Après un examen du texte pendant toute la journée du jeudi 8 octobre dans l’hémicycle, je suis fier d’avoir voté la proposition de loi sur l’allongement des délais d’IVG de 12 à 14 semaines dont j’étais co-signataire. La proposition de loi a été adoptée par 86 voix pour, 59 contre et 7 abstentions.
45 ans après le vote de la loi Veil, ce droit fondamental pour les femmes à disposer de leur corps est conforté !
Le 28 septembre était la journée mondiale du droit à l’avortement. Cette journée nous rappelle à quel point les droits acquis sont fragiles et qu’il est nécessaire de continuer à se mobiliser et à lutter pour le respect de nos droits.
Plus de 40 ans après la loi Veil, le droit des femmes à disposer de leur corps est mis en danger : acte médical à part, il souffre encore d’un certain nombre de résistances éthiques.
La période de confinement que nous avons vécue a exacerbé et mis en lumière les difficultés de recours à l’IVG, comme l’ont souligné à maintes reprises de nombreuses associations féministes. Les difficultés d’accès à l’IVG préexistaient au confinement et se poursuivent.
C’est dans ce contexte, que nous avons déposé avec ma collègue Albane Gaillot une proposition de loi transpartisane visant à renforcer l’accès à l’IVG grâce à :
A l’heure où le droit à l’avortement est menacé aux quatre coins du monde, cette journée mondiale est l’occasion de réaffirmer le droit des femmes à disposer librement de leur corps en France, et partout ailleurs.
Les professionnel.le.s de santé, comme l’ensemble des personnes oeuvrant pour l’accès des femmes aux droits sexuels et reproductifs, alertent depuis de nombreuses années sur les obstacles à la pleine effectivité de ce droit fondamental.
Que ce soit l’insuffisance des politiques publiques en matière d’éducation à la sexualité, les nombreuses fermetures d’établissements spécialisés dans l’IVG qui se traduisent – entre autres – par une entrave à la liberté de choix de la méthode de l’IVG pour les femmes, ou encore l’existence d’une clause de conscience spécifique à l’IVG qui consacre l’avortement comme un acte à part, chacun de ces obstacles peut être levé par une adaptation, à la marge, de notre droit.
Depuis 2001, le nombre d’IVG varie chaque année entre 225 000 et 230 000. Il s’élevait à 224 300 en 2018. On compte une IVG pour un peu plus de trois naissances. Le délai entre la première demande des femmes auprès d’un professionnel libéral ou hospitalier et la réalisation effective d’une IVG est en moyenne de 7,4 jours. Il peut varier de 3 à 11 jours en moyenne selon les régions.
Les différentes méthodes d’IVG
Deux méthodes d’interruption volontaire de grossesse existent en France : l’IVG médicamenteuse et l’IVG chirurgicale – ou instrumentale. La femme est libre de choisir la méthode de son IVG ; ce principe est clairement affirmé par le code de la santé publique.
Suivant les recommandations de la Haute Autorité de Santé, l’IVG médicamenteuse ne peut être pratiquée que jusqu’à 5 semaines de grossesse en ville (7 semaines d’aménorrhée) et jusqu’à 7 semaines de grossesse en établissement de santé (9 semaines d’aménorrhée).
L’IVG chirurgicale peut être pratiquée jusqu’au délai légal de 12 semaines de grossesse, soit 12 semaines de grossesse (14 semaines d’aménorrhée). L’IVG chirurgicale ne peut être pratiquée que par un médecin et uniquement en établissement de santé ou en centre de santé. Le nombre d’IVG médicamenteuses est en hausse depuis 2001 et, à l’inverse, le recours à la voie instrumentale ne cesse de diminuer. Ainsi, en 2018, 69 % des IVG ont été réalisées par voie médicamenteuse.
Difficultés d’accès
En France, la principale explication aux difficultés d’accès à l’IVG résulte essentiellement du désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant. La charge du maintien effectif de ce droit repose essentiellement sur une poignée de praticiens militants dont beaucoup se trouveront bientôt à la retraite. Ainsi, en 2018, 1 725 médecins (dont 56,6 % de gynécologues) et 248 sages-femmes ont réalisé des IVG en cabinet libéral, celles-ci représentant 25 % du total des IVG pratiquées. Rapporté au nombre de praticiens installés en cabinet, cela représente 2,9 % des généralistes et gynécologues et 3,5 % des sages-femmes. Ces ratios semblent très limités pour faire face à la demande, d’autant plus que ces taux varient très fortement d’une région à une autre.
Disparités territoriales
Ainsi, on constate dans les Pays de la Loire un taux de recours de 10,9 IVG pour 1 000 femmes contre 22 IVG en PACA. Les DROM, l’Île-de-France et le Sud-Est (PACA et Corse) sont les zones géographiques où les taux de recours à l’IVG sont les plus élevés. Les taux sont également plus élevés pour les femmes de moins de 18 ans dans les DROM (supérieurs à 14 jusqu’à 19,3 à Mayotte). Pour les femmes mineures des régions métropolitaines, ces taux varient entre 2,8 et 8,1 IVG pour 1 000 femmes.
Des recours à l’étranger pour les avortements hors délais
On note un nombre important, évalué entre 3 000 et 5 000 chaque année, de femmes contraintes de se rendre à l’étranger (principalement en Espagne et au Pays-Bas) pour faire pratiquer une IVG car elles se trouvent en dépassement de délai en France.
Point Covid
Dès le début du confinement, le Planning familial a dû fermer 70 points d’accueil. Il a maintenu le contact avec les femmes en utilisant des chats, les réseaux sociaux, ainsi que les lignes téléphoniques. Le numéro vert national a enregistré une recrudescence d’appels de 50 % dans les deux premières semaines du confinement, les demandes de renseignements portant essentiellement sur l’IVG et les tests de grossesse. Au total, le numéro vert a connu une augmentation de 34 % des appels sur toute la durée du confinement.
Le parcours d’IVG pendant le confinement s’est traduit par des difficultés supplémentaires : notamment l’accès à l’IVG chirurgicale en territoire rural, les femmes habitant en zones non-urbaines étant contraintes de parcourir de grandes distances ; l’obligation d’effectuer trois consultations médicales avant de pouvoir accéder à l’IVG médicamenteuse … Pour y remédier, le Planning familial a proposé que la prise en charge des femmes puisse être effectuée en une seule fois.
À la suite de l’expérience menée pendant la période de confinement, de nombreux acteurs ont souhaité pérenniser le rallongement du délai de l’IVG médicamenteuse en ville. La méthode médicamenteuse étant actuellement la plus utilisée puisqu’elle représente les deux tiers des IVG annuelles, il est important de faciliter l’accès à celle-ci en permettant aux praticiens libéraux de la pratiquer dans les mêmes conditions de délai que les établissements hospitaliers, à savoir jusqu’à sept semaines de grossesse. Cette mesure serait d’autant plus pertinente qu’un quart seulement des IVG sont pratiquées hors établissements hospitaliers et que l’allongement du délai de l’IVG médicamenteuse en ville permettrait d’alléger la charge des établissements de santé souvent submergés de demandes.
La Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée nationale, réunie le 30 septembre, a enrichie et adopté la proposition de Loi pour le renforcement du droit à l’IVG.
Cette Proposition de Loi transpartisane a bénéficié de contributions décisives de la Délégation aux Droits des Femmes.
Le texte initial prévoyait deux articles :
• L’allongement du délai légal d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines ;
• La suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG.
Un certain nombre d’amendements ont été adoptés. Ils portent sur :
• L’ouverture du droit pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales jusqu’à 10 semaines de grossesse ;
• La suppression du délai de réflexion de 48h pour les femmes qui demandent un entretien psycho-social avant l’IVG ;
• La publication d’un répertoire des professionnel.le.s de santé et des établissements qui pratiquent l’IVG par les ARS ;
• La remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur l’application de la législation relative au délit d’entrave.
La Proposition de Loi qui sera examinée par l’Assemblée nationale le 8 octobre compte donc 5 articles :
• Article 1er : allongement des délais d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines
• Article 1 bis : ouverture du droit pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales jusqu’à 10 semaines de grossesse
• Article 1 ter : suppression du délai de réflexion de 48h pour les femmes qui demandent un entretien psycho-social avant l’interruption
• Article 2 : suppression de la clause de conscience spécifique et publication d’un répertoire des professionnel.le.s de santé et des établissements qui pratiquent l’IVG par les ARS
• Article 3 : remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur l’application de la législation relative au délit d’entrave
45 ans après la Loi Veil, l’Assemblée nationale s’apprête à renforcer le droit à l’IVG ainsi que la reconnaissance aux femmes du droit de disposer de leur corps librement.
Retrouver notre Tribune dans Libé ici :
Alors que la loi visant à allonger les délais légaux de douze à quatorze semaines devrait être examinée le 8 octobre, élues et professionnels de l’IVG demandent… Lire la suite
Le texte de la Tribune :
Véritable icône féministe, Ruth Bader Ginsburg nous laisse son combat pour les droits sexuels et reproductifs en héritage. La place qu’elle laisse vacante à la Cour suprême, aux mains de Trump, est un énième signal d’alarme. Les lois liberticides en matière d’avortement adoptées ces dernières années – aux Etats-Unis et en Europe – en étaient autant d’autres. En cette journée mondiale du droit à l’avortement, nous, élu·e·s engagé·e·s, professionnel·le·s de l’IVG et associations féministes, plaidons pour que la France réaffirme le droit des femmes à disposer librement de leur corps.
A celles et ceux qui nous taxent d’éternels insatisfaits pour balayer d’un revers de main les inquiétudes que nous formulons depuis de nombreuses années, nous leur opposons les chiffres. Tous les jours, nous faisons le constat de l’insuffisance des politiques publiques en matière d’éducation à la sexualité ou encore de la fermeture des nombreux établissements spécialisés dans l’IVG, qui se traduisent – entre autres – par une entrave à la liberté de choix de la méthode de l’IVG pour les femmes. Tous les jours, les femmes font les frais de la clause de conscience spécifique à l’IVG qui consacre l’avortement comme un acte à part, stigmatisant et culpabilisant.
La loi française autorise l’avortement jusqu’à douze semaines de grossesse. Chaque année, en France, quelque 3 000 à 5 000 femmes sont contraintes de partir avorter à l’étranger du fait du dépassement des délais légaux. Et combien d’autres ne peuvent assumer les nombreux frais que cela implique en matière de déplacement, d’hébergement et de coût de l’intervention ? Les conséquences pour celles contraintes de mener la grossesse à son terme peuvent être dramatiques : problèmes psychosociaux, rejet ou abandon du bébé, difficultés dans l’exercice des fonctions parentales.
A celles et ceux qui en appellent à la responsabilité des femmes, nous rappelons qu’aucune d’entre elles ne reporte sa décision par distraction, par manque de temps ou par plaisir. Le dépassement des délais légaux est davantage le reflet des difficultés de parcours et d’accès des femmes à l’IVG que celui de leur difficulté à faire un choix. Nous, élu·e·s engagé·e·s, professionnel·le·s de l’IVG et associations féministes, refusons que le droit à l’avortement soit conditionné aux ressources matérielles des femmes.
Pour que l’IVG soit un droit pour toutes, et non pas seulement pour celles qui en ont les moyens, la loi doit changer. La proposition de loi transpartisane visant à allonger les délais légaux de douze à quatorze semaines et à supprimer la clause spécifique de conscience sera examinée le 8 octobre.
Pour apporter votre soutien, rendez-vous sur ivg-pour-toutes.fr.
Les signataires :
Albane Gaillot, députée du Val-de-Marne EDS (groupe écologie, démocratie, solidarité), Eric Alauzet, député du Doubs LREM, Delphine Bagarry, députée des Alpes-de-Haute-Provence LREM, Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres EDS, Esther Benbassa, sénatrice écologiste de Paris, Moetai Brotherson, député de Polynésie GDR (groupe gauche démocrate et républicaine), Marie-George Buffet, députée de Seine-Saint-Denis GDR, Annie Chapelier, députée du Gard EDS, Guillaume Chiche, député des Deux-Sèvres EDS, Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne CRCE, Yolaine De Courson, députée de la Côte d’Or EDS, Jennifer de Temmerman, députée du Nord EDS, Catherine Fabre, députée de Gironde LREM, Elsa Faucillon, députée des Hauts-de-Seine GDR, Paula Forteza, députée Français établis hors de France EDS, Raphaël Gérard, député de la 4e circonscription de la Charente-Maritime LREM, Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère CRCE (groupe communiste, républicain citoyen et écologiste), Michelle Greaume, sénatrice du Nord CRCE, Régis Juanico, député de la Loire PS, Hubert Julien-Laferrière, député du Rhône EDS, Jacques Krabal, député de l’Aisne LREM, Bastien Lachaud, député de Seine-Saint-Denis LFI, Jean-Luc Lagleize, député de Haute-Garonne Modem, Monique Lubin, sénatrice des Landes PS, Michelle Meunier, sénatrice de Loire-Atlantique PS, Sébastien Nadot, député de Haute-Garonne EDS, Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire EDS, Valérie Petit, députée de la 9e circonscription du Nord Agir ensemble, Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis GDR, Eric Pouillat, député de Gironde LREM, Loïc Prud’homme, député de Gironde LFI, Jean-Hugues Ratenon, député de la Réunion LFI, Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère de Paris EE-LV, Muriel Ressiguier, députée de l’Hérault, Laurence Rossignol, sénatrice de l’Oise PS, Véronique Sehier, membre de la délégation droits des femmes du Cese, Laura Slimani, adjointe au maire de Rouen, Aurélien Taché, député du Val-d’Oise EDS, Frédérique Tuffnell, députée de Charente-Maritime EDS, Laurence Vanceunebrock, députée de l’Allier Lrem, Cédric Villani, député de l’Essonne EDS, Stéphane Viry, député des Vosges LR, Martine Wonner, députée de la 4e circonscription du Bas-Rhin L&T, Gilles Lazimi, médecin généraliste au CMS de Romainville, professeur associé en médecine générale à Médecine Sorbonne Université, Michel Teboul, médecin, ex-chef d’Unité du CIVG de Port-Royal, Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, Ghada Hatem, gynécologue, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, Ancic (Association nationale des centres d’IVG et de contraception), Ciane (collectif d’associations concernées par grossesse, naissance et premiers jours de vie), collectif Merci Simone, La Clef (Coordination française pour le lobby européen des femmes), En avant toute(s), FDFA (Femmes pour le dire, femmes pour agir), FNCIDFF (Fédération nationale des centres nationaux d’information sur les droits des femmes et des familles), Osez le féminisme, Planning familial 94, Pour une MEUF, Reivoc(Réseau IVG et contraception Occitanie) et Julie Gayet, comédienne.
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