La bonne santé et l’indépendance des médias sont essentielles pour que notre démocratie fonctionne mieux.
Bien conscient de cette réalité, j’ai fait le choix d’être signataire de la proposition de loi relative à l’indépendance des médias.
En effet, au cours des quarante dernières années, la diffusion de la presse papier a été divisée par deux, et le chiffre d’affaires du secteur divisé par trois. En cause, notamment, l’évolution du modèle d’affaires des médias traditionnels, fondé en grande partie sur la publicité.
Ces médias font face à une crise profonde, accélérée ces dernières années par l’essor des réseaux sociaux et des nouvelles sources d’information en ligne.
Cette crise économique s’accompagne également d’une crise de gouvernance. À ce jour, l’essentiel des médias privés français est détenu par un nombre extrêmement limité de personnes – à savoir huit à neuf industriels dont le métier d’origine n’a rien à voir avec le journalisme.
Cette concentration entre les mains de quelques riches propriétaires alimente, légitimement, la crise de défiance envers les médias.
Le 34e baromètre de la confiance dans les médias publié en janvier 2021 confirme cette tendance de fond : 60 % des Français considèrent que les journalistes ne sont pas indépendants aux pressions du pouvoir politique et aux intérêts économiques ; 52 % des Français ne considèrent pas les journaux de presse écrite comme des sources fiables, 58 % pour la télévision et plus de 72 % pour Internet. Les révélations de Jean-Baptiste Rivoire dans son dernier livre, L’Elysée (et les oligarques) contre l’info, alertent d’autant plus sur le lien entre les propriétaires des grands médias et les responsables politiques.
Cette situation constitue un problème majeur, à la fois pour la perception de la qualité et de la crédibilité de l’information, tout autant qu’elle interroge sur le pluralisme démocratique et l’indépendance des rédactions.
Les médias ne sont pourtant pas des entreprises comme les autres. Cette proposition de loi se fonde ainsi sur les travaux de l’économiste Julia Cagé et de l’avocat Benoît Huet, qui préconisent dans leur ouvrage L’information est un bien public – Refonder la propriété des médias d’ériger un nouveau modèle de propriété des médias reposant sur 4 piliers :
En effet, pour défendre l’accès à l’information, nous nous devons de renforcer la gouvernance démocratique des médias, de limiter la possibilité de concentration dans les mains de quelques-uns en repensant le mode de financement des médias, en particulier celui des aides publiques à la presse.
L’article 1er érige de nouvelles contreparties à l’octroi, par l’État, de nombreux avantages dont peuvent aujourd’hui bénéficier les entreprises éditrices : aides à la presse, tarifs postaux spécifiques, etc.
À l’exception des toutes petites structures (celles de moins de 10 salariés), les entreprises éditrices de presse devront se soumettre à plusieurs règles destinées à favoriser l’indépendance des journalistes et améliorer la qualité de l’information.
Tout d’abord, il leur faudra disposer d’un organe de gouvernance paritaire, composé pour moitié de salariés, parmi lesquels au moins deux tiers de journalistes. Cet organe pourra s’opposer, par le biais d’un droit d’agrément, à l’arrivée de tout nouvel actionnaire de contrôle au capital.
Ensuite, afin de garantir l’indépendance des rédactions, celles-ci devront disposer d’un droit de veto sur la nomination, proposée par l’organe de gouvernance paritaire, du directeur de la rédaction. Cette mesure est déjà appliquée par certains journaux, à l’instar du Monde et des Échos, et mérite d’être étendue.
Enfin, dans l’optique de pousser les entreprises éditrices à investir davantage dans les rédactions, 35 % de leur chiffre d’affaires annuel devra être consacré aux charges de personnel. Toujours afin d’améliorer la qualité de l’information, le versement de dividendes sera limité à 30% des bénéfices, le reste devant être consacré à la constitution d’une réserve statutaire dédiée au maintien ou au développement de l’activité de l’entreprise éditrice de presse.
Les articles 2 et 3 complètent le dispositif précédent en imposant davantage de transparence aux entreprises éditrices de presse. Celles-ci devront rendre publique l’identité des actionnaires détenant au moins 5 % de leur capital (contre 10 % aujourd’hui). Si l’actionnaire est une société, il faudra surtout dévoiler le nom de son bénéficiaire effectif, étant donné que l’identité de la personne physique contrôlant effectivement un média est aujourd’hui une information peu accessible au public, car souvent masquée par l’écran d’une ou plusieurs sociétés holdings. Le montant des aides à la presse perçues au titre de l’année précédente devra également être rendu public, de même que celui des financements privés (mécénat, etc.).
L’article 4 donne comme mission à l’Arcom de publier annuellement une base de données centralisée de la composition du capital des titres de presse et des services de communication audiovisuelle, de même que de l’identité des membres de leurs organes dirigeants.
L’article 5 oblige les rédactions à informer leurs lecteurs quand un article traite d’un sujet en lien avec un actionnaire détenant au moins 5 % du capital de l’entreprise éditrice.
L’article 6 prévoit que les entreprises éditrices ne respectant pas leurs obligations de transparence évoquées précédemment deviendront passibles d’une amende pouvant atteindre 5 % de leur chiffre d’affaires annuel moyen.
L’article 7 tend à remplacer une partie des aides actuelles à la presse, dont les modalités de répartition apparaissent à la fois complexes et opaques, par des « Bons pour l’indépendance des médias ». Chaque Français pourra ainsi allouer, chaque année, à partir de ses seize ans, une certaine somme à un ou plusieurs journaux de son choix.
L’article 8 décline plusieurs des mesures précédentes aux médias audiovisuels privés. Pour obtenir une fréquence audiovisuelle, les chaînes devront prévoir, dans les conventions conclues avec l’Arcom (ex-CSA) : un droit de veto des journalistes dans la nomination de leur directeur de la rédaction ; un droit d’agrément permettant à la rédaction d’agréer le nouvel acquéreur, ou, à défaut, de proposer un acquéreur alternatif ; une meilleure transparence sur les actionnaires.
Retrouvez le texte de la proposition de loi ici :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4999_proposition-loi.pdf
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