Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Suisse… l’ouest de l’Europe a été frappé de plein fouet par des inondations dévastatrices. Vendredi soir, au moins 130 personnes étaient décédées dans les intempéries, tandis que des dizaines d’autres restaient portées disparues. En Belgique, les inondations «sans précédent» ont fait au moins 20 morts.
Le bilan pourrait encore grimper.
Il s’agit de la pire catastrophe naturelle en Allemagne, depuis la seconde guerre mondiale. En Rhénanie-Palatinat, de nombreux villages présentent une image de désolation.
Ce sont surtout de petits cours d’eau, peu protégés, qui sont sortis brutalement de leur lit sous l’effet de pluies en forme de déluge, envahissant des dizaines de zones habitées construites souvent sur des zones inondables.
Notre solidarité aux victimes et notre soutien aux sauveteurs dans les prochains jours sont indispensables tant le traumatisme est fort dans la région, mais ne suffisent plus. Les pluies diluviennes qui se sont abattues cette semaine auraient très bien pu dévaster nos régions de l’Est à quelques dizaines de kilomètres …
“Nous sommes le canari dans la mine de charbon”, alerte Gordon Murray, habitant de Lytton, au Canada, sur la chaîne CBC*.
Au fond des mines, quand le canari mourait, les hommes disposaient de quelques minutes pour sauver leur peau. Ces petits oiseaux trimballés en cage donnaient l’alerte, au prix de leur vie, sur l’imminence d’un coup de grisou, une explosion soudaine causée par l’accumulation d’imperceptibles – inodores et invisibles – gaz toxiques.
Le village de Lytton a disparu à 90%, ravagé par les flammes après que le thermomètre a atteint 49,6 °C, un record dans cette zone du globe. Désormais, Gordon Murray signale un autre drame imminent : “Le réchauffement climatique est en marche, et il avance vite.”
Nous ne pouvons plus procrastiner, il est temps d’agir pour le climat !
La faute au réchauffement ?
Pour Hannah Cloke, professeur d’hydrologie à l’Université britannique de Reading, « La cause de ces fortes pluies semble être un convoyeur d’air chaud et humide en provenance du nord, qui a déversé d’énormes quantités d’eau sur un sol déjà humide, explique-t-elle.
Or « ces torrents de pluie estivaux soudains et à haute énergie sont exactement ce que nous anticipons d’un climat qui se réchauffe rapidement ».
Les pluies diluviennes ont fait gonfler les rivières, arraché des arbres, inondé routes et maisons. Pour expliquer ce phénomène, il faut étudier l’atmosphère.
En effet, elle est plus chaude et retient donc davantage d’eau, pouvant provoquer des précipitations d’une extrême intensité. Celles-ci peuvent donc avoir des conséquences particulièrement dévastatrices dans les zones urbaines, avec des cours d’eau mal drainés et des constructions en zone inondable.
La météo semble alors se faire l’écho du climat. « Le problème, c’est que nous n’acceptons la réalité du changement climatique que lorsqu’elle est là et non pas lorsque la communauté scientifique l’anticipe » rappelait à ce sujet pour France Info le climatologue Jean Jouzel.
Cela fait plus de trente ans que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) alerte sur le lien entre hausse des températures et violentes précipitations, rappelle son ancien vice-président Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie à l’Université catholique de Louvain.
Pour lui, il n’est plus envisageable de penser que des événements comme ceux qui touchent l’Allemagne et le Benelux ne soient pas influencés par le changement climatique.
Retrouvez ci-dessous son interview dans Libération :
A quoi peut-on attribuer la violence de ces inondations ?
D’abord et avant tout à des pluies excessives par rapport aux capacités d’évacuation de l’eau ou de pénétration de l’eau dans les sols. Après, il y a deux facteurs qui peuvent expliquer des précipitations si importantes. Le premier, qui bénéficie d’un large consensus scientifique, est clairement lié au réchauffement climatique.
Lorsque l’air est plus chaud, il peut contenir plus de vapeur d’eau. Or on sait que le climat se réchauffe en moyenne depuis au moins une centaine d’années et encore plus clairement depuis le milieu du XXe siècle. Cela veut dire que quand les conditions sont réunies pour qu’il pleuve, les quantités de pluie peuvent être plus importantes dans un temps donné.
Dans son premier rapport publié en 1990, le Giec attirait déjà l’attention sur cet aspect. Les experts écrivaient : «L’effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique, c’est-à-dire qu’il y aura plus d’épisodes de pluies extrêmement abondantes et plus de sécheresses prononcées. Les inondations peuvent donc représenter une menace encore plus grande lorsque la planète se réchauffe.»
Maintenant, depuis quelques années à peine, de nouvelles recherches, qui ne font pas encore l’objet d’un consensus scientifique, pointent du doigt un nouveau facteur : l’influence du réchauffement sur le courant-jet. La force de ce courant est liée au contraste thermique entre les régions équatoriales et les régions arctiques.
On sait que ces dernières se réchauffent plus vite que les régions équatoriales, notamment parce que la banquise fond assez rapidement.
Donc le contraste thermique entre l’équateur et les pôles diminue. Cette diminution fait que le courant-jet perd de sa vigueur, il devient plus sinueux.
Cette sinuosité pourrait expliquer en partie la durée exceptionnelle des dômes de chaleur en Amérique du Nord et des précipitations en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, et sur la partie nord de la France. Ainsi, au lieu d’avoir une forte pluie pendant vingt-quatre heures, cela dure trois jours.
Ces pluies diluviennes sont donc liées directement au réchauffement climatique ?
Même s’il faut garder une certaine nuance dans le diagnostic, je pense qu’on peut répondre que oui. On ne peut plus imaginer un événement météorologique qui ne soit pas influencé par le réchauffement du climat.
Ce dernier joue un rôle évident dans l’intensification des pluies de manière générale. Et si le deuxième mécanisme, impliquant le courant-jet, se confirme, la responsabilité du réchauffement sera encore plus grande que celle que le Giec anticipait il y a trente ans.
Pourquoi les zones touchées sont-elles les zones urbaines ?
Evidemment, si les surfaces touchées ne sont pas naturelles et qu’elles ont été imperméabilisées (routes, parkings…) ou que l’on a des systèmes d’égouttage qui ont été prévus pour les débits que l’on connaissait il y a cent ans et pas les débits d’aujourd’hui lors des pluies extrêmes, on a des débordements.
De même, quand on a des rivières qui sont canalisées plutôt que laissées à leur état naturel au voisinage de leur lit, cela favorise malheureusement les inondations. C’est plus souvent le cas dans les régions urbanisées que dans les régions rurales.
Quelles mesures faudraient-ils prendre pour que ce type de situation ne se reproduise ?
On peut prendre d’une part ce qu’on appelle les mesures d’adaptation qui visent à rendre nos infrastructures, nos sociétés et notre économie plus résiliente par rapport aux chocs, notamment climatiques.
Cela veut par exemple dire avoir des normes de construction qui limitent au maximum l’imperméabilisation des sols, qui favorisent le stockage des eaux de pluie dans des réservoirs ou qui favorisent les zones naturelles qui peuvent servir de tampon quand il y a des pluies très intenses. Idem pour la prévention des canicules.
Il est évidemment également essentiel de décarboner l’économie mondiale le plus vite possible, pour éviter que les changements climatiques ne deviennent tels que l’adaptation devienne impossible.
Aujourd’hui, nier les changements du climat menace l’habitabilité même de la seule planète habitable du système solaire et de plus en plus de personne s’en rendent compte. Même s’il est triste qu’il faille arriver à de tels évènements pour accélérer cette prise de conscience collective.
A lire également : https://www.francetvinfo.fr/…/inondations-en-europe…
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Bonne analyse que l’on peut difficilement contester. Mais alors il faut proposer des solutions et ce n’est pas en artificialisant encore beaucoup plus de sols (par exemple lorsqu’on propose de multiplier le nombre d’éoliennes gigantesques nécessitant le bétonnage de surfaces importantes et, du fait de leur intermitence de fonctionnement, l’implantation de nouvelles centrales thermiques au gaz, que l’on va régler le problème, bien au contraire. Il faut avoir le courage de dire que notre indépendance énergétique et industrielle passe par le développement des outils de production électrique d’origine nucléaire, d’arrêter immédiatement le démantellement des centrales en état de fonctionner et de relancer sans attendre le projet “astrid”. Certes c’est tout à fait humain et respectable de chercher à grappiller quelques voix chez les pseudo-écologistes pour être élu, mais être élu pour quoi faire?