Je suis intervenu, jeudi 14 mars, en séance publique sur l’examen du projet de loi PACTE, pour dénoncer la privatisation de la Française des Jeux, qui représente une aubaine pour le futur investisseur privé… au détriment des comptes publics.
Le détail de mon intervention. La Française des jeux est la quatrième loterie mondiale, la deuxième en Europe. Cette entreprise très bien gérée, en très bonne santé financière, est un placement sûr, comme le montrent ses résultats pour l’année 2017. Les mises augmentent régulièrement, d’environ 5 % en moyenne chaque année ; elles ont augmenté de plus de 50 % depuis 2010, pour atteindre 16 milliards d’euros en 2018. Le chiffre d’affaires de La Française des jeux progresse lui aussi de 3 à 4 % par an. Le résultat opérationnel est en progression de 6 % en 2017, à 258 millions d’euros, et le résultat net a augmenté de 3 %, à 150 millions d’euros. Les bénéfices sont en hausse de 40 % depuis 2015. Enfin, La Française des jeux compte 26 millions de clients, avec un maillage territorial exceptionnel de 30 000 points de vente physiques qui lui assurent une trésorerie supérieure de 950 millions d’euros à ses dettes. Ses investissements autofinancés à hauteur de 500 millions d’euros lui permettent de préparer l’avenir en se dotant de nouveaux outils de technologie et en modernisant ses points de vente.
Les prélèvements fiscaux et sociaux, qui rapportent chaque année à l’État 3,4 milliards d’euros – c’est considérable –, sont pour le moment préservés. Cela représente un peu plus de 50 % des quelque 6 milliards d’euros que l’État touche aujourd’hui sur l’ensemble des jeux d’argent et de hasard. En cas de privatisation, l’actionnaire privé majoritaire au capital ne sera-t-il pas tenté d’en améliorer la rentabilité en faisant pression sur l’exécutif et sur les futures majorités parlementaires afin de baisser le niveau des prélèvements et, par conséquent, les rentrées fiscales et sociales pour le budget de la nation ? C’est ma première interrogation.
Autre problème posé par la privatisation de La Française des jeux, que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans cet hémicycle : la santé publique. Le jeu n’est pas un secteur d’activité comme les autres, car il est potentiellement dangereux. La Française des jeux n’est donc pas une entreprise comme les autres, et il est nécessaire – c’est vrai pour l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard – de mettre en place une régulation puissante, cohérente en matière d’ordre public, d’ordre social, de lutte contre la fraude et le blanchiment, afin de protéger nos concitoyens, en particulier les mineurs, contre les risques d’addiction et de dépendance.
Or le jeu se développe dans notre pays : 56 % des Français jouent au moins une fois par an, contre 46 % en 2010, et le montant des mises moyennes de ces parieurs augmente. Les mises sur les paris sportifs en ligne et en points de vente physiques sont en très forte croissance, de 5 milliards d’euros en 2017 à 6,7 milliards d’euros en 2018. Le nombre de joueurs en ligne a augmenté de 40 % en une année. L’Observatoire des jeux nous alerte sur l’évolution du nombre de joueurs à risque excessif – ils sont environ 300 000 à mettre en danger leur budget quotidien pour vivre en jouant de façon pathologique –, mais aussi sur l’augmentation assez significative du nombre de joueurs à risque modéré – ils sont environ 1 million. La progression du chiffre d’affaires de La Française des jeux, qui représente à elle seule la moitié des parts du jeu, a donc des conséquences en termes de santé publique, le jeu problématique ayant un coût social important pour les finances publiques. Là encore, une politique publique interministérielle robuste en matière de jeu responsable est nécessaire.
Ma question est donc la suivante : un actionnaire privé entrant au capital de La Française des jeux ne sera-t-il pas tenté de maximiser sa rentabilité et ses dividendes en poussant à une politique commerciale agressive, expansive, le contraire d’une politique du jeu responsable, en développant les jeux les plus addictifs, qui sont les plus lucratifs ? Nous connaissons l’exemple fameux du jeu Rapido : en 2014, l’ancien PDG de La Française des jeux, Christophe Blanchard-Dignac, convaincu par cette politique du jeu responsable, avait tout simplement stoppé ce jeu extrêmement addictif dans ses premiers mois de commercialisation.
Mais quels verrous, quels garde-fous nous garantiront contre ce risque ? Il aurait été possible de procéder à une ouverture limitée du capital, en passant de 72 % à 51 ou 52 %, l’État demeurant majoritaire aux côtés des actionnaires historiques que sont les salariés, les associations d’anciens combattants ou les buralistes. De cette façon, nous aurions pu préserver au nom de l’État des dividendes confortables – environ 65 ou 70 millions d’euros par an, contre 90 aujourd’hui. Nous aurions également pu financer, comme nous l’avions proposé pour Aéroports de Paris et comme nous pourrions le proposer également pour Engie, ce fameux fonds de rupture et d’innovation que vous appelez de vos vœux : nous soutenons ce fonds, mais son financement doit provenir des dividendes de l’État. Telle n’est pas la décision que vous avez prise. Vous autorisez, avec l’article 51, la privatisation de La Française des jeux : nous ne pouvons pas vous suivre dans cette voie.
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