Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous demandons l’ouverture d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur les violences policières.
Mediapart révélait la teneur des messages d’un groupe Whatsapp d’agents de police de Rouen à travers lequel ses membres tenaient régulièrement des conversations à caractère raciste, antisémite, sexiste ou homophobe.
Ces révélations, qui ne concernent qu’une infime minorité de policiers mais sont inacceptables, dévoilent la proximité des agents avec la mouvance néo-nazie.
La violence des propos tenus entre fonctionnaires de l’Etat, mêlée à un vocabulaire fasciste et complotiste, même lors d’échanges privés, n’a pas sa place dans le cadre d’une police républicaine.
Nul ne peut tolérer une telle incitation à la haine et à la violence, a fortiori de la part de la part de détenteur de l’autorité publique, chargés par ailleurs de protéger les victimes de discriminations sous toute ses formes. Il est inacceptable que ces policiers soient toujours en poste.
Ces révélations entrent en résonance avec la mobilisation massive contre le racisme de la police aux Etats-Unis suite à la mort de George Floyd des suites de violences policières.
Plus de 20 000 personnes se sont réunies le 2 juin dernier à Paris pour dénoncer les nombreuses violences policières restées sans conséquences ces dernières années.
Les timides condamnations et promesses du ministre de l’Intérieur et du Premier ministre à ce sujet se succèdent sans qu’aucune action concrète n’ait vu le jour, sans que la situation ne semble s’améliorer. Il est urgent de lancer une action puissante et déterminée pour que le racisme et les violences soient bannis de notre police républicaine, comme de toutes les institutions.
L’unité nationale ne se décrète pas, elle se construit par la confiance, et notamment celle envers les institutions républicaines.
Mise en place du récépissé lors des contrôles d’identité, sanctions systématiques des policiers en faute, formation obligatoire de tous les fonctionnaires de police et de gendarmerie en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie, intransigeance de tous les responsables politiques face aux comportements racistes dans nos institutions.
Pour l’ex-garde des Sceaux, il y a eu sous ce quinquennat une plus grande brutalité des forces de l’ordre
Ministre de la Justice de 2012 à 2016, Christiane Taubira estime qu’« on peut tacher l’institution tout entière en l’obligeant à couvrir des actes racistes commis de façon délibérée ».
Vingt mille personnes ont manifesté mardi à Paris pour demander « Justice pour Adama » Traoré, mort en 2016 lors de son interpellation par les gendarmes. Quelles différences et quelles similitudes repérez-vous entre les situations américaine et française ?
Quand Adama Traoré ou George Floyd meurent, c’est pareil : ce sont des hommes noirs qui meurent de leur rencontre avec des policiers. Le chagrin et les larmes sont les mêmes de chaque côté de l’Atlantique.
Les différences résident dans l’organisation de nos systèmes : république fédérale contre État central jacobin. La consanguinité qui existe dans certains corps de police aux États-Unis n’a pas lieu chez nous.
En France, il y a une institution judiciaire compétente sur l’ensemble du territoire et des enquêtes systématiques sur ces cas. Chez nous, des personnes meurent d’avoir rencontré des policiers, pas d’avoir rencontré la police.
Comment jugez-vous la façon dont la justice française traite ces affaires ?
Nous devons hélas reconnaître que ce sont systématiquement des procédures qui durent des années et qui aboutissent très souvent à des non-lieux. Or chaque dérapage individuel tache l’institution tout entière.
On ne peut permettre que les forces de l’ordre soient décrédibilisées à cause d’un postulat considérant qu’il n’y a pas de faute possible, pas d’acte raciste possible, pas de bavure possible. On peut tacher l’institution tout entière en l’obligeant à couvrir des actes racistes commis de façon délibérée.
Certains affirment, notamment chez les protestataires de mardi, qu’en France existerait un racisme d’État. Le pensez-vous ?
Je dis qu’il y a des policiers racistes, et que dans la police, comme dans d’autres institutions, il y a de la diversité, mais il y a aussi des mécanismes qui compliquent l’accès des jeunes des banlieues aux responsabilités, aux postes et aux institutions.
Le fait que la manifestation de mardi ait rassemblé 20 000 personnes vous inspire quel sentiment ?
C’est énorme. Et c’est ce qui me paraît important. Des gens meurent. Des gens tremblent. Des mères s’angoissent quand leurs gamins ne rentrent pas en fin d’après-midi. Je veux qu’on en sorte. Sinon, je considérerai que, moi aussi, je participe à la pression du genou sur la nuque du prochain qui va en mourir.
Je veux que cette jeunesse entende que, même lorsqu’on l’exclut, elle a des droits, elle peut se battre. La France n’est ni parfaite ni abominable, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est comment le jeune qui se sent en danger à cause de sa couleur de peau peut rentrer chez lui tranquillement. Et c’est urgent.
Y a-t-il eu, selon vous, plus de violences policières dans ce quinquennat ?
Il y a eu incontestablement des violences contre les Gilets jaunes. Et plus de violences pendant ce demi-quinquennat que pendant d’autres quinquennats. C’est un fait. La question, c’est de savoir pourquoi.
Je crois qu’il y a entre ce gouvernement et la société une inintelligibilité phénoménale. Un mur d’incompréhension. Une incapacité à accéder à ce qui fait la vie des gens.
Le gouvernement mène une politique antisociale, mais ce n’est même pas par cynisme : c’est la violence de ceux qui ont la certitude d’avoir raison. Une violence tranquille, une violence hautaine.
C’est : « Nous, on a compris, on va vous expliquer que vous pouvez vivre avec 5 euros de moins sur vos APL. » La société ne comprend pas la logique de ces gens-là. Leurs schémas sont trop distendus, trop lointains.
Comment analysez-vous le mouvement de protestation aux États-Unis après la mort de George Floyd ?
On a changé de dimension. Aux États-Unis, il y a une très lourde histoire de confrontation qui se résume, pour des hommes et des femmes, à la couleur de leur peau : la traite négrière, le marronnage, la ségrégation, le Ku Klux Klan.
Il y a très longtemps que les Noirs sont victimes de violences, et longtemps qu’il y a des protestations. Mais avec George Floyd, on change d’échelle dans la protestation, dans l’identité des gens qui se mobilisent, dans le contenu des propos.
Pour Rodney King, en 1992, les protestations étaient principalement localisées à Los Angeles. Là, c’est massif, général, international. On est passé à autre chose, une conscience humaine et planétaire de la barbarie de ce racisme-là.
La violence raciste est-elle selon vous institutionnelle dans la police américaine ?
C’est incontestable. Le fait qu’il existe des villes, dans les ex-États confédérés, par exemple, où les policiers sont ouvertement racistes ; l’organisation fédérale du pays ; la marge de manœuvre de l’État ; le statut d’élu des procureurs et des shérifs : tout ceci concourt à un racisme institutionnel.
Mais il y a aussi des policiers, des militaires, qui mettent le genou à terre. Le poison est là, mais le remède également.
Que faire face à la crise économique et sociale qui vient ?
Confinement, déconfinement : c’est un vocabulaire de la passivité, un vocabulaire qui désarme les citoyens. Il faut réhabiliter le vocabulaire d’initiative, d’action, offensif.
Commençons par ça. Ensuite, je vois un grand danger sur la question des libertés : la gauche n’a pas été exemplaire à ce sujet. Elle a parfois manqué de courage. Il faut qu’elle reconnaisse ses erreurs et cesse d’être inhibée.
Pour sortir du précédent état d’urgence, le gouvernement actuel l’a inscrit dans la loi ! C’était la pire façon de faire. Troisième point : l’économie. Les diktats actuels nous renvoient à la durée du travail, comme avant les 35 heures, alors que c’est la question du sens du travail qu’il faut poser. À quoi sert la productivité à outrance ?
Que dit-on de l’obscénité financière qui consiste à comprimer les salaires pour faire enfler les dividendes ? Il faut dire que nous n’en voulons plus. On ne peut pas se permettre d’entrer dans le monde d’après dans ces conditions-là. Sinon, nous aurons bien cherché ce qui va nous péter à la gueule.
Après être resté sourd à toutes nos alertes pendant deux ans sur les techniques d’intervention des forces de l’ordre, le ministre de l’intérieur a promis en début de semaine que les clés d’étranglement ne seront plus enseignées.
C’est insuffisant, elles doivent être interdites, comme les LBD (lanceurs de balle de défense), les grenades mutilantes et le plaquage ventral, à l’origine de trop nombreuses blessures irréversibles.
Lors des questions d’actualité, Olivier Faure, député de Seine-et-Marne, a rappelé que la légitimité de toute institution se fonde sur l’accord entre les valeurs, les buts et les comportements.
Lorsque des faits de racisme sont constatés, ils doivent être immédiatement et durement sanctionnés. La transparence sur les procédures administratives doit être totale pour que la vérité soit révélée.
Pour prendre la dimension réelle du sujet et déboucher sur des mesures de nature à réconcilier les Français avec leur police, nous demandons la création d’une commission d’enquête parlementaire.
Olivier Faure veut contribuer à “renouer le lien” entre les forces de l’ordre et la population alors que le débat sur les violences policières et le racisme dans la police est explosif. Lire la suite
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