J’ai signé, avec des médecins, députés et élus du réseau des Villes-Santé de l’OMS, une Tribune parue le 30 mai dans le Journal du Dimanche, sur les enseignements à tirer de la crise du Covid-19, pour le développement du sport santé en France.
Le texte de la Tribune :
Confinés durant une période de 55 jours pour éviter la propagation du Covid-19, nous avons été exposés à un risque de sédentarité, aggravé par le télétravail, les visio-conférences, la télévision, les jeux vidéo, les réseaux sociaux…
Pour lutter contre l’inactivité physique, il est fondamental que chacun s’adonne à une activité physique d’intensité faible à modérée, de manière régulière, sécurisée, adaptée et progressive, pour respecter les préconisations de l’OMS : 30 minutes d’activité par jour.
Le sport, loisir et plaisir, à la maison est devenu une réalité concrète
Faire bouger son corps entre quatre murs peut paraître compliqué, mais combien d’initiatives sportives en ligne ont vu le jour, sans avoir recours à du matériel spécifique ?
Séances de gymnastique, tutoriels, visioconférences, coachings à distance, plates-formes, exercices sportifs journaliers sur les réseaux sociaux entre amis ou en famille, partage de conseils techniques et de bonnes pratiques…
Le sport, loisir et plaisir, à la maison est devenu une réalité concrète, voire une obsession, y compris pour ceux qui ne pratiquaient aucun sport.
L’autorisation pendant cette période de confinement d’effectuer une activité physique individuelle dans la limite d’une heure par jour et dans un rayon d’un kilomètre autour du domicile a suscité de nouvelles vocations sportives et favorisé la pratique de la course à pied ou de la marche nordique.
Parallèlement, nous constatons que les affections cardiovasculaires, les cancers, l’obésité morbide, le diabète, la bronchite chronique post-tabagisme, l’alcoolisme et l’hypertension artérielle sont des facteurs de comorbidité aggravants du Covid-19. Ils peuvent impacter la prise en charge, l’évolution et les complications de la maladie.
Or, l’activité physique et sportive permet de booster les défenses immunitaires face au Covid-19 et de prévenir les risques d’apparition ou de complications pour les 10 millions de nos concitoyens porteurs d’une affection de longue durée et pour les 20 millions de personnes souffrant de maladies chroniques.
Un accroissement de la pratique sportive de 10% engendrerait une économie de 600 millions d’euros.
Nombreux seront les enseignements et les réflexions à tirer de cette crise sanitaire sans précédent. Mais, elle nous montre déjà que les Français auront d’autant plus un besoin de bouger, de pratiquer de l’activité physique et de se libérer du carcan que la crise leur a imposé.
Et si c’était aussi une occasion de construire une nation active et sportive qui bouge dans son environnement? De lutter contre la sédentarité qui atteint presque la moitié de la population française et environ un quart des enfants? D’inciter nos concitoyens à vivre en meilleure santé physique et mentale?
Nous sommes convaincus que l’activité physique et sportive est en capacité de contribuer à des enjeux de société majeurs. Il ne s’agit pas d’une dépense supplémentaire, mais d’un investissement sur l’avenir et sur les économies générées.
Rappelons que le coût de la sédentarité et des maladies chroniques est estimé en France à 17 milliards d’euros par an. Un accroissement de la pratique sportive de 10% engendrerait une économie de 600 millions d’euros.
Une activité physique et sportive (APS) régulière, progressive et encadrée permet d’éviter 30% des maladies cardio-vasculaires, 20 à 25% des cancers du sein ou du colon, 50% des diabètes de type 2 et 30% des AVC. Elle réduit aussi les risques de la maladie d’Alzheimer et retarde de 7 à 10 ans la survenue de la perte d’autonomie.
La pratique régulière d’une APS permet par ailleurs d’augmenter l’espérance de vie en bonne santé, une opportunité pour améliorer la pertinence de cet indicateur qui n’a pas évolué de manière significative en France depuis dix ans et qui reste inférieur à la moyenne européenne.
La volonté politique manque, les territoires ne sont pas identiquement couverts.
La loi santé du 26 Janvier 2016 et le décret du 30 décembre 2016 permettent au médecin traitant de prescrire une physique adaptée aux patients atteints d’une affection de longue durée. C’est une avancée importante, mais le frein majeur reste le financement.
Le sport sur ordonnance est quasi exclusivement financé par les collectivités locales (avec la Ville de Strasbourg comme précurseur), parfois avec une participation des Agences Régionales de Santé, de quelques Caisses Primaires d’Assurance Maladie et de certaines mutuelles. Les circuits sont compliqués, la volonté politique manque, les territoires ne sont pas identiquement couverts.
D’autres avancées récentes sont à saluer, comme les expérimentations permises par la loi de financement de la Sécurité Sociale de 2018, l’adoption d’un forfait de soins comprenant un bilan médico-sportif pour les patients atteints d’un cancer ou encore la labellisation de 500 Maisons Sport et Santé d’ici 2022.
Mais nous devons aller beaucoup plus loin ! La France aurait besoin d’un modèle économique pertinent, validé et partagé, piloté par les Agences Régionales de Santé et reposant sur la solidarité nationale, avec un financement forfaitaire par l’Assurance Maladie (prise en charge des séances d’activité physique et sportive adaptée) et des licences sportives dédiées, éventuellement remboursées par les complémentaires santé.
Le sport-santé doit mobiliser nos décideurs nationaux et fédérer les acteurs
La préparation des Jeux Olympiques de Paris en 2024 peut nous en offrir l’occasion, en embarquant dans cette dynamique les publics les plus éloignés de la pratique sportive, notamment les plus jeunes et les personnes âgées. Sur leurs tapis de gymnastique, aux côtés de leurs portables ou de leurs ordinateurs, les Français nous le démontrent tous les jours.
Transformons ensemble cette résilience en ambition, ce besoin en actes et ce bon sens populaire en stratégie politique! Créons ou rénovons nos équipements sportifs (piscines, salles de sport, gymnases…), soutenons les inscriptions dans nos clubs sportifs, aménageons nos parcs, imaginons les nouveaux concepts d”autoroutes’ à vélo et favorisons les accès aux baignades urbaines.
Consacrons un pourcentage du montant des travaux sur les bâtiments publics ou privés, à la création d’espaces d’activités physiques et sportives, comme l’a récemment proposé le Conseil d’Etat.
Véritable défi de société autant qu’enjeu de santé publique, le sport-santé doit mobiliser nos décideurs nationaux et fédérer les acteurs. Il doit devenir une grande cause nationale et une priorité du monde de demain, parce qu’il concilie le plaisir, le renforcement immunitaire, la prévention des affections médicales et la liberté que nous allons ensemble progressivement retrouver.
Les signataires :
Belkhir Belhaddad, Député de la Moselle et Conseiller municipal de la Ville de Metz ; Docteur Didier Ellart, Vice-Président de l’Association Nationale des élus chargé du sport (ANDES) et Adjoint au Maire de Marcq-en-Barœul Docteur ; Alexandre Feltz, coordonnateur des villes sport santé du Réseau Français des Villes-Santé de l’OMS et Adjoint au Maire de Strasbourg; Régis Juanico, député de la Loire, co-président du groupe de travail sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024
La liste de tous les signataires
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