Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, à l’Assemblée nationale, nous avons publié une tribune parue samedi 5 décembre dans le Huffington Post, sur la rentrée des étudiants, derniers à être déconfinés. Une décision incompréhensible.
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Le texte de la Tribune :
C’est seulement le 3 février que les cours à l’université reprendront en présence des étudiants. Cette spécificité de l’enseignement supérieur, dernier à être déconfiné, est incompréhensible
Contrairement à ce qu’a affirmé le Président de la République le 24 novembre: la levée progressive des restrictions ne se déroulera pas en trois étapes mais en quatre puisque c’est seulement le 3 février que les cours à l’université pourront reprendre en présence des étudiants.
Avec les congés d’hiver, cela renvoie de facto à un retour des étudiants aux alentours de la mi-février. Soit trois mois et demi après l’interruption des cours en présence, deux mois et demi après la réouverture des commerces “non-essentiels”, deux mois après celle des cinémas et lieux culturels et deux à trois semaines après les restaurants et les lycées.
Cette spécificité de l’enseignement supérieur à ce moment précis est grave et incompréhensible, et les motivations de cette décision floues, quand elles ne sont pas tout simplement inexistantes.
D’abord, tuons l’idée selon laquelle le fonctionnement dégradé imposé par le “tout à distance” garantit la continuité des apprentissages dans des conditions similaires, ou même seulement proches, de la normale. L’étudiant, de chez lui, pas toujours bien installé ou équipé, n’a pas la même capacité de concentration. L’interaction avec le professeur est, de l’avis de tous, plus difficile. La capacité à travailler en groupe avec ses pairs est quasi réduite à néant. L’accès aux ressources pédagogiques est plus complexe quand il n’est pas, du fait de la distance, impossible.
Certes, le deuxième confinement est un peu moins pénalisant que le premier, dans la mesure où les enseignants ont pu mieux se préparer, et où certains travaux pratiques sont réalisés en présentiel. Mais l’impossibilité d’organiser nombre d’examens en présence va se traduire mécaniquement par une dégradation du niveau d’exigence de ces derniers. Le confinement du printemps 2020 l’a démontré: il n’est pas possible de contrôler à distance qui compose, et dans quelles conditions. À court terme cette situation crée des inégalités de traitement entre candidats; à long terme elle pénalisera nombre d’étudiants qui, deux années universitaires durant, auront gravi les échelons sans en avoir toujours les prérequis.
Par ailleurs, l’université est également un lieu de vie et d’épanouissement du jeune adulte. L’accès au savoir et la proximité des autres étudiants, des enseignants, des chercheurs participent à la construction du projet professionnel de l’étudiant, à l’affirmation de ses goûts, de ses convictions et de son identité, à sa formation de citoyen. Combien sommes-nous à pouvoir témoigner avoir construit dans nos premières années d’études supérieures, à un âge d’émancipation et de découvertes, ces liens indéfectibles qui marquent une existence? Si l’épidémie a infligé à tous des restrictions difficiles de nos vies sociales, il faut prendre conscience qu’à cet âge elles sont certainement plus dures que pour d’autres. De nombreuses alertes apparaissent au sujet d’une dégradation préoccupante de la santé mentale des étudiants.
Ensuite, si les établissements d’enseignement supérieur ont été touchés, avec la société toute entière, par la seconde vague épidémique, rien ne laisse à penser qu’elles en ont été un vecteur particulier méritant un traitement particulier. Bien avant de se le voir imposé, les universités avaient souvent rendu le masque obligatoire pour les étudiants et personnels, limité considérablement les activités de socialisation dans leurs murs, et réduit les jauges maximales d’occupation de la plupart des amphithéâtres et salles de cours. Selon les observations empiriques au sein des universités elles-mêmes la quasi-totalité des contaminations d’étudiants ont eu lieu hors des établissements: en famille, entre amis, au sport ou en soirées, dans les colocations ou les internats.
À aucun moment les différentes mesures touchant spécifiquement le milieu universitaire n’ont fait l’objet de motivations étayées basées sur la démonstration d’une dangerosité des activités universitaires pour les étudiants. Dès lors, la différence de traitement avec le secondaire, ou avec des formations d’enseignement supérieur organisées en lycées, comme les classes prépa et les BTS, tous autorisés à maintenir tout ou partie de leurs enseignements en présentiel, a choqué de très nombreux enseignants. Elle est et reste incompréhensible.
L’absence d’explication précise se cumule à une gestion particulièrement erratique de cette crise par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI). Après avoir dans un premier temps fait confiance aux établissements dans la mise en place de leurs propres protocoles (du déconfinement à fin septembre), le gouvernement a décidé de revenir à une gestion centralisée et au coup par coup à mesure que la deuxième vague montait, imposant des changements de doctrine sans concertation, ni délai de préavis ou de mise en œuvre. Cette méthode n’a par ailleurs pas été accompagnée de mesures d’accompagnement spécifiques, ni sur le volet financier, ni en matière de ressources humaines.
Soyons clairs: notre critique ne porte pas sur les restrictions d’activité imposées par le contexte, mais sur le traitement particulier réservé aux universités. Nous sommes en colère que notre jeunesse –ici la jeunesse étudiante, mais le débat pourrait être élargi– soit ainsi négligée.
Il n’est pas trop tard pour corriger le tir. Nous proposons de faire confiance aux acteurs de terrain, établissements et enseignants en se fondant sur les principes suivants :
– priorité absolue au retour des étudiants dans les salles de classe et d’examens, autorisé dès le 4 janvier, selon un cadre sanitaire général défini nationalement après concertation avec les acteurs;
– confiance dans la capacité des universités à organiser elles-mêmes, dans le détail, les protocoles adaptés, notamment en matière de définition des jauges adéquates, amphi par amphi, salle par salle, en fonction de leurs caractéristiques et de l’évolution de la situation sanitaire;
– Mise en place d’un dispositif d’alerte pour les étudiants et personnels qui constateraient des dysfonctionnements susceptibles de les mettre en danger dans leur établissement;
– organisation rigoureuse des services de santé pour mettre en œuvre avec une réactivité extrême et au plus près des étudiants la doctrine “tester, tracer, protéger”;
– vigilance renforcée sur tous les lieux de contamination potentiels extra-universitaires (bars, internats, restaurants universitaires);
– renforcement des dispositifs de soutien sociaux et psychologiques jusqu’à la fin de l’année universitaire, en partenariat avec les CROUS;
– intégration d’un “plan étudiants” dans le dispositif national de vaccination.
Les signataires de la tribune sont:
Christine PIRES BEAUNE (63), Joël AVIRAGNET (31), Marie-Noëlle BATTISTEL (38), Jean-Louis BRICOUT (02), Gisèle BIEMOURET (32), Alain DAVID (33), Laurence DUMONT (14), Guillaume GAROT (53), Christian HUTIN (59), Chantal JOURDAN (61), Régis JUANICO (42), Marietta KARAMANLI (72), Gérard LESEUL (76), Philippe NAILLET (974), Claudia ROUAUX (35), Isabelle SANTIAGO (94), Hervé SAULIGNAC (07), Sylvie TOLMONT (72), Boris VALLAUD (40), Michèle VICTORY (07) députés socialistes et apparentés.
Tribune du Député de la Loire Régis JUANICO, sur le retour des étudiants en cours présentiel, parue dans le Huff Post ce jour, dont il est un des députés signataires. Lire la suite
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