Semaine du 23 au 29 mai

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, avec l’aplomb et la mauvaise foi dont il est coutumier a rejeté la faute de ce fiasco sur les seuls supporters anglais en évoquant une « fraude massive, industrielle et organisée » pour justifier les difficultés d’accès au Stade de France, où se déroulait samedi soir la finale de la Ligue des Champions entre Liverpool et le Real Madrid.
« Il n’y a que dans le football, avec certains clubs anglais, qu’il y a ces événements » a-t-il ajouté.
Il a aussi pointé du doigt le club anglais de Liverpool, coupable selon lui d’avoir mis la pression pour obtenir le maximum de tickets en version « papier » ce qui, mécaniquement, aurait multiplié les risques de fraude.
Selon Gérald Darmanin, « 30 000 à 40 000 supporters anglais se sont retrouvés au Stade de France, soit sans billet, soit avec des billets falsifiés ».
Or, la Fédération française de football et l’UEFA, l’instance européenne du football, ont, elles, évalué à « 2 800 » le nombre « de faux billets scannés » samedi.
Le Ministère aurait du anticiper : trois jours avant, les services de renseignement avaient alerté les autorités des risques entourant ce match, dans une note signée du mercredi 25 mai. “Si cette rencontre ne présente pas de risques particuliers en lien avec le supportérisme violent, des troubles à l’ordre public sont à craindre”.
Préparée par la Division nationale de lutte contre le hooliganisme, cette alerte a été largement diffusée dans les services de police. La note anticipait ” environ 50 000 supporters anglais présents dans la capitale française qui ne seront pas détenteurs de billets”.
La gestion des supporters par les autorités lors de la finale de la Ligue des champions de football, samedi dernier au Stade de France a été défaillante.
Les forces de l’ordre aux abords du Stade de France -1000 sur les 6800 du dispositif au total- ont été mal employées :
– absence de camions sono ou mégaphones pour dire à la foule de supporters ce qui se passait
– absence de médiateurs pour gérer les flux
– aucune explication de la part de la PP, ne serait ce sous forme de panneaux électronique en anglais et en espagnol
– mauvaise anticipation sur les risques de délinquance pourtant bien connue
Se pose aussi la question du recours disproportionné aux gaz lacrymogènes -avec des images déplorables d’enfants aspergés- sans motif légitime ni discernement.
La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a esquissé mardi, un début de mea culpa : « On a des supporters de Liverpool qui étaient tout à fait en règle, dont soit la soirée a été gâchée, soit certains n’ont pas pu assister à ce match, et là on leur doit clairement des excuses ».
Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, à la réputation déjà bien établie en matière de maintien de l’ordre, qui porte une responsabilité écrasante dans la gestion erratique des supporters au Stade de France est toujours en place. Dans n’importe quelle autre démocratie, il aurait été démissionné sur le champ.
Il y a plus largement un problème dans la gestion du supportérisme dans notre pays : l’usage excessif des arrêtés préfectoraux d’interdiction ou de restriction de déplacements en championnat a conduit à une perte de savoir-faire chez les forces de l’ordre.
L’Angleterre et l’Allemagne, face à un haut niveau de violence, ont mis en œuvre une réflexion, des stratégies globales et cohérentes qui ont obtenu des résultats positifs.
En privilégiant le dialogue et le discernement, ces deux pays ont opté pour une répression très forte contre les individus violents et racistes -le contraire des sanctions collectives de la commission de discipline de la LFP (fermeture de tribunes…)- tout en favorisant un “supportérisme” positif. Les forces de police prennent soin de distinguer les individus problématiques, et d’assurer aux autres un accueil bienveillant, avec une communication très forte afin de préserver une relation apaisée.
En juin 2020, déjà, un rapport parlementaire de mes deux collègues députés Marie-George Buffet et Sacha Houlié avait pourtant diagnostiqué l’échec de « la politique du tout-répressif ».
Depuis samedi, c’est tout à la fois le maintien de l’ordre et la capacité du pays à organiser des grands événements sportifs à deux ans des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 qui sont pointés du doigt.
Les deux ministres de l’Intérieur et des Sports vont devoir s’expliquer et rendre des compte devant le Parlement dans le cadre de sa mission de contrôle du gouvernement : ils seront tous les deux auditionnés par les commissions des lois et de la culture au Sénat ce mercredi, à partir de 17 heures.
Cette première audition qui doit être suivie d’une enquête indépendante permettra d’y voir plus clair sur ces graves dysfonctionnements. Nous attendons du gouvernement moins de légèreté et d’arrogance dans ce dossier.
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