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Retrouvez l’intégralité de l’émission avec mon collègue Cédric Roussel et Caillet Virgile ici :
Régis Juanico : On a auditionné 200 personnes, il y a eu 60 auditions et quatre déplacements qu’on a fait en Europe aussi pour regarder ce que faisait nos voisins. Mais bien évidemment, ce n’est pas simplement une mission d’information parlementaire sur les droits dans le foot. Le fait générateur vient du football parce que le foot représente 80-90% des droits audiovisuels dans notre pays.
Mais c’est une mission sur les droits audiovisuels sur l’ensemble des disciplines sportives, sport professionnel et sport amateur, j’y tiens puisque bien évidemment, plus les droits sont hauts, plus la redistribution, via notamment la taxe buffet mais aussi d’autres mécanismes, profite au sport amateur.
Patrick Chêne : Le ruissellement existe dans le sport ?
RJ : Il existe, on va en reparler bien évidemment. Mais ce qui est intéressant dans cette mission c’est que tout le monde est venu nous parler, tous les protagonistes de l’affaire Médiapro. Parfois, c’était en huis-clos à leur demande, jamais à la nôtre, mais le plus souvent c’étaient des auditions publiques.
PC : Qu’est-ce que le pouvoir politique vient faire dans cette affaire ? Qu’est-ce que vous répondez ?
RJ : Alors je pense qu’il y a de mesures, on va en reparler, qui ne peuvent être décidées qu’au niveau mondial et international. L’encadrement de la profession des agents sportifs, par exemple, c’est de l’ordre de la FIFA, des instances internationales. Faudrait d’ailleurs qu’elles s’en occupent mieux.
Il y a des règles d’encadrement, aujourd’hui des principaux championnats européens qui sont de l’ordre de l’UEFA. L’encadrement de la masse salariale, des règles de fair-play financier européen, peut-être aussi le nombre de joueurs formés localement, on sait que ça, c’est au moins à l’échelle continentale.
Et puis c’est le rôle du législateur, on a fait, nous, un certain nombre de propositions, soit qui s’adressent aux acteurs du football pour donner un certain nombre de recommandations pour les prochains appels d’offres, mieux les encadrer, mieux sécuriser les droits TV.
Et puis aussi un certain nombre de mesures qui peuvent être soit législatives, certaines on va y revenir, nous les avons déjà fait passer dans les textes de loi visant à démocratiser le sport ou bien sur la protection des œuvres culturelles. C’est en cours sur les SCIC, les Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif. Et puis aussi sur la société commerciale qui va être créée aussi dès que la loi sera promulguée.
Et puis d’autres mesures qui sont d’ordres règlementaires qui dépendent que du bon vouloir du gouvernement, de l’exécutif. Typiquement le décret des évènements d’importance majeure.
PC : En quoi le politique peut-il exiger une garantie financière lorsqu’il y a un contrat privé entre une ligue de football et un diffuseur ?
RJ : C’est une recommandation que l’on fait à la ligue, ce qui n’a pas été fait pour Médiapro, le fait de demander aussi des acomptes significatifs aussi dès la signature du contrat, je pense que c’est des garanties nécessaires financières qu’il faut demander aux opérateurs, notamment quand ils sont nouveaux, quand ils débarquent, comme cela a été le cas pour Médiapro.
On fait aussi des propositions qui sont de l’ordre réglementaire. La question par exemple de la durée de commercialisation des droits quand on propose de l’augmenter jusqu’à 5 ans plutôt que 4 aujourd’hui. Ça dépend du gouvernement, d’un décret.
Et puis, un certain nombre aussi de recommandations qui permettent d’améliorer la visibilité du foot de façon gratuite. Il est aussi là l’objectif de ce rapport, c’était de dire qu’aujourd’hui il y a que 5% du volume horaire des événement sportifs qui sont gratuit, tout le reste est payant. Comment on rééquilibre un petit peu, mais pour toutes les disciplines, pas que pour le football. Mais aussi pour le foot, car aujourd’hui, à part la coupe de France, à part l’équipe nationale, on ne voit pas de foot sur des chaînes gratuites.
D’ailleurs il y a des discussions en ce moment, notamment entre les grands clubs, ce qu’on appelle l’ECA, l’association des grands clubs, sur ces questions de fair-play financier, d’encadrement des dépenses et des recettes.
PC. : J’ai failli sourire quand vous avez parlé de fair-play financier. Parce que quand je regarde l’actualité de ces derniers mois, quand on parle de fair-play financier, j’ai même envie de rire.
RJ : C’est vrai que les visions entre les grands clubs, on l’a vu au Bayern de Munich, par rapport au PSG, ce n’est pas tout à fait la même conception. Mais l’encadrement de la masse salariale, aujourd’hui beaucoup y viennent, beaucoup pensent que c’est comme ça qu’on sera moins télé-dépendant.
Le problème du football français c’est qu’on est télé-dépendant pour la majorité des clubs, en moyenne entre 40 et 50%. Ce n’est pas le cas en rugby. Au rugby c’est plutôt entre 20 et 30%. Et à part quelques grand clubs comme le PSG, comme Lyon, comme Monaco ou Marseille, qui ont d’autres ressources et un modèle un petit peu différent donc beaucoup moins télé-dépendant, il faut changer de modèle.
Donc, oui il y a des règles européennes, notamment sur la masse salariale. Mais il y a aussi des règles qu’on peut proposer au niveau national, on propose notamment avec Cédric, parce que nous souhaitons valoriser la formation à la française, avoir un premier contrat professionnel des jeunes joueurs formés au club qui passe de 3 à 5 ans. C’est dans le texte de loi visant à démocratiser le sport, j’espère que ça va le rester jusqu’à son adoption définitive dans quelques semaines.
Le nombre de joueurs sous contrats professionnels, il y en plus de 30 à Saint-Étienne par exemple. Est ce qu’on ne peut pas être plutôt à 25 ? Je crois que tout le monde là aussi doit faire des efforts.
PC : ce sont de mesures qui peuvent aider les clubs à diversifier leur modèle économique ?
Le problème c’est que ce travail il aurait dû être fait depuis de nombreuses années. Je me souviens même il y a quelques années, avec Didier Quillot à l’époque quand il était à la tête de la ligue. Ils avaient déjà lancé des groupes de travail, ils avaient voir les bon,nés pratiques aux États-Unis aussi, pour diversifier les ressources des clubs.
On a eu l’impression que Médiapro a provoqué comme une sorte d’aveuglement, de mirage. On avait plus 60% de droits et déjà tous les présidents de clubs avaient bâti leurs budgets prévisionnels sur plusieurs années en fonction de cette manne supplémentaire.
Il y a le trading aussi qui joue ce rôle inflationniste et donc il y a nécessité effectivement que, notamment sur la société commerciale, parce qu’on le propose. Mais qu’on propose de flécher là aussi la manne financière de la société commerciale, s’il existe, on verra bien notamment l’évolution des montants des droits internationaux, sur le désendettement, sur les infrastructures, sur la diversification du modèle économique et sur les centres de formation.
Il ne faudrait pas que la société commerciale soit, le nouveau « mirage » du foot français, après Médiapro, et que les présidents de clubs oublient qu’il faut qu’ils travaillent sur la billetterie, sur l’affluence dans les stades, sur l’expérience match.
PC : Comment augmenter les ressources financièresères pour le sport amateur ?
Ça a été fait sur la taxe Buffet. Alors Malheureusement pas forcément au bon moment puisque le plafond a été mis à 75 millions d’euros, donc à 100% du rendement de la taxe sauf que c’est tombé l’année de Médiapro donc moins 15 millions d’euros de rendement parce que y’avait, bien évidemment, moins de droits TV à ce moment-là. Et donc il a fallu que le ministère des Sports compense à l’Agence Nationale du Sport, où Virgile Caillet siège par ailleurs. Ces 15 millions d’euros du sport pour tous, du sport amateur, qu’il faut réinjecter quand même.
Moi je pense aux paris sportifs. Là, il y a une question de relever le plafond parce que le pari sportif aujourd’hui, très majoritairement c’est le football, c’est un peu le basket, un peu le tennis. Et là il y a une taxe qui existe. Et ça c’est un marché en très très forte croissance chaque année et donc là on sait qu’on peut avoir un rendement supplémentaire pour le sport amateur à l’avenir.
PC : comment améliorer la visibilité du sport féminin ?
Pourtant, c’est des événements sportifs (les événements féminins) qui sont parmi les meilleurs audiences, toutes catégories confondues, à la télévision. Là, il y a un enjeu sur le sport féminin, il y a un enjeu sur les parasports. Et avec Cédric, ce qu’on a clairement proposé c’est de renforcer les moyens de France Télévision, là pour le coup, du service public audiovisuel du sport, qu’on appelle le « service minimum audiovisuel du sport ».
Notamment avec l’autorisation de publicité après 20h pour les événements sportifs, de manière à ce qu’ils aient les moyens de s’aligner pour acheter aussi des droits sportifs. On le voit, ils pourraient être en difficulté sur le Tour de France, sur Roland Garros, sur un certain nombre de grands événements populaires.
PC : Votre rapport, c’est d’anticiper et d’essayer de faire cohabiter tout ça. C’est à dire, donner des moyens aux diffuseurs de développer l’Over The Top, de construire une vraie offre, c’est ça l’enjeu ?
RJ : Il y a deux enjeux. Les temps d’écrans globalement, ils ont beaucoup augmenté ces derniers mois et ces deux dernières années pour des raisons qu’on comprend très bien sur la crise sanitaire, bien sûr. C’est la télé mais c’est surtout les tablettes, les smartphones et puis les modes de consommation.
On s’est aussi préoccupé avec Cédric, de la question de l’offre, aujourd’hui payante pour le foot. Parce qu’elle est éparpillée et aujourd’hui ça coûte cher aussi pour un abonné, un passionné de foot j’ai envie de dire, de suivre non seulement le championnat français en totalité mais aussi les autres championnats européens quand on est un passionné.
Donc on essaye de faire un certain nombre de recommandations, dont une c’est essayer de simplifier un petit peu ce paysage-là. Que le consommateur puisse s’y retrouver, financièrement aussi, et puis aussi bien sûr, avec ces lots en clair pour le foot. Lot gratuit pour un match de championnat par semaine et puis aussi des lots de résumé, les « highlights » comme on dit, parce qu’aujourd’hui ça correspond à des formats.
Aujourd’hui les plus jeunes ont envie de voir les meilleurs moments. Pablo Longoria, faisait un petit peu d’humour devant nous lors de son audition en disant que sur un match de 90 minutes, il y avait 3 minutes d’intéressantes sur un match de foot. Il exagère un petit peu mais regardez un match de basket qui dure une heure et demie parfois, vous avez envie de voir les meilleurs moments. Donc on a essayé d’isoler ces lots là et d’en faire une recommandation.
PC : on peut agir au niveau européen aujourd’hui ?
Pour sauver notre modèle sportif européen et pas tomber dans les supers ligues ou les ligues fermées. Il faut absolument que les règles de concurrence qui s’appliquent notamment dans les appels d’offres soient encadrées par des mécanismes de régulation. Donc c’est au niveau européen effectivement qu’il faudra mettre en place ces règles-là. Mais on peut aussi progresser au niveau national et notamment pour la lisibilité et l’exposition de toutes les disciplines sportives.
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