En commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous avons auditionné le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer ce mercredi 5 juillet. Lui rappelant que “qui veut voyager loin ménage sa monture”, je lui ai demandé de prendre en compte l’épuisement de la communauté éducative qui a dû s’adapter à de nombreuses réformes ces dernières années. J’ai également attiré son attention sur le fait que son “pragmatisme” affiché, aurait dû le conduire à évaluer la réforme des rythmes éducatifs avant de la remettre en cause, dans la précipitation, par le biais d’un décret laissant toute latitude aux collectivités.
Monsieur le ministre, « qui veut voyager loin ménage sa monture », disait non pas La Fontaine mais Racine… Or, la communauté éducative est fatiguée, usée des réformes incessantes, des allers-retours et des changements permanents de politique éducative. Certes, il ne faut pas s’interdire de nouvelles réformes et nous sommes prêts à soutenir certaines de celles que vous avez annoncées, notamment celle du baccalauréat, concentré sur quelques épreuves, avec une liaison renforcée entre le lycée et l’enseignement supérieur, mais aussi celle du soutien scolaire avec les « devoirs faits », ainsi qu’à l’allégement des classes surchargées, avec le dédoublement des classes en CP et CE1. On sait toutefois que cela se fera à moyens budgétaires constants à la rentrée 2017, donc au détriment de l’opération « Plus de maîtres que de classes » et des remplacements, et que la rentrée risque ainsi d’être compliquée.
Vous vous qualifiez de pragmatique, ce qui signifie que, conformément à ce qu’a dit le Président de la République devant le Congrès, vous analysez l’efficacité d’un dispositif plutôt que d’y renoncer a priori. Vous avez effectivement fait preuve de pragmatisme et d’innovation lorsque vous étiez recteur en Guyane puis à l’académie de Créteil, vous avez été le moteur d’un certain nombre d’expérimentations et d’innovations tels la mallette des parents, les micro-lycées, la lutte contre le décrochage scolaire. Autant de dispositifs sur lesquels nous avons porté un regard très positif et dont nous avons proposé la généralisation, après une évaluation sérieuse.
En 2010, auditionné ici même alors que vous étiez directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO), vous vous étiez déclaré défavorable au retour à la semaine de quatre jours, indiquant que si la semaine de neuf demi-journées n’avait pas été choisie, c’est parce que le monde des adultes s’était entendu sur le dos du monde des enfants. Certes, pendant la campagne électorale, des parents, m’ont parlé de la fatigue de leurs enfants. Mais cette fatigue est-elle due aux écrans, au manque de sommeil ou à la réforme des rythmes scolaires ? En publiant un décret dès la semaine dernière n’avez-vous pas arbitré précipitamment en faveur des adultes et en défaveur des enfants, sans aucune évaluation sérieuse préalable ?
> La réponse du ministre :
Monsieur Juanico, j’adhère à la parole de Racine mais je vous remercie d’avoir aussi fait référence à La Fontaine : vous me donnez ainsi l’occasion de rappeler que nous avons distribué 150 000 fables de La Fontaine aux élèves des académies de Lille, Nantes et Marseille. Pour nous, l’accès à la littérature patrimoniale et de jeunesse est essentiel.
Je suis très conscient de la réalité à laquelle vous faites allusion : une certaine forme de fatigue du système vis-à-vis de la réforme. Je me trouve ainsi devant une double nécessité : faire évoluer les choses, et en même temps, prendre en compte le fait que le système ne veut plus d’une énième réforme. Voilà pourquoi je propose d’adopter une méthode de libération et de confiance, une méthode de libération des énergies pour créer un état d’esprit collectif à même de nous apporter des solutions dans chaque école, chaque collège et chaque lycée.
Vous avez fait allusion à mon pragmatisme et à mon goût pour l’expérimentation. Vous avez aussi dit que j’aurais déclaré qu’avec la semaine de quatre jours, le monde des adultes s’entendait sur le dos du monde des enfants. Ayant déjà entendu cette phrase deux ou trois fois depuis vingt-quatre heures, je pense qu’elle a commencé à faire fortune sur certains réseaux sociaux. Je vais donc vous apporter quelques éclaircissements.
J’ai toujours pensé, je l’ai dit tout à l’heure, qu’il fallait être pragmatique, qu’entre quatre jours et quatre jours et demi, on n’avait pas à choisir une option spécifique, et qu’il valait mieux regarder ce qui se passait sur le terrain. En 2010, j’ai exprimé l’idée qu’il n’était pas normal que 97 % de la France soit à quatre jours, et 3 % seulement à quatre jours et demi. On a d’ailleurs oublié qu’à cette époque, il était déjà possible d’être à quatre jours et demi
– même si c’était très rare.
J’appelle à un esprit de modération et de pragmatisme. Quand on était majoritairement à quatre jours, je trouvais dommage que l’on ne soit pas plus souvent à quatre jours et demi. Et quand on a voulu mettre tout le monde à quatre jours et demi, j’ai trouvé dommage que l’on ne laisse pas à quatre jours ceux qui le souhaitaient.
Par ailleurs, j’observe et j’évolue, en vertu même de la méthode expérimentale. Aujourd’hui, ma pensée est un peu plus aboutie qu’il y a quelques années, et j’espère que ce sera encore le cas dans quelques années. Autrement dit, j’ai regardé ce qui s’est passé depuis cinq ans. J’ai vu de très près la bonne volonté qui présidait à la réforme des rythmes scolaires, mais j’ai vu aussi les limites de ce qui s’est passé, et je le prends en compte. Cette approche me semble donc éminemment cohérente.
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