Je suis intervenu à de multiples reprises en séance publique, la nuit du 22 au 23 octobre, dans le cadre de la discussion sur la première partie du Projet de Loi de Finances 2019, afin de demander au gouvernement une augmentation significative des crédits en faveur du sport.
J’ai rappelé dans mes diverses interventions la mobilisation récente sans précédent des sportifs et de leur encadrement pour défendre des moyens financiers pour le sport à la hauteur des ambitions fixées dans le cadre de l’héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. La pétition « Le sport compte » a en effet recueilli plus de 250 000 signatures. Cet appel n’a, hélas, pas été entendu par le gouvernement.
Comme je m’y étais engagé dès cet été, à l’issue de la Coupe du Monde de Football, qui aura vu l’explosion des paris sportifs en ligne, j’ai déposé et défendu plusieurs amendements au nom du groupe Socialiste et apparentés pour augmenter les plafonds des taxes affectées au financement du sport : prélèvement principal sur les jeux de tirage et de grattage de la FdJ, taxes sur les paris sportifs, taxe « Buffet » sur les droits TV récemment renégociés et dont le montant sera en forte augmentation à partir de 2020). Ces trois taxes affectées ont un rendement théorique de 350 millions d’euros par an, au minimum ! Sur cette somme, seulement 146 millions d’euros, soit 40% des taxes affectées, seront fléchés sur le sport en 2019.
Un premier amendement « offensif » prévoyait d’affecter jusqu’à 180 millions d’euros au profit du sport. Après qu’il a été rejeté, j’ai défendu plusieurs amendements dits « de repli », à hauteur de 100, 60 et 20 millions d’euros. Ils ont tous été rejetés. Seul un amendement du Gouvernement, augmentant de seulement 15 millions d’euros la taxe Buffet, a été adoptée par la majorité. Cela reste toutefois nettement insuffisant : en définitive, la baisse des crédits du sport s’établit à 55 millions d’euros entre 2018 et 2019…
Le débat a également porté sur la disparition pure et simple du CNDS, survenue au détour d’un amendement surprise, introduit dans les débats au dernier moment, sans examen en commission, et son remplacement par une « Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l’accès à la pratique sportive ». Au-delà du risque juridique que représente le fait d’affecter dès aujourd’hui des taxes à une structure qui n’existe pas et qui naitra avec un déficit de plus de 150 M€, correspondant au total de l’encours des engagements pluriannuels du CNDS, j’ai déploré le manque d’information sur les missions précises de cette agence, qui semble essentiellement consacrée au sport de haut niveau, contrairement au CNDS dont la mission principale était de soutenir les collectivités territoriales en matière de développement du sport et de politique sportive de proximité.
Les parlementaires n’ont pas été associés ni même consultés pour les modalités de création de cette nouvelle structure et ils ne siégeront pas au sein de cette agence, contrairement au CNDS où ils exerçaient un contrôle du fléchage des crédits votés… par le Parlement ! Ce nouvel exemple de mépris du rôle des parlementaires n’est pas acceptable.
Le détail de chacune de mes diverses interventions :
Mon intervention pour soutenir l’amendement 1612 de Marie-Georges Buffet :
Madame la ministre des sports, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics – vous qui connaissez également bien les questions de sport –, la mobilisation du monde sportif doit être entendu. Ce week-end, 380 sportifs se sont exprimés dans une lettre ouverte, parmi lesquels Teddy Riner, Nikola Karabatic, et Martin Fourcade. À eux trois, ils cumulent plusieurs dizaines de médailles olympiques.
Quatre-vingts présidents de fédération sportive, et quatre-vingts médaillés olympiques se sont adressés aux élus de la Nation. Une pétition, « Le sport compte », a recueilli près de 250 000 signatures.
Le système français de financement du sport est original. Il s’appuie sur des crédits budgétaires – en baisse sur les deux exercices dont vous êtes responsables –, ainsi que sur des taxes affectées. C’est cette combinaison qui fait la force de ce modèle.
Les taxes de 1,8 % sur les jeux de loterie et de hasard, en particulier de La Française de jeux, permettent de passer d’une addiction d’une part, au sport d’autre part, dans une sorte de parcours vertueux.
La taxe de 1,8 % sur les paris sportifs participe de ce financement, et Mme Buffet a entièrement raison de déposer un amendement sur le sujet. Les paris sportifs se développent de façon exponentielle : l’effet Coupe du monde a suscité des enjeux supplémentaires de 1,7 milliard en 2018. Le rendement théorique de la taxe affecté sur les paris sportifs pour 2018 n’est donc pas de 90 millions, mais plutôt de 110 ou 120 millions, qui iront surtout dans les caisses de l’État. Citons enfin la taxe « Buffet », qui permet la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.
Ces trois taxes affectées ont un rendement théorique de 350 millions au minimum. Il y a toujours eu un équilibre entre ce qui allait au sport et ce que l’État conservait. La part du sport représentait les deux tiers du total, et nous l’avions portée à un maximum historique en 2017 : 77 % de ces taxes servaient au financement du sport. Ce que vous avez fait l’an dernier, avec une baisse de 136 millions, et de 2 millions de plus cette année, ne va pas dans le bon sens pour le financement du monde du sport.
Nous défendrons un certain nombre d’amendements, mais celui de Mme Marie-George Buffet est particulièrement pertinent parce qu’il permet, grâce aux paris sportifs, que le sport finance le sport. Le déplafonnement demandé est donc justifié.
Mon intervention sur l’amendement 2540 du Gouvernement :
Tout d’abord, j’ai l’impression que nous prenons un risque juridique très important en remplaçant l’opérateur destinataire des taxes affectées au financement du sport sans que la nouvelle structure juridique soit créée. On nous l’annonce pour le premier trimestre 2019, mais cela a beaucoup varié au cours des derniers mois, de sorte que nous ne disposons d’aucune garantie sur la création de l’agence annoncée au premier trimestre 2019.
Deuxièmement, les parlementaires n’ont jamais été associés, de près ou de loin, à une quelconque réflexion sur l’Agence nationale du sport.
C’est un véritable problème. Les acteurs concernés eux-mêmes nous indiquent qu’ils sont dans le flou s’agissant des contours et du périmètre de cette agence, ainsi qu’au sujet des décisions qu’ils seront amenés à prendre, et dans quelles proportions.
Troisièmement, le financement constitue le point d’interrogation le plus important. Vous nous proposez de voter 15 millions d’euros supplémentaires dans le cadre d’amendements examinés ultérieurement. Or le budget du ministère des sports, tous crédits confondus, a baissé de 70 millions d’euros sur deux exercices budgétaires. Est-ce là l’ambition du Gouvernement pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ?
Il faut insuffler une dynamique positive et annoncer au pays des mesures en matière d’équipements sportifs, de passerelles avec l’éducation – le savoir-nager, madame la ministre ! – et de crédits destinés à financer des emplois sportifs qualifiés dans les clubs sportifs, qui souffrent de la suppression des contrats aidés. Au lieu de quoi, la baisse des crédits consacrés au sport sera de 55 millions d’euros au lieu de 70. Ce n’est pas possible !
Dernier problème, le reste à payer du CNDS. Monsieur le ministre, vous avez été élu local et suivez toujours de près l’actualité de votre région. Le CNDS finance des opérations pluriannuelles. Le financement des équipements sportifs, notamment des plus importants d’entre eux, s’étale sur plusieurs années.
Le reste à payer s’élève à 200 millions d’euros. Il sera réduit à environ 150 millions par le projet de loi de finances rectificative pour 2018 dont nous débattrons en fin d’année. Vous proposez donc, si j’ai bien compris, que l’Agence nationale du sport voie le jour avec un déficit de 150 millions d’euros.
Mon intervention pour soutenir l’amendement 2141 :
Il s’agit d’un amendement de rattrapage, voire de rebond pour les moyens financiers alloués au sport dans ce pays. Des ambitions très fortes ont été affirmées par les pouvoirs publics, jusqu’au sommet de l’État : 3 millions de pratiquants supplémentaires d’ici à 2022 et quatre-vingt médailles – soit le double de ce que nous avons obtenu aux Jeux de Rio – aux Jeux de Paris 2024.
En face de ces ambitions très fortes pour le sport français, nous avons des moyens qui ont été rabotés d’au moins 70 millions d’euros sur deux exercices. Cela explique l’inquiétude très forte du monde sportif, qu’il a très fortement exprimée au cours des derniers jours.
Je propose d’en revenir à l’équilibre qui a toujours existé en matière de taxes affectées, et qui n’est pas scandaleux. Je ne suis pas opposé au plafonnement des taxes affectées, qui permet d’en réintégrer une part substantielle dans le budget général de l’État.
En revanche, si l’on inverse la proportion, à tel point que ce ne sont plus les deux tiers de la somme totale qui sont affectés au sport mais au mieux un tiers, on crée un déséquilibre, alors même que certaines ressources financières présentent une très forte dynamique – en matière de paris sportifs, les recettes issues des paris en ligne passeront de 5 milliards d’euros l’an dernier à 6,7 milliards en 2018.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur. Vous avez entièrement raison. Tel est l’objet de la taxe Buffet, qui frappe les cessions des droits de retransmission des manifestations sportives. Son rendement théorique est de 50 millions d’euros. Vous avez abaissé le plafond de son affectation à 25 millions d’euros. Nous pourrions très bien consentir des efforts sur ce point, d’autant plus que les droits de retransmission augmenteront en 2020, ce qui accroîtra le produit de cette ressource.
Quant aux paris sportifs, sur quels sports les Français parient-ils ? Le football, le rugby, le tennis, le handball et le basket ball, soit des sports professionnels. Les ressources des paris sportifs doivent revenir au sport amateur, pratiqué par tous les Français. Notre amendement vise à affecter 180 millions d’euros supplémentaires – ce qui émettrait un signal très fort – à un fonds d’héritage pour Paris 2024.
Mon intervention pour soutenir l’amendement 2142 :
Il s’agit d’un amendement de repli. Je m’adresse ici à nos collègues. Lorsque nous avons voté, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, l’augmentation du plafond de l’affectation du prélèvement sur les paris sportifs ainsi que du prélèvement complémentaire sur les jeux de loterie et les paris sportifs, nous l’avons fait contre l’avis de Bercy, avec le soutien tacite du ministre des sports d’alors. Nous l’avons fait afin de porter à son plus haut niveau historique – 270 millions d’euros – le financement du CNDS, donc du sport pour tous dans nos territoires. Nous l’avons fait avec l’accord unanime des groupes politiques.
Par conséquent, toute disposition que nous voterons dorénavant prévoyant de faire mieux que 15 millions d’euros supplémentaires – j’ai démontré qu’il s’agit en fait d’une baisse de 55 millions d’euros sur deux exercices budgétaires – et permettant d’améliorer le financement du sport en prévoyant 30 voire 60 millions d’euros, je vous incite, chers collègues, à la voter.
Vous vous rendez tous dans vos circonscriptions respectives, vous participez aux assemblées générales des clubs sportifs. Les bénévoles vous y rappellent que les subventions accordées au titre de la part territoriale du CNDS ont diminué de 30 % depuis l’an dernier, et que la suppression des contrats aidés a fait très mal dans les clubs sportifs.
Nous avons là les moyens d’augmenter substantiellement les ressources mises à disposition des clubs sportifs au profit de l’emploi sportif qualifié, du plan national sport santé bien-être, du savoir-nager, des équipements sportifs et des dispositifs de passerelles avec l’éducation nationale. Voilà en quoi devrait consister un fonds héritage pour Paris 2024.
Mon intervention pour soutenir l’amendement 2143 :
Cet amendement permet d’élever le plafond du prélèvement de 1,8 % sur les jeux de loterie à 100 millions d’euros, ce qui permet à la fois d’éponger la perte de 70 millions des crédits du sport depuis deux exercices budgétaires et, surtout, d’être dans une dynamique de 30 millions supplémentaires, pour le sport.
En effet, les Jeux Paris 2024 ne concernent pas que Paris et 2024, mais toute la France, dès 2019.
Je partage l’avis d’Éric Woerth selon lequel nous ne sommes pas là pour parler des crédits du sport et du budget.
Nous aurons l’occasion d’y revenir en commission des finances ainsi qu’en commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je suis ce budget depuis à peu près dix ans, dont cinq ans comme rapporteur spécial et deux ou trois ans comme rapporteur pour avis. J’en connais donc toutes les ficelles, de périmètre, de redéploiement. Je le dis, madame la ministre, votre budget est bien en baisse de 30 millions d’euros.
Dans le passé, il nous est arrivé de constater des sous-consommations de crédit, notamment sur les postes qui concernaient les retraites des sportifs de haut niveau. Ces sous-consommations ont toujours servi à financer, en régulation budgétaire, d’autres dépenses consacrées au sport. Elles ne se traduisaient pas par une réduction du budget et du périmètre des crédits du sport.
D’ailleurs votre lettre de cadrage le dit explicitement : vous êtes autorisée à abonder le programme no 350 à partir du programme no 219 de 17 ou 18 millions d’euros pour la Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques – SOLIDEO.
Nous voyons donc bien le jeu de bonneteau qui a été organisé. Mais votre budget, madame la ministre, est bien en baisse de 30 millions d’euros pour 2019.
Mon intervention pour soutenir l’amendement 2144 :
Monsieur le Président c’est ma dernière cartouche… L’amendement prévoit 5 millions de plus que ce que propose le Gouvernement afin de rehausser à 20 millions le plafond de la taxe dite Buffet.
Madame la ministre, la sous-consommation des crédits dans le domaine du sport n’existe pas. Peut-être y a-t-il des artifices de présentation budgétaire qui vous sont imposés – je le conçois. Qui plus est, Cap 2022 plane au-dessus de vous et fait beaucoup de mal à ce ministère et à ce budget.
Le CNDS avait un avantage : nous connaissions précisément le fléchage des crédits et nous exercions un contrôle parlementaire sur son action. Quatre parlementaires – les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis de l’Assemblée nationale et du Sénat – y siégeaient, avec voix consultative certes. Madame la ministre, la future Agence nationale du sport ne compte aucun parlementaire. Nous n’aurons donc aucun moyen pour contrôler l’affectation des crédits qui seront alloués à cette nouvelle agence.
70 millions ont été rebudgétisés l’an dernier lorsque vous avez décidé de réduire le montant des taxes affectées au CNDS de 136 millions. C’est à ce moment-là que les crédits ont disparu – nous en ferons la démonstration – au détriment des grands événements internationaux ou des équipements sportifs structurants. C’est à ce moment qu’il y a eu une sous-consommation. Mais ne dites pas que la sous-consommation est due à une exagération des exonérations de charges pour les arbitres et les juges sportifs.
20 millions d’euros supplémentaires, c’est le strict minimum pour remonter la pente cette année.
À six ans des Jeux Olympiques à Paris, le budget consacré au sport a concentré les crispations lundi soir lors de l’examen du projet de loi de finances. Des députés, y compris de la majorité, ont tenté en vain de le renforcer d’au moins 30 millions d’euros. La ministre Roxana Maracineanu a privilégié son amendement, qui rapportera deux fois moins.
Paris (AFP) – L’Assemblée nationale a voté dans la nuit de lundi à mardi une partie du financement de la future Agence nationale du sport, qui sera créée l’an prochain pour piloter le haut niveau et le développement des pratiques sportives.
Dépêche AFP by Régis Juanico on Scribd
Par un amendement surprise, introduit dans les débats au dernier moment, sans examen en commission, le gouvernement a fait acter cette nuit par l’Assemblée nationale la suppression du Centre national pour le développement du sport (CNDS) et son remplacement par une « Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l’accès à la pratique sportive ». Lire la suite…
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