Loi de Programmation de la Recherche 2021-2030 : je voterai contre des reculs inacceptables pour nos universités
Comme je l’ai indiqué à l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire lundi 9 novembre au Sénat, je voterai contre le projet de loi de Programmation pour la Recherche qui sera examinée en dernière lecture à l’Assemblée Nationale mardi 17 novembre en fin d’après-midi.
La loi est inacceptable pour une immense majorité de la communauté universitaire français.
La LPR dans son ensemble va aggraver la précarisation des personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Les nombreux nouveaux contrats destinés aux doctorants, post docs et jeunes chercheurs se superposent à ceux existants et constituent encore des contrats précaires ou des possibilités de déroger aux modalités d’accès à la fonction publique iront grossir le nombre de contractuels de la recherche.
Malgré le rapport de la Commission du Sénat indiquant clairement qu’une programmation budgétaire sur 10 ans d’ici 2030 n’était ni crédible, ni efficace, celle-ci a été maintenue. Avec la disparition programmée des budgets récurrents des laboratoires, le projet de loi institutionnalise la fin de la recherche de long terme et sa diversité.
L’amendement soutenu par la Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal supprimant la qualification par le Conseil National des Universités (CNU) pour les candidats aux fonctions de Professeur déjà Maîtres de conférences (MCF) et ouvrant aux établissements la possibilité de déroger à la qualification par le CNU pour les candidats aux fonctions de MCF ou Professeurs est lui aussi inacceptable.
Il ouvre la voie à toutes les dérives « localistes » dans le recrutement des enseignants-chercheurs. À travers la qualification, c’est également l’existence d’un statut national d’enseignant-chercheur, indispensable à la garantie d’un service public d’enseignement supérieur d’égale qualité sur l’ensemble du territoire, qui est défendue. C’est par ailleurs la garantie de la pleine sérénité et indépendance de la recherche qui est en jeu.
L’introduction dans le projet de loi d’un délit d’entrave spécifique aux universités constitue un recul considérable. Sera pénalisé désormais : « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité […] ou y avoir été autorisé […], dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement».
Il s’agit tout simplement d’un dispositif “anti-blocage” des facultés, sans lien aucun avec la programmation de la recherche, qui vise à museler à moyen terme toute contestation et mobilisation au sein de l’Université.
L’introduction de ce délit pénalisant les individus venus “troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement” est en parfaite opposition avec toutes les valeurs et traditions de l’Université, et notamment l’indispensable émancipation intellectuelle qui doit caractériser l’Enseignement Supérieur. Elle est inacceptable.
Le projet de loi de programmation de la Recherche ne permettra pas de répondre aux défis de la recherche française. Le monde de la recherche mérite pourtant des moyens, de la stabilité et de la clarté autour d’un objectif simple : un effort de la Nation en faveur de la recherche publique à hauteur de 1% du PIB, objectif que l’Allemagne vient d’atteindre en 2019.
La réunion de la Commission Mixte Paritaire sur le projet de loi de programmation de la recherche a été conclusive le 9 novembre au Sénat : nous avons voté contre le nouveau texte avec les sénatrices socialistes Marie-Pierre Monier et Sylvie Robert et les députés LR…
Les parlementaires LREM et les sénateurs de droite et du centre ont voté pour.
Sans surprise : on revient à une LPPR sur 10 ans comme prévu à l’origine au lieu de 7 ans comme l’avait voté le Sénat en première lecture… 26 milliards d’euros qui se transforment en fait en 7 milliards si on tient compte de l’inflation…
Nous avions débattu de ce texte en Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation, où j’ai eu l’occasion de déposer des amendements (pour augmenter les financements des laboratoires, pour supprimer les chaires d’excellence, pour préserver le recrutement national des enseignants chercheurs), puis en séance publique à l’Assemblée Nationale (où je suis intervenu sur une explication de vote pour la demande de rejet préalable du projet de loi de programmation de la recherche). Malgré tout, la LPPR a passé le cap de l’Assemblée Nationale et a été adoptée dans la nuit du 23 septembre, par 48 voix pour et 20 contre.
La Commission Mixte Paritaire a fait plus fort encore en ne se contentant pas de reprendre le désastreux amendement n°147, qui introduisait dans le code pénal une disposition nouvelle, propre aux établissements d’enseignement supérieur, sanctionnant d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 7 500€ d’amende, l’entrave aux débats tenus dans les locaux universitaires. Elle a fait bien pire : elle pénalise désormais : « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité […] ou y avoir été autorisé […], dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement».
Le nouveau texte de la CMP prévoit même, par un simple jeu de renvoi entre dispositions du code pénal, que lorsque ce délit « est commis en réunion, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende ».
Une nouvelle rédaction de l’article 3 bis a été adoptée malgré la forte opposition que j’ai pu exprimer permettant une expérimentation aux établissements d’enseignement supérieur de déroger à la qualification nationale de la Conférence Nationale des Universités pour le recrutement des maîtres de conférence. Face à la levée de boucliers provoquée par cette mesure au sein de la communauté universitaire, la CMP a concédé un encadrement en prévoyant une concertation préalable avec les principaux acteurs concernés.
Les nombreux nouveaux contrats destinés aux doctorants, post docs et jeunes chercheurs se superposent à ceux existants et constituent encore des contrats précaires ou des possibilités de déroger aux modalités d’accès à la fonction publique iront grossir le nombre de contractuels de la recherche.
Le recours massif aux ordonnances – même réduit par le Sénat de moitié – n’est pas acceptable : le Parlement ne saurait se dessaisir de débats sur des sujets d’importance majeure comme la création d’une nouvelle exception au droit des artistes visuels (article 16) ou l’utilisation confinée des OGM.
Malgré la déception immense, nous noterons les quelques apports du Sénat :
• engagement de servir d’une durée de 6 ans pour les titulaires de chaires junior après leurs titularisation (article 3) ;
• suivi de carrière des chercheurs titulaires de contrats post-doctoraux prévu par l’article 5 ;
• élaboration du « volet territorial » des contrats de site au regard des objectifs et des moyens envisagés, à partir d’une étude d’impact annexée sur les effets locaux et régionaux de développement durable et culturel du site (article 10) ;
• suppression de l’article 20 bis qui permettrait aux Présidents des universités de déroger aux règles d’organisation des examens et de délivrance des diplômes pour raison de « situation d’urgence» non définie par la loi ;
• ajout dans le rapport annexé de l’objectif de soutien aux interactions sciences-société prévues par la sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche durant la période de la programmation ;
• au regard de l’incompréhension suscitée par la disposition relative aux libertés académiques, la CMP a adopté la rédaction suivante : « Les libertés académiques sont le gage de l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche français. Elles s’exercent conformément au principe à caractère constitutionnel d’indépendance des enseignants-chercheurs ».
Bien qu’il y ait quelques apports positifs du Sénat, le projet de loi ne permettra pas de répondre aux défis de la recherche française. Le monde de la recherche mérite pourtant des moyens, de la stabilité et de la clarté.
C’est pourquoi, avec mes collègues députés Socialistes et apparentés, nous avons présenté un contre-projet afin de re-construire toute la loi de programmation autour d’un objectif simple : un effort de la Nation en faveur de la recherche publique à hauteur de 1% du PIB, objectif que l’Allemagne vient d’atteindre en 2019. Sur la base de cette nouvelle programmation budgétaire, nous formulons 25 propositions, que vous pouvez consulter ici :
https://lessocialistes.fr/un-vrai-projet-pour-la-recherche/
Le détail de mon intervention en CMP :
M. Régis Juanico, député. : – “Nous voterons ces amendements de suppression. C’est bien l’existence du statut national d’enseignant-chercheur qui est en jeu. Ce statut est la garantie d’un service public d’enseignement supérieur d’égale qualité sur l’ensemble du territoire. Le processus fonctionne de manière satisfaisante. Après la qualification nationale, les candidats sont classés par les comités de sélection spécifiques à chaque université pour chaque poste ouvert et dont la composition est fixée par les établissements. On combine régulation nationale et liberté des universités. C’est aussi un gain de temps et une source d’économies, car les dossiers de qualification, une fois examinés par le CNU, n’ont plus à être examinés à nouveau par chaque université”.
Vous pouvez retrouver ;
#1024-Réponse-alertes-LPPR by Régis Juanico
https://fr.scribd.com/document/486032548/CP-RJ-LPPR-Novembre2020
CP RJ LPPR Novembre2020 by Régis Juanico
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