Je préfère convaincre plutôt que contraindre et fracturer encore plus une société déjà fragilisée par les crises sanitaires successives en créant deux catégories de citoyens.
Une loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire ne doit pas avoir pour objectif « d’emmerder une partie de la population» mais de protéger la santé publique.
Le texte a été adopté par 213 voix pour, 93 voix contre, 127 abstentions.
Mon explication de vote :
Comme beaucoup de textes liés à la gestion de la crise sanitaire par le Gouvernement, ce projet de loi a été préparé dans l’urgence, face notamment à la hausse très rapide des cas positifs de Covid-19 dans les dernières semaines de décembre (208 000 cas au 29 décembre).
Sa principale disposition vise donc à transformer le « pass sanitaire » en vigueur (dispositif auquel je me suis opposé, pour mémoire), en « pass vaccinal ». Cette disposition souffre de 3 critiques majeures :
• L’hypocrisie : le « pass vaccinal » est une obligation vaccinale déguisée, reconnue telle qu’elle par le ministre Olivier Véran.
• L’inefficacité : la proportion des non-vaccinés, déjà exclue de la plupart des lieux de vie sociale depuis l’entrée en vigueur du « pass sanitaire », qui va entamer un parcours vaccinal, en prévision de l’entrée en vigueur du « pass vaccinal », sera faible, comme le montre la stabilité de la courbe des rendez-vous de primo-vaccinations depuis que le Gouvernement a dévoilé son projet de loi.
De plus, celui-ci ne comprend aucune mesure pour « aller vers » les personnes non-vaccinées, qu’il faut encore convaincre. Contraindre, plutôt que convaincre, tel est donc le choix du Gouvernement.
• La non-exhaustivité : ce projet de loi, et plus largement les mesures de freinage annoncées par le Gouvernement le 27 décembre 2021, ne sont pas de nature à freiner la très forte croissance des cas positifs (pas de couvre-feu en Métropole, pas de renforcement des mesures barrières, etc.).
A noter que le Conseil d’Etat a pointé l’incongruité de la rédaction du texte du Gouvernement, qui ne lui permet pas de moduler le dispositif selon l’évolution de la situation sanitaire. Le Gouvernement sera donc contraint soit au maintien du « pass vaccinal », soit à la levée de tout dispositif de cette nature selon les circonstances sanitaires.
Ironiquement, alors que les personnes vaccinées peuvent être porteuses du virus, d’autant plus avec le variant Omicron, la suppression des tests négatifs du champ du « pass » tend à affaiblir celui-ci comme outil de prévention de la circulation du virus.
Le texte interroge aussi quant à la protection des données personnelles de santé et la responsabilité en matière de contrôle d’identité par des acteurs dont ce n’est pas la mission. L’Etat déporte très clairement sa responsabilité sur des professionnels du secteur privé (restaurateurs, responsables associatifs, etc.).
Est-il par ailleurs souhaitable que, dans chaque commerce, dans chaque restaurant, dans chaque café, dans chaque lieu public, on puisse contrôler notre identité sous couvert de s’assurer de notre état vaccinal ?
C’est là une extension inquiétante d’un pouvoir essentiellement dévolu aux forces de Police et une responsabilité que les entreprises n’ont pas à porter. C’est pourquoi, je soutiendrai un recours devant le Conseil constitutionnel sur ces points.
Je tiens toutefois à saluer l’adoption d’un amendement, porté par les députés de mon groupe, visant à exclure du « pass vaccinal » les activités extra-scolaires culturelles et sportives pour les mineurs de 12 à 15 ans.
Cela aurait mis des jeunes dans une impasse, puisque, dans le cas où les parents refusaient la vaccination pour eux, ils n’auraient pas pu disposer du « pass vaccinal ».
Le dispositif actuel (« pass sanitaire » avec test, rétablissement ou vaccination) continuera donc à être appliqué pour eux. Je m’en réjouis.
Je veux aussi à rendre hommage à tous les personnels qui travaillent dans les structures de soin et dans les services publics, qui continuent de faire face à la crise héroïquement, et j’invite surtout le Gouvernement à donner les moyens nécessaires à l’Hôpital public et à la médecine de ville, et à ne plus gérer ces services essentiels sous le prisme de l’équilibre budgétaire.
Depuis le début de la pandémie, la pénurie de lits de réanimation, la pénurie de matériel de protection (masques, tests, gel, blouses, etc.) dictent la politique sanitaire. Je le dénonce régulièrement, et suis exaspéré par cette incapacité à prévoir. Donner des moyens aux services publics de santé, c’est se donner le moyen de ne pas subir les évènements.
Pour rappel, selon une récente étude de la DREES, la France a perdu 5700 lits d’hospitalisation complète en 2020 et plus de 170 000 lits ont été supprimés depuis 2017…
Face au variant Omicron, je demande également depuis plusieurs semaines, sans succès, le retour de la gratuité des tests, le déploiement de capteurs de CO2 et de purificateurs d’air dans toutes les classes, la fourniture de masques FFP2 – bien plus protecteurs – notamment aux enseignants, ou encore la levée des brevets pour renforcer la vaccination dans le monde entier et limiter ainsi l’apparition de nouveaux variants.
La levée des brevets sur les vaccins est un enjeu majeur qui devrait être l’une des priorités de la présidence française de l’Union Européenne. Je constate avec regret que toutes les propositions de l’opposition, pour constructives et raisonnables qu’elles soient, sont systématiquement rejetées.
L’examen de ce texte aura surtout été entaché par les déclarations du Président de la République, dans des propos rapportés par Le Parisien. Le Président de la République est le garant du bon fonctionnement de nos institutions, de l’unité et de la cohésion de la Nation : son rôle n’est pas de diviser les Français, ni de les monter les uns contre les autres en jetant de l’huile sur le feu par des déclarations aussi insultantes et méprisantes à l’encontre d’une partie, même minoritaire, de nos concitoyens.
Plus grave encore, le Président, en considérant que les non-vaccinés, parce qu’« irresponsables », ne seraient plus des citoyens, ou deviendraient des citoyens « de seconde zone », ne se contente pas de les priver de toute vie sociale, il les empêche aussi « d’exister » dans notre vie démocratique.
Dès lors, tout un chacun aura pu s’interroger sur le bien-fondé même d’un texte dont Emmanuel Macron nous a dit que l’objectif n’était pas de protéger notre santé publique ou de convaincre, mais « d’emmerder » les gens et de transformer une partie de la population en citoyens « de seconde zone », en ceux « qui ne sont rien ».
Ces déclarations, intempestives, stigmatisantes et vulgaires, fracturent encore davantage notre pays et ne sont ni à la hauteur des enjeux liés à la crise sanitaire, ni à la hauteur de la fonction présidentielle.
C’est pourquoi, en conscience, et comme je l’avais fait lors du vote sur le « pass sanitaire », j’ai voté contre la loi sur le renforcement des outils de gestion de la crise sanitaire.
Ce texte fracture au lieu de rassembler, il divise au moment où nous avons besoin justement d’être soudés. Il ne repose sur aucune preuve d’efficacité sanitaire, alors que c’est d’efficacité sanitaire dont nous avons besoin
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