La proposition de loi de Richard Mallié sur le travail du dimanche a été adoptée d’extrême justesse par l’Assemblée Nationale. Par 282 voix contre 238, la majorité UMP a imposé ce texte contesté qui autorise les dérogations au repos dominical sans contreparties (salaire, repos compensateur) dans les zones touristiques et à Paris, Marseille et Lille. Les sénateurs doivent maintenant l’examiner et l’on peut espérer qu’ils ne l’adopteront pas conforme afin de permettre un nouveau débat.
En tout état de cause, le Groupe Socialiste déposera un recours devant le Conseil Constitutionnel. Vous trouverez ci-dessous l’explication de vote de mon collègue Christian Eckert :
Je suis également fier de la forte mobilisation des députés socialistes et de nombreux citoyens qui m’ont fait part de leur opposition à un tel texte. Voici le courrier que je leur ai adressé :
Madame, Monsieur,
Vous êtes nombreux à m’avoir directement interpellé par courrier ou courriel à propos de la proposition de loi 1742 de MM. Richard MALLIE, François BAROIN et Marc LE FUR, députés UMP, visant à multiplier les dérogations au repos dominical pour les travailleurs.
Cette nouvelle mouture législative fait suite à un premier texte que la mobilisation citoyenne ainsi que celle des députés de gauche avait permis d’écarter en décembre dernier. Malheureusement l’obstination du Président de la République est restée intacte et la majorité espère profiter de la période estivale et du nouveau règlement de l’Assemblée Nationale qui bâillonne l’opposition pour faire adopter ce grave recul social.
Le nouveau texte nous est présenté comme un recul par le Gouvernement qui voudrait faire de cette loi une simple formalité sans réelle portée. Pourtant la réalité est bien différente puisque cette proposition de loi ouvre la porte à une généralisation totale du travail dominical, sans contrepartie pour les salariés.
En effet, il est énoncé que “dans les communes touristiques ou thermales“, les commerces de détail peuvent “de droit” occuper leurs salariés le dimanche durant toute l’année ! Or le statut de ville touristique concerne d’ores-et-déjà 5000 communes et notamment toutes les grandes villes (Paris, Marseille, Lyon, Lille, Nantes, Toulouse, Rennes, Bordeaux, Strasbourg…) mais aussi celles des zones littorales ou de montagne (Grenoble, Brest, Lorient, Saint-Malo, Saint-Jean-de-Luz, Dax, Tour, Caen, Quimper, Troyes, Reims, Châteaurenard, Le Havre…). Qui plus est, les Maires des communes qui ne sont pas encore classées comme touristiques subiront vite une forte pression de leurs commerçants pour demander un tel classement et le nombre des communes éligibles est immense.
Aussi, la crainte d’une totale banalisation du travail dominical est fondée et n’a d’ailleurs pas été démentie par le rapporteur lors de l’examen du texte en commission. Si la proposition venait à être votée le travail sera de droit le dimanche dans ces communes sans contrepartie pour les salariés. Pour eux, ni salaire double ni repos compensateur, ni nécessité d’être volontaire. Au contraire le refus d’accepter de travailler le dimanche serait passible de licenciement.
Au final c’est l’équilibre social de notre pays qui est en cause et les Députés Socialistes continuent à exiger le retrait pur et simple de la proposition de loi qui est une triple erreur, économique, sociale et sociétale.
1. Une erreur économique puisque l’effet sur l’activité économique et le chiffre d’affaires des entreprises sera nul. Sans pouvoir d’achat supplémentaire, les Français ne peuvent dépenser plus et ils ne feront que reporter une partie de leurs achats sur le dimanche. Si certaines grandes surfaces ouvrant illégalement le dimanche jouissaient jusque-là d’une rente de situation et en tiraient de réels bénéfices, cet avantage s’annulera avec la généralisation de l’ouverture dominicale. En outre, il y aura un supplément de coûts et de dépenses énergétiques pour les entreprises.
L’effet sur l’emploi sera également négatif. L’ouverture des grandes surfaces le dimanche constituerait en effet un nouveau coup dur pour l’artisanat. Or, à chiffre d’affaires égal, l’artisanat représente trois fois plus de postes de travail que la grande distribution. Le transfert d’activité vers cette dernière devrait donc entraîner des pertes d’emploi.
2. Une erreur sociale, ensuite, puisque les salariés seront les premiers lésés, en particulier les caissières vivant seules avec enfants à charge, qui n’auront d’autre choix que de les faire garder pour aller travailler.
En présentant le travail dominical comme une liberté laissée aux salariés, le gouvernement feint de méconnaître le caractère profondément inégalitaire de la relation employeurs – salariés qui est avant tout une relation de subordination. La crise économique et la hausse du chômage ne font que renforcer le pouvoir patronal et le déséquilibre de la relation salariale est tel qu’il est absurde d’envisager qu’une telle mesure puisse s’appliquer sous le régime du volontariat.
3. Une erreur sociétale, enfin, puisque l’ouverture des commerces le dimanche signifie le développement à outrance de la civilisation du caddie. Elle va dans le sens d’une exacerbation des comportements de sur-consommation au détriment de tous les autres aspects de la vie humaine et sociale : famille, détente, culture, vie associative, vie spirituelle, etc. Elle consacre la marchandisation du temps et réduit le lien social au rapport de consommation.
Qui plus est, cette proposition de loi contredit les orientations écologiques inscrites dans le Grenelle de l’environnement et auxquelles notre pays ne peut aujourd’hui se soustraire. Les grandes surfaces sont parmi les activités les plus énergivores (éclairages artificiels puissants, climatisation, etc.) et constituent un mode de développement urbain qui génère d’importants déplacements entre zones d’habitation et zones commerciales.
Je vous remercie donc de votre interpellation sincère et citoyenne et je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes sincères salutations.
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