent les trois quarts de l’investissement public. La crise actuelle démontre leur rôle majeur.
Les élus Socialistes et Républicains, lancent cet appel afin que les citoyens Français et les élus de la République se mobilisent pour préserver ce qui a fait ses preuves, pour que toutes les collectivités de France puissent continuer à assumer leurs compétences, maintenir le lien social et redistribuer aux hommes et aux territoires les plus en difficulté, les fruits de la création de richesse collective.
La Rochelle, le 28 août 2009
8 bis rue de Solférino – 75007 Paris – Tél. : 01 53 20 46 36 – Fax : 01 53 20 46 37
Email : secretariat@mde-fnesr.fr
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