La volonté de rapprochement du groupe allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et du français Nexter Systems permet d’augurer la création d’un leader européen de l’armement terrestre, capable de faire jeu égal avec les plus grands acteurs mondiaux du secteur. Je me félicite que ce projet, fondé sur la recherche d’une plus grande compétitivité, prévoie le maintien des emplois existants. Au regard de l’implantation de Nexter dans la Loire, notre département est concerné au premier chef par cette nouvelle.
KMW est leader des armements terrestres en Allemagne. Le groupe Nexter, grâce à sa maîtrise des systèmes de combat terrestre et ses capacités d’innovation, répond depuis de nombreuses années à l’évolution des besoins des armées de Terre française et étrangères. Ce nouveau champion européen proposera ainsi une gamme élargie de produits, de compétences et de savoir-faire complémentaires.
Ce projet d’ « Airbus terrestre » donnera une impulsion bienvenue au secteur stratégique de la Défense. Il permettra à l’Europe, et donc à la France, de renforcer son tissu industriel de pointe et, par effet de levier, de générer de nouveaux emplois.
Le rapprochement KMW – Nexter Systems participe des principes définis par le “Livre Blanc sur la défense et de la sécurité nationale” d’une politique industrielle de défense, qui préserve les capacités et les perspectives de ce secteur, à la fois indispensable à notre autonomie stratégique et élément important du dynamisme de notre économie.
J’ai profité de l’audition du Chef d’Etat Major des Armées et du Délégué général à l’Armement en Commission des finances pour les interroger sur les implications de cette fusion, notamment en termes de préservation des emplois et des conditions de travail des salariés de Nexter Systems :
Ma question :
Je sais que c’est une audition consacrée à l’examen de l’exécution des crédits 2013, mais je voudrais profiter de la présence du Chef d’Etat Major des Armées et du Délégué général à l’Armement pour évoquer une question industrielle d’actualité. Le Gouvernement a annoncé la semaine dernière le rapprochement entre l’entreprise publique Nexter Systems et l’entreprise allemande Krauss-Maffei Wegmann, en vue de constituer le leader européen de l’armement terrestre, étant entendu que l’Etat français continuera à détenir 50 % du capital.
Nous sommes encore un certain nombre – beaucoup moins que par le passé – mais encore un certain nombre de parlementaires à être issus de territoires, c’est le cas dans la Loire, où Nexter pèse encore considérablement en termes d’emplois industriels. Je voulais donc poser une question au Chef d’Etat Major des Armées et au Délégué général à l’Armement pour qu’ils nous rassurent bien sur la complémentarité des deux entités industrielles que nous allons rapprocher, notamment en terme commercial sur les marchés à l’export, sur la gamme des produits, sur les compétences et savoir-faire, et qu’il n’y aura pas forcément des rationalisations en termes de moyens d’études, de recherche et développement, ou des services achats. Et puis, bien évidemment, si vous pouviez rassurer pleinement les salariés de Nexter sur les éventuelles suppressions de postes, le devenir des accords collectifs… On parle aussi de délocalisation de la future entité rapprochée aux Pays-Bas : quelle en est la justification ?
La réponse de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement :
Sur Nexter / Krauss-Maffei, ce qui a été fait la semaine dernière, c’est la signature du “heads of agreement”, un protocole d’accord qui permet l’ouverture des “due diligence”, donc l’ouverture des comptes en réalité, et l’état réel des sociétés. La suite, c’est la constitution d’une JV. Cette JV est à 50/50, c’est-à-dire que l’Etat, via Nexter – et via GIAT aussi puisqu’en réalité c’est GIAT qui détient les actions de Nexter Systems – continuera de détenir 50% de la société. Et le siège sera effectivement d’après ce qu’on a entendu basé à La Haye pour des raisons que j’ignore complètement mais que j’arrive à imaginer quand même.
L’intérêt pour les deux sociétés est complémentaire. Quand cette affaire a commencé, il y a 4 ans, on a été extrêmement surpris par l’acceptation par Krauss-Maffei de la pérennité de la présence de l’Etat dans le tour de table. Ce qui n’était pas évident du tout : en principe les Allemands disent l’industrie c’est privé, donc les actionnaires sont privés. Pas du tout. La famille Bode-Wegmann, qui est propriétaire à 100% de Krauss-Maffei-Wegmann aujourd’hui, souhaite la présence de l’Etat au capital. Tout simplement parce que c’est probablement la garantie d’une pérennité et des commandes de l’Etat vers Nexter aussi. Les deux sociétés sont complètement complémentaires. Elles sont complémentaires au plan des produits : Krauss-Maffei a vendu 3 000 chars Léopard sur la surface de la Terre, à des prix qui ont suscité des revenus extrêmement élevés, Nexter a d’excellents produits comme le BBCI et ses tourelles ou le canon César. La différence de taille entre les deux sociétés, c’est qu’il y en a une qui sait exporter : je l’ai mentionné, Krauss-Maffei, qui a un réseau commercial dont c’est le métier principal. Et une autre qui est beaucoup plus empruntée sur ce terrain-là. Les résultats à l’exportation de Nexter sont extrêmement décevants à l’heure actuelle, et ce n’est pas normal compte-tenu de la qualité des produits et de l’argent qu’on y a injecté.
Donc, si je fais très court, à l’arrivée normalement, la succession du Leclerc comme du Léopard 2, c’est un engin hybride qui a pour base roulante quelque chose qui vient du savoir-faire de Krauss-Maffei, une tourelle et des conduites de tir et des systèmes d’arme qui viennent de France, de Nexter et de Thalès, principalement. C’est ça qu’on vise, ainsi que le renforcement d’une société qui est confrontée a des problèmes d’exportation qui sont réels : General Dynamics ou British Aerospace sont partout dans le monde, bientôt des Chinois également qui commencent à être extrêmement agressifs notamment au Moyen-Orient.
En savoir plus :
En quoi consiste l’accord qui a été signé ?
Le projet est de créer un leader européen de l’armement terrestre, constitué par l’union à parité des deux grands groupes européens que sont l’allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et le français Nexter Systems.
Nexter Systems, KMW et leurs actionnaires ont signé un protocole dont le but est le rapprochement des deux entreprises. Le protocole d’accord définit les différentes étapes à franchir pour aboutir à ce rapprochement et prévoit les caractéristiques de la future entreprise.
Quelles sont les entreprises concernées ?
KMW est leader des armements terrestres en Allemagne. Ses deux principaux sites sont à Munich et Kassel en Allemagne mais l’entreprise est également présente aux Etats-Unis, au Mexique, à Singapour, en Turquie et au Brésil. Elle emploie environ 3 000 personnes et réalise un chiffre d’affaires consolidé de 800 M€ par an environ.
Outre le char Leopard, sa gamme comprend notamment des véhicules blindés et protégés à roues, des engins de reconnaissance et défense anti-aérienne, des automoteurs d’artillerie chenillés, des systèmes de pontage. Il est partie prenante, en association avec Rheinmetall, aux deux principaux programmes nationaux allemands du terrestre : GK-Boxer, véhicule de transport de troupes 8×8 et SPz-Puma, véhicule de combat d’infanterie chenillé lourd.
Nexter, grâce à sa maîtrise des systèmes de combat terrestre, a pour vocation de répondre aux besoins des armées de Terre française et étrangères. Son domaine d’activité s’étend à la fourniture de systèmes et de munitions pour les armées de Terre et de l’Air, et la Marine. Ses trois principaux sites sont à Versailles, Bourges et Roanne en France mais l’entreprise est aussi implantée en Arabie saoudite, aux Emirats Arabes Unis et en Inde. En 2013 elle employait environ 2 800 personnes pour un chiffre d’affaires consolidé proche de 800 M€. L’acquisition en 2014 des sociétés munitionnaires Mecar et Simmel (dont le chiffre d’affaires était de 185 M€ en 2013 avec 560 employés) étend son empreinte industrielle à la Belgique et l’Italie.
La gamme de produits proposés par Nexter est notamment composée de véhicules multi-missions ARAVIS et TITUS, de véhicules de combat VBCI, de systèmes d’artillerie CAESAR, TRAJAN et 105 LG, de munitions intelligentes BONUS, de services clients et de soutien et revalorisation.
Quels sont les buts recherchés à travers ce rapprochement ?
Le projet est de rapprocher Nexter et KMW pour créer le leader européen de l’armement terrestre, bénéficiant d’une gamme élargie de produits, des compétences et savoir-faire complémentaires des deux sociétés et suffisamment compétitive pour assurer dans la durée son développement, notamment à l’export.
Ce nouveau groupe devra être capable de faire faire jeu égal avec les plus grands acteurs mondiaux du secteur, comme les deux leaders actuels du marché (les acteurs transatlantiques General Dynamics et BAE Systems) qui réalisent chacun un chiffre d’affaires quatre à cinq fois supérieur aux acteurs européens les plus importants.
Pendant des décennies, l’industrie d’armement terrestre européenne s’est principalement appuyée sur la réalisation de programmes nationaux d’équipements, ceux-ci leur permettant d’entretenir et développer le portefeuille de compétences spécifiques et d’assurer la maîtrise de nombreuses technologies avancées requises pour concevoir, réaliser et soutenir les matériels avec leurs munitions et services associés.
Compte tenu de la réduction des budgets de défense européens, l’industrie d’armement terrestre européenne doit désormais, plus que jamais, chercher à l’export, auprès d’une clientèle élargie, les moyens d’assurer son développement. Cette obligation de développement accru intervient à un moment de l’histoire où la concurrence est avivée par l’arrivée concomitante, sur les mêmes marchés tiers, des industries nord-américaines et des pays émergents à le recherche de relais de croissance.
Dans ce contexte, les acteurs voulant conserver une offre globale dans le secteur terrestre doivent accroître leur taille pour gagner en efficacité et en compétitivité. Le nouveau groupe disposera d’une offre complète d’engins blindés, armes, systèmes d’armes, munitions et services, au bénéfice des forces terrestres et aéroterrestres.
Comment sera organisée la nouvelle entreprise ?
Il sera créé une société commune détenue à 50% par l’Etat français et 50% par les actionnaires actuels de KMW (le groupe familial Wegmann).
La société commune détiendra les participations dans Nexter Systems et KMW et aura en charge la transformation vers un groupe intégré. Elle définira la stratégie du groupe et en assurera le pilotage, donc elle rendra compte aux actionnaires. Le siège administratif de la société commune sera aux Pays-Bas mais les sièges opérationnels de Nexter Systems et de KMW resteront à Versailles-Satory et Munich.
Au jour de la création du nouvel ensemble et dans le respect des identités de chaque entreprise, chacun des deux groupes, Nexter et KMW, conservera son organisation, son fonctionnement, ses produits et projets, attachés à remplir leurs obligations souscrites au titre des contrats ou offres en cours. Les partenariats développés par chaque groupe seront préservés. Le groupe est toutefois appelé à se transformer en un groupe unifié et intégré dans un délai rapproché.
Quand les salariés seront-ils consultés ?
Le protocole d’accord signé entre Nexter Systems, KMW et leurs actionnaires prévoit les différentes étapes à franchir pour aboutir au rapprochement des deux entreprises, ainsi que les caractéristiques du futur groupe.
Ce protocole d’accord n’est que le point de départ de discussions plus approfondies entre Nexter, KMW, l’Etat (Agence des participations de l’Etat et Ministère de le Défense) et le groupe familial Wegmann, dont le but est d’aboutir à ce rapprochement au début de l’année 2015. L’opération sera bien entendu présentée aux instances représentatives du personnel de Nexter Systems, qui seront consultés conformément aux obligations légales.
Ce rapprochement entre des entreprises comparables conduira-t-il à des suppressions de poste ?
Le rapprochement entre Nexter et KMW a pour but de constituer un leader capable d’améliorer son efficacité et sa compétitivité pour chercher à l’export, auprès d’une clientèle élargie, les moyens d’assurer son développement. Aucune suppression d’emploi n’est donc prévue :
·Le nouveau groupe préservera et développera la base industrielle et technologique de défense européenne, sous contrôle européen.
·Au-delà des deux produits symboliques que sont les chars lourds Leopard II et Leclerc, les portefeuilles produits et services sont largement complémentaires. L’objectif est d’élargir le portefeuille-feuille produits et services avec des programmes conçus en commun.
·Les présences commerciales actuelles hors France et Allemagne des deux entreprises sont également très complémentaires et leur union sera la base d’un développement international renforcé, faisant levier des marques respectives (qui seront conservées), du catalogue produit (qui sera élargi) et des notoriétés combinées des deux entreprises.
·La présence de chacun de partenaires sur son marché national sera préservée et valorisée, chacune des sociétés nationales y assurant la continuité dans le rôle de fournisseur de référence et veillant à tenir son rôle dans l’écosystème du secteur, notamment dans le respect des engagements souscrits vis-à-vis des PME.
·Les capacités financières disponibles pour le groupe seront multipliées.
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Merci Régis pour cette question pertinente auprès du représentant de la DGA. Sa réponse est identique à celle que nous recevons depuis quelques semaines maintenant auprès de la direction de Nexter et du ministère de la Défense. Malgré ce discours positif, il faut rester prudent sur les conséquences et les inévitables rationalisations qui adviendront avec tout d’abord le regroupement de fonctions “amont” mais aussi de choix stratégiques qui pourraient être faits à l’avenir.
Au plaisir de se voir prochainement pour en parler
Daniel