Avec mes collègues élus Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse et Gérard Leseul, député PS de la Seine-Maritime, nous avons écrit une tribune parue vendredi 9 avril dans le journal Libération.
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Alors que des sportifs s’engagent pour appeler à une amélioration des conditions de travail des ouvriers au Qatar, il serait temps d’intégrer le respect des droits humains, sociaux et environnementaux aux critères d’attribution des grands événements sportifs internationaux.
Dès septembre 2019, nous dénoncions les forts soupçons de corruption qui pèsent sur les conditions d’attribution par la Fifa du Mondial de football au Qatar en 2022.
L’enquête du Parquet national financier ouverte en 2016 pour «corruption privée, association de malfaiteurs, trafic d’influence et recel de trafic d’influence» confiée à un juge d’instruction en 2019 est toujours en cours.
Nous alertions également sur l’esclavage moderne des ouvriers qui travaillent à la construction des huit stades surdimensionnés qui accueilleront les matchs et le gaspillage écologique que représentent – entre autres – la climatisation de ces enceintes sportives comme nous tout le monde a pu le constater lors des mondiaux d’athlétisme à Doha il y a deux ans.
Enfin, le calendrier du football mondial bouleversé avec l’organisation en novembre et décembre pour éviter des conditions climatiques impossibles implique des conséquences néfastes sur la santé et l’intégrité physique des sportifs.
Le quotidien The Guardian a relancé le débat le 23 février dernier en indiquant que «plus de 6 500 travailleurs migrants originaires d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka sont morts au Qatar depuis dix ans». Un chiffre sans doute sous-estimé car il ne prend pas en compte les statistiques des pays comme les Philippines ou le Kenya.
«Droits humains, sur et en dehors du terrain»
Depuis des sportifs s’engagent pour réclamer à leur tour un boycott. Le club norvégien de Tromso a embrayé le premier par le biais d’un communiqué : «Nous devrions réfléchir à ce qu’est l’idée du football et pourquoi tant de gens aiment notre sport.
Le fait que la corruption, l’esclavage moderne et un nombre élevé de décès constituent le fondement de la chose la plus importante que nous ayons, la coupe du monde, n’est pas du tout acceptable. Nous ne pouvons plus rester assis et regarder des gens mourir au nom du football.»
Cinq autres clubs norvégiens ont suivi le mouvement, dont Rosenborg, le plus titré du pays, entraînant la fédération à annoncer un vote pour trancher la question en juin. Avant son match qualification pour le Mondial face à la Turquie, les joueurs de l’équipe de Norvège ont arboré un T-shirt avec le message : «Droits humains, sur et en dehors du terrain.»
Les Allemands, les Néerlandais, les Danois et les Belges leur ont emboîté le pas et ont tous pris part au débat public pour appeler à une amélioration des conditions de travail des ouvriers au Qatar.
Le sujet est encore évoqué timidement par les joueurs Français. Le capitaine des Bleus, Hugo Lloris, a cependant considéré comme «une bonne chose»l’initiative des Norvégiens. «Aucun joueur n’est insensible à ce qui a été dit ou écrit par rapport à tout ça.» Un ancien Bleu, Thierry Henry a salué l’engagement politique des footballeurs de ces sélections nationales.
Même la Fédération internationale de football (Fifa), organisatrice d’une compétition dans un pays où l’homosexualité est toujours passible de la peine de mort, après avoir osé déclarer que la «fréquence des accidents sur les chantiers de la Coupe du monde de la Fifa a été faible par rapport à d’autres grands projets de construction dans le monde», a annoncé ces derniers jours autoriser les joueurs à s’exprimer en marge des matchs, en vertu de la «liberté d’expression».
Karla Borger et Julia Sude, deux figures allemandes du beach-volley, ont annoncé en février qu’elles allaient boycotter un tournoi organisé à Doha, en raison d’un règlement qui les empêche de porter le bikini, tenue habituelle de ce sport.
Des acteurs économiques s’engagent également, encore timidement : début mars, l’entreprise néerlandaise Hendriks Graszoden a ainsi refusé d’équiper les stades du Qatar, pour des raisons éthiques.
«Image internationale»
A vingt mois du coup d’envoi, un boycottage est certes peu probable, mais la mobilisation pour les droits humains de sportifs et aussi de responsables politiques met d’ores et déjà une pression inédite sur le Qatar très sensible à son «image internationale».
Suite aux campagnes des organisations non gouvernementales et syndicales qui alertent depuis des années sur la nécessité d’améliorer le sort des travailleurs des dizaines de milliers de travailleurs qui travaillent douze heures par jour, sans protection effective, par une chaleur caniculaire au Qatar, une évolution du droit du travail a eu lieu.
En 2016 puis en août 2020, des réformes ont permis d’alléger la kafala, ce système qui interdit aux travailleurs migrants de changer d’emploi sans l’autorisation de leurs employeurs. Une nouvelle loi instaure également un salaire minimum de 230 € mensuels.
Ces timides concessions de l’Emirat sont insuffisantes.
A coup de pétrodollars
Alors que le Qatar a confirmé son intérêt à se porter candidat pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2032, la question dépasse la seule organisation de la Coupe du monde de football. On ne peut plus tolérer l’attribution de grandes compétitions internationales à ces pays toujours à la traîne sur le respect des droits humains.
La captation par un petit nombre de pays richissimes qui se paient les grands événements internationaux à coups de pétrodollars conduit à évincer d’autres pays avec moins de moyens financiers qui ne peuvent plus s’aligner.
La diplomatie du carnet de chèque – le soft power – des Etats les moins-disants sur le plan démocratique ne peut tenir lieu de boussole dans l’attribution de ces grandes compétitions.
C’est pourquoi, nous demandons que les cahiers des charges pour l’attribution des grands événements sportifs internationaux intègrent systématiquement des critères de respect des droits humains, sociaux, environnementaux, des critères éthiques et de transparence mais aussi de soutenabilité, à l’instar de l’ambition affichée par le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, pour aller vers plus de sobriété financière et écologique car ces grands événements ne doivent plus générer l’émission de plusieurs millions de tonnes de CO2.
par Régis Juanico, député Génération.s de la Loire, Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse et Gérard Leseul, député PS de la Seine-Maritime
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Et après ?
rien n’empêche les citoyens spectateurs habituels de jour comme de nuit lors de ces grands évènements de boycotter les diffuseurs télévisuels ou de l’internet et de se désabonner des chaînes payantes qui ne dédaignent pas la manne générée !
Mais ceci est une autre histoire non ?
Une coupe du monde dans un pays non démocratique est une aberration du capitalisme !
Le fric n’a pas d’odeur ?