Avec de nombreux députés du groupe socialiste, nous avions déposé une proposition de loi visant à mettre un coup d’arrêt au dumping social et la concurrence déloyale. Conscients des ravages humains et économiques provoqués par le détachement abusif, nous souhaitions en effet un durcissement substantiel des règles et des contrôles qui encadrent le détachement. Ce texte, voulu et réclamé par l’ensemble des acteurs économiques et sociaux (organisations patronales et syndicats de salariés, organisations professionnelles et inspecteurs du travail, élus et entreprises) a été adopté le 26 juin dernier.
Ce qui est en cause, ce n’est pas le détachement, absolument nécessaire aux échanges commerciaux, culturels et techniques… mais la fraude au détachement et ses visages multiples, ainsi que les politiques d’optimisation sociale qui menacent le financement de nos systèmes de sécurité sociale, qui introduisent une enchère sociale absolument inacceptable, et qui constituent un foyer dangereux d’euroscepticisme et de xénophobie.
Cette loi permettra d’endiguer la course au moins-disant social, arme de destruction de nos solidarités collectives et ferment de divisions des peuples européens.
Ce que va changer la loi contre le dumping social.pdf by RegisJuanico
Le contexte
La conjonction de la directive relative aux services dans le marché intérieur, dite directive « Bolkestein », et de la directive relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, dite directive « détachement », a laissé la porte ouverte à des fraudes et des détournements massifs, qui consistent désormais à utiliser le négoce de main-d’œuvre bon marché, comme argument de concurrence.
Le rapport d’information de notre collègue sénateur Éric Bocquet a d’ailleurs dénoncé le développement délétère de l’emploi de salariés « low-cost » via un recours de plus en plus important, qu’il soit légal ou illégal, à la directive « détachement ». En effet, depuis 2006, le nombre de travailleurs détachés en France, faisant l’objet d’une déclaration en bonne et due forme, a été multiplié par 4, passant de 37 924 salariés à 170 000 en 2012, sans compter les salariés « low-cost » actuellement présents sur le territoire français sans avoir fait l’objet d’une déclaration préalable de détachement, selon le ministère du travail.
La fraude, désormais massivement pratiquée, relève souvent d’un manquement aux principes de la directive (notamment, défaut de déclaration de détachement, non-paiement des salaires et des heures supplémentaires, dépassement de la durée légale du travail). Elle passe cependant aussi par de complexes montages particulièrement difficiles à appréhender (travail illégal, défaut de certificat d’affiliation au régime de sécurité sociale, non-déclaration intentionnelle des accidents de travail, abus de vulnérabilité par des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine, esclavage moderne et trafic d’êtres humains), faisant appel à des prestataires de main-d’œuvre peu scrupuleux et/ou des entreprises dites « boîte à lettre » ou « coquille vide ».
Pallier le manque de protection dans notre pays
Bien que la France dispose d’une législation étendue et efficace contre le travail illégal et qu’une jurisprudence abondante se soit développée ces dernières années grâce à l’inspection du travail et à l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), il est apparu que le travail illégal et notamment le travail dissimulé par dissimulation d’activité via des détachements abusifs prenait une toute autre échelle, de plus en plus difficilement contrôlable en l’état actuel du droit notamment européen, pour faire face à un tel phénomène.
Aussi, faute d’harmonisation sociale dans l’Union européenne, crise économique et chômage de masse aidant, la directive est-elle devenue un objet d’opportunisme social et un outil redoutable de concurrence déloyale.
Consciente du danger délétère pour l’image et la légitimité de la construction européenne aux yeux des travailleurs, la Commission européenne a présenté le 21 mars 2012 une proposition de directive d’application de la directive qui, pour pallier les limites de la directive et prévenir les abus, précise la notion de détachement, renforce la coopération administrative entre les États membres, ainsi que l’information des salariés et des employeurs.
Mais le rapport d’information parlementaire des députés Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron présenté le 29 mai 2013 conclut à la nécessité de renforcer les dispositions proposées par la Commission européenne. Les diverses propositions d’ajustement qui ont suivi demanderont cependant du temps et de la persuasion pour voir le jour. Or, le temps presses pour les entreprises et les salariés exerçant leur activité dans les secteurs touchés de plein fouet par le phénomène des travailleurs low-cost, en particulier l’agro-alimentaire, le bâtiment et les travaux publics et les transports.
L’urgence de mesures concrètes
D’où la nécessité d’envisager dès à présent, au niveau national, des dispositions législatives euro-compatibles permettant de combattre efficacement ces fraudes organisées et de préserver notre économie et nos systèmes de protection sociale des conséquences désastreuses d’une concurrence déloyale résultant de politiques systématiques d’optimisation sociale.
Il s’agit donc, parallèlement aux mesures annoncées récemment par le Gouvernement en la matière (plan de lutte contre le travail illégal pour 2013-2015 ; projet de réforme du corps des inspecteurs du travail…), de renforcer l’arsenal législatif national, en particulier sur la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre. Tel est l’objet de cette proposition de loi qui avance plusieurs mesures préventives et répressives pour lutter efficacement contre le dumping social, la concurrence déloyale et les abus de la sous-traitance.
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