Mercredi 8 février en fin de matinée, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a autorisé la publication du rapport d’évaluation de la régulation des jeux d’argent et de hasard dont j’étais le co-rapporteur avec le député LR Jacques Myard. Notre rapport relève les nombreuses insuffisances de cette régulation et met en avant 16 propositions pour servir de base à une réelle politique des jeux dans notre pays.
L’évaluation a été menée à partir d’une étude préalable de la Cour des comptes, présentée au CEC le 19 octobre 2016. Pour notre rapport, nous avons cherché à approfondir les constats de la Cour des comptes, en organisant vingt auditions et une table ronde avec les principaux acteurs concernés.
La Cour souligne que la loi de 2010 a été votée dans l’urgence pour adapter le paysage des jeux au contexte technologique et européen. Elle reste pourtant au milieu du gué dans la mesure où elle n’instaure pas un dispositif de régulation global, décloisonné et indépendant, propre à assurer un meilleur équilibre entre les filières. En effet, les aménagements de la fiscalité n’ont pas suffi à empêcher une évolution divergente des différents segments du marché. Les réformes doivent être poursuivies pour favoriser un développement économique pérenne plus harmonieux. C’est ce constat que les rapporteurs ont cherché à approfondir, en organisant vingt auditions et une table ronde avec les principaux acteurs concernés. Ils souscrivent sans réserve au diagnostic concernant le cloisonnement excessif et obsolète de la régulation au détriment des objectifs généraux fixés par la loi (prévention du jeu excessif et protection des mineurs, intégrité et transparence des opérations de jeu, prévention des activités criminelles, développement équilibré et équitable des différents types de jeu), mais se montrent plus nuancés quant à la levée systématique de l’anonymat des joueurs.
En France, le cadre légal du jeu repose sur un principe d’interdiction aux termes de l’article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure, principe assorti d’une liste de dérogations qui s’est allongée au fil des ans (courses de chevaux en 1891, casinos en 1907, cercles de jeux en 1923, loterie nationale en 1933, paris sportifs en 1984, compétitions de jeux vidéo…). Un tel régime de prohibition, très dérogatoire aux règles de l’économie de marché, de liberté d’établissement et de libre prestation de services (respectivement art. 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), se justifie au regard de l’objectif de maintien de l’ordre public (lutte contre la fraude et contre les risques de dépendance). Parallèlement, le schéma de la régulation s’est bâti par ajout de briques successives, et l’ensemble ne forme pas un tout cohérent.
Renouveler les modes d’intervention de la régulation
La multiplication des interlocuteurs allonge les délais de réponse des pouvoirs publics alors que le secteur des jeux n’échappe pas à un processus continu d’innovation qui impose la réactivité. Les délais d’approbation des lancements d’expérimentation de jeux nouveaux sont par exemple trop longs, d’autant qu’ils font intervenir des instances consultatives qui se réunissent selon une périodicité variable puis des décisions de ministres instruites par les administrations et par des cabinets ministériels.
Même si plusieurs ministères interviennent dans la régulation des jeux, la direction du budget cumule les compétences (tutelle, règlement, fiscalité) et elle privilégie le rendement fiscal.
Par ailleurs, ce cloisonnement repose largement sur la séparation des jeux en ligne et en dur, alors que cette césure est de plus en plus artificielle et obsolète du fait de la multiplication des moyens techniques offerts aux parieurs pour enregistrer leurs mises : smartphones, tablettes, bornes interactives.
Il convient donc, six ans après la loi de 2010, de prendre en compte l’accélération de la révolution technologique et de réunifier les modes de régulation.
Nous proposons donc, en suivant sur ce point les recommandations de la Cour des comptes, de confier la règlementation, portant par exemple sur le statut des opérateurs sous monopole, le champ des droits exclusifs et celui ouvert à la concurrence, les catégories de jeux autorisés, les catégories d’établissements susceptibles d’être agréés comme points de vente à un comité interministériel qui se réunirait périodiquement afin de prendre ce type de décisions ou les soumettre au législateur alors que la régulation quotidienne du secteur portant par exemple sur les autorisations individuelles de jeu, le lancement et le suivi des expérimentations, la validation des listes des compétitions ou courses support des paris, la gestion du fichier des interdits de jeu, l’agrément des points de vente, la lutte contre le jeu illégal, la fixation du taux de retour aux joueurs par type de jeu, relèverait d’une autorité administrative indépendante qui résulterait de l’extension des compétences de l’ARJEL.
Mieux veiller au développement équilibré des différentes catégories de jeux
Il existe bien un mécanisme de transfert puisque les paris hippiques baissent beaucoup plus dans les 9 000 points de vente qui commercialisent aussi des paris sportifs (– 3,9 % en 2015) que dans les 4 000 points de vente exclusivement consacrés aux paris hippiques (– 0,5 % en 2015).
Certains parieurs hippiques se laissent séduire par l’attrait des paris sportifs et, leurs ressources n’étant pas extensibles à l’infini, ils arbitrent en misant moins qu’avant sur les courses.
La baisse du taux de pénétration des parieurs hippiques est néanmoins tendancielle : ils représentaient 14 % de la population de plus de 18 ans en 2005 contre 8,4 % en 2015.
La population des turfistes se caractérise par un âge élevé (50 ans en moyenne, seulement 28 % ont moins de 35 ans contre 58 % pour les parieurs sportifs) et par une surreprésentation des hommes et des catégories socio-professionnelles modestes.
Il faut davantage veiller à l’équilibre global des jeux notamment lorsqu’on autorise la Française des jeux à expérimenter de nouvelles formules attractives de paris sportifs (paris en direct ou paris évènementiels).
La nécessaire modernisation des paris hippiques : le plan PMU 2020
Face à une conjoncture morose, le PMU a réagi en adoptant une stratégie plus offensive baptisée « plan PMU 2020 » dont les effets ne sont pas encore tangibles. En 2016, le PMU a proposé de nouveaux produits comme la prise de paris par SMS ou un nouveau Quinté + offrant la possibilité de gains plus élevés.
Parallèlement, il a poursuivi la modernisation de son réseau physique (plus de 13 000 points de vente) consistant en un renouvellement du mobilier, de la signalétique, des écrans, des équipements de prises de paris (bornes) avec un taux de couverture à 50 % en nombre de points de vente et à 70 % en chiffre d’affaires à la fin 2016.
Avec une stratégie de densification et de segmentation de son réseau, le PMU s’efforce d’aller à la rencontre des joueurs qui n’ont jamais poussé les portes d’un PMU traditionnel : il a ainsi développé un produit spécifique pour la conquête de nouveaux parieurs avec l’équipement Hipigo (composé d’une borne de prise de paris et d’un écran télévisé), ainsi qu’un réseau spécialisé (22 PMU City fin 2016) pour la reconquête de centres villes.
Le « plan PMU 2020 » prévoit aussi une forte progression des enjeux hippiques pris à l’étranger, à tel point que ce segment représente le plus fort relais de croissance et de rentabilité pour les prochaines années. En 2016, les enjeux pris en France ont ainsi reculé de 4 % pour s’établir à 7,854 milliards d’euros, alors que les enjeux internationaux ont progressé de 29 % pour s’établir à 1,042 milliard d’euros, soit plus de 13 % du total des enjeux hippiques.
La Cour des comptes avait estimé dans son rapport que l’existence de parieurs professionnels résidant à l’étranger était contraire à l’esprit du pari mutuel, nous ne partageons pas cette analyse puisque leur taux de gain moyen (98 %) est effectivement plus élevé que celui de la moyenne de l’ensemble des autres parieurs, ce qui est logique, vu leur expertise, mais pas plus que celui des gros parieurs français. Il n’y a donc pas rupture d’équité ou atteinte à l’esprit du pari mutuel dans la mesure où ils ne disposent d’aucun avantage particulier. Par ailleurs, le PMU a renforcé les clauses contractuelles relatives au contrôle des parieurs professionnels, dans ces conditions, cette activité profitable pour le PMU peut être encore développée. En 2015, les enjeux des parieurs professionnels résidant à l’étranger se sont ainsi élevés à 422 millions d’euros, soit 5,5 % des enjeux du PMU, cette proportion sera de 6,3 % en 2016 et elle est prévue à 7 % en 2017 pour une contribution de 56 millions d’euros au résultat du PMU.
Comment sauver le modèle français d’organisation des courses ?
La baisse du résultat net du PMU a dans un premier temps (jusqu’en 2013) été ralentie par un allègement fiscal consenti par l’État afin d’accompagner l’ouverture à la concurrence des paris hippiques en ligne. La Cour des comptes a ainsi calculé que le total des prélèvements de l’État rapporté au produit brut des paris hippiques était passé de 47 % en 2009 à 39,2 % en 2012. L’État a aussi mis en place une taxe sur les paris hippiques en ligne affectée aux sociétés mères d’un rendement de l’ordre de 60 millions d’euros.
La Cour des comptes a jugé sévèrement l’utilisation par l’institution des courses de la marge de manœuvre dégagée par les réductions fiscales, il lui reviendra d’étayer son jugement à l’occasion du contrôle de gestion qu’elle mène actuellement. Les représentants des sociétés mères et du PMU estiment quant à eux qu’ils ont utilisé leurs excédents pour financer des investissements, notamment informatiques, indispensables à leur présence sur l’activité des jeux et paris en ligne, pour moderniser leur réseau physique, augmenter l’offre de courses afin de séduire et fidéliser les turfistes, et assurer la montée en puissance du pôle image autour de la chaîne Équidia. Les rapporteurs ont aussi constaté que les sociétés mères avaient privilégié pendant cette période la croissance, puis le maintien à un niveau élevé (574 millions d’euros en 2015), des encouragements et allocations à la filière équine, qu’il s’agissent des prix de courses ou des primes aux propriétaires et éleveurs.
La situation devient néanmoins très préoccupante car les deux sociétés mères accumulent les pertes depuis 2013 et ont encore annoncé un déficit pour 2017 de 35 millions d’euros pour l’une (le Trot) et de 28 millions d’euros pour l’autre (France Galop). Si leurs réserves leur permettront encore de disposer d’une trésorerie positive l’année prochaine, elles seront épuisées en 2018, ce qui rend impérative la mise en place de mesures de redressement d’une ampleur suffisante pour préserver le modèle français d’organisation des courses.
Les rapporteurs estiment que l’État n’a pas assumé clairement sa mission d’accompagnement de la filière équine dans la période récente puisqu’aucune stratégie d’ensemble n’a été arrêtée afin de faire face au double choc de la baisse des paris hippiques et de l’assujettissement au taux normal de la TVA des activités d’élevage et d’entraînement. Aux yeux des rapporteurs, le ministère de l’agriculture porte une lourde responsabilité dans ce constat de carence. Faute de compétence ou d’intérêt porté à une filière qui s’autogérait sans crise majeure, portée par la prospérité des années 2000, il a laissé le ministère du budget imposer ses choix.
Le salut passe aussi par une sérieuse inflexion de la stratégie qui a jusqu’ici été suivie et qui a consisté à assurer une densification maximale de l’offre de courses supports de paris hippiques. À partir de 2008, l’institution des courses a saturé l’offre en proposant progressivement une offre de courses continue, de 12 heures à 20 heures, avec une épreuve toutes les quinze minutes. Cette croissance rapide a notamment reposé sur un recours sans précédent aux courses étrangères.
Cette stratégie n’a pas été maîtrisée sur un plan financier d’autant que le coût marginal de la densification a progressivement augmenté, tant au niveau des sociétés de courses (modernisation des hippodromes, coût d’organisation pendant les jours de semaines, production des images de télévision) que des participants (frais de déplacement, frais de personnel). Il convient désormais de passer de la densification à l’optimisation du programme et du calendrier des courses, en menant une analyse détaillée et systématique de la rentabilité intrinsèque des courses proposées aux parieurs.
L’institution des courses devra aussi améliorer sa gestion interne : à défaut d’une révision drastique des structures comme la fusion des sociétés mères qui poserait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait, au regard des spécificités (technique, culturelle et sociologique) difficilement conciliables du monde du trot et du galop, un rapprochement de leurs directions support (informatique, ressources humaines, finances) s’impose à brève échéance. Ce rapprochement pourrait englober également les directions support du PMU et ce pôle de compétences pourrait être rassemblé dans une structure dédiée, par exemple un groupement d’intérêt économique. Les deux sociétés mères doivent conserver la responsabilité de l’élaboration du programme des courses sous l’autorité de la tutelle, chacune pour ce qui la concerne. Cette restructuration ne pourra réussir que par un dialogue social fort et constructif.
Des secteurs fragilisés
En France, les quelque 200 casinos exercent une triple activité de jeu, d’animation et de restauration (art. 1er de l’arrêté du 14 mai 2007). Implantés dans les stations balnéaires, thermales et touristiques, ils se concentrent majoritairement, du fait des règles d’installation dont la dernière évolution vient d’autoriser les jeux de cercle à Paris, dans des villes petites et moyennes dont ils contribuent à la vitalité, y compris en termes d’emploi.
Les quatre principaux opérateurs, délégataires de service public (Barrière, Partouche, Tranchant et Joa, le dernier à faire du pari en ligne), réalisent les trois quarts du chiffre d’affaires qui se monte à 2,18 milliards de PBJ, soit 24 % du PBJ de l’ensemble du secteur des jeux.
Le PBJ, qui a chuté de 25 % en dix ans, n’a retrouvé son niveau antérieur qu’en 2015 et enregistrera une augmentation du même ordre que l’année dernière (un peu moins de 3 %) en 2015/2016. Malgré la crise sévère qu’ils traversaient, les casinos, les grands d’abord, les petits ensuite, ont continué à investir, de l’ordre de 100 millions d’euros par an, pour moderniser les machines à sous (plus de 87 % du PBJ) et lancer de nouveaux jeux, notamment sous forme électronique. Cet effort doit être accompagné par les pouvoirs publics qui retirent 1 156 millions de recettes. La loi de finances rectificative pour 2014 a allégé la fiscalité des plus petits établissements, plus touchés par la crise, et sollicité davantage les plus rentables, tout en préservant les ressources des collectivités locales.
Le jeu en ligne est loin d’avoir été l’eldorado attendu. Les opérateurs sont passés de 35 en 2010 à 16 en 2016. Comme dans le réseau physique, les paris hippiques s’érodent régulièrement et seuls les paris sportifs ont tiré leur épingle du jeu, avec des mises qui ont augmenté ces deux dernières années de 30 % et 45 % grâce aux grands événements sportifs et dépassent désormais 2 milliards d’euros. Le PBJ, bien orienté, a augmenté près de deux fois moins. La grosse déception est venue du poker, pourtant très apprécié des jeunes générations. les enjeux ont reculé de 5 % et le PBJ stagne. Il est à souhaiter que les nouvelles variantes de poker en ligne et le partage européen des liquidités autorisé par la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 dynamise ce segment du marché, pénalisé par l’assiette fiscale qui revient à imposer des sommes non perçues, comme l’a relevé la Cour des comptes.
Et la lutte contre le jeu illégal même simplifiée puisque l’ARJEL peut, grâce à la loi pour une République numérique, saisir directement le tribunal du TGI, ne suffira pas à relancer le secteur.
Au vu de ces résultats décevants, il est souhaitable de substituer le PBJ aux mises comme assiette fiscale, au moins pour le poker en ligne, et d’étudier l’extension de cette mesure à l’ensemble des jeux d’argent et de hasard.
Harmoniser les obligations en matière de lutte contre le blanchiment
Si les autorisations et agréments des opérateurs de jeux en ligne et des personnels de casinos font l’objet de normes rigoureuses, les points de vente du PMU et de la FDJ ne sont pas traités sur le même plan alors qu’ils présentent la même vulnérabilité au blanchiment, comme le montre l’exemple du rachat de tickets gagnants illustré par un graphique de TRACFIN. L’autorisation de gérer un point de vente de la FDJ devrait, comme pour le PMU, être soumise à une enquête du service central des courses et jeux du ministère de l’Intérieur.
La Cour des comptes a regretté la généralité de l’anonymat des parieurs dans le réseau physique et a appelé de ses vœux la mise en place d’un système obligatoire d’identification du type carte joueur, à l’instar de ce qui existe en Norvège.
Nous partageons l’objectif d’une meilleure identification des parieurs mais la généralisation obligatoire de la carte joueur risque de se heurter à de redoutables obstacles pratiques et techniques si on l’impose brutalement, la Norvège ayant mis une quinzaine d’années à déployer ce type de dispositif. L’identification des joueurs en points de vente pourrait ainsi passer par une approche pragmatique, reposant sur une pluralité d’instruments comme l’identification des gagnants et des gros parieurs au delà de certains seuils, l’identification progressive des joueurs pour les offres comportant des risques particuliers, et le contrôle de la carte d’identité pour prévenir le jeu des mineurs ou élargir l’application du fichier des interdits de jeu.
La FDJ identifie déjà systématiquement les gagnants de montants supérieurs à 3 000 euros (jeux de loterie), à 200 euros (jeux de grattage) et à 300 euros (jeux de tirage et paris sportifs), soit de l’ordre d’un million de gagnants. L’abaissement programmé du seuil d’identification à 2 000 euros (en 2017) comme le prévoit la quatrième directive anti-blanchiment voire à 1 000 euros (en 2018) et son application aux gains comme aux mises augmenterait substantiellement le nombre de joueurs identifiés chaque année : d’environ 35 000 joueurs en plus en cas de fixation du seuil à 2 000 euros et d’environ 170 000 joueurs en plus en cas de fixation du seuil à 1 000 euros.
Quant au PMU, il enregistre l’identité des gagnants d’un montant supérieur à 3 000 euros depuis 2013, ce qui lui laisse plus de chemin à parcourir pour s’aligner sur les nouveaux seuils d’identification.
Combler les carences du traitement du jeu problématique
Deux enquêtes ont été menées sur les pratiques de jeu en 2010 et 2014. Pendant ces cinq ans, la pratique du jeu s’est répandue, puisque 56,2 % des Français s’y adonnent occasionnellement, soit 46 millions de personnes, au lieu de 47,8 %. Les Français consacrent au jeu une plus grande partie de leur budget loisir (10 % contre 8,3 % en 2010) même si sa proportion a diminué dans le total de leurs dépenses. Les enjeux frisent les 45 milliards d’euros par an et se dirigent principalement vers les jeux de tirage et de grattage, achetés presque exclusivement dans le réseau physique.
Alors que le noyau de joueurs excessifs, en majorité des hommes, plutôt jeunes, fumeurs, d’un milieu modeste, plus souvent inactifs ou étudiants, reste stable, le nombre de joueurs à risque modéré a été multiplié par 2,5 en cinq ans. Un million de personnes sont touchées. En effet, la pratique du jeu s’intensifie : les joueurs jouent plus souvent et misent davantage.
L’évaluation du coût socio-économique, engagée par l’Observatoire des jeux et l’université d’Aix-Marseille, n’a pu aboutir faute de données fiables. Si les bénéfices sont assez facilement quantifiables (satisfaction supplémentaire procurée par la pratique du jeu au consommateur et au producteur, recettes fiscales), il n’en va pas de même des dépenses, en particulier les dommages que s’infligent les joueurs excessifs (chômage, divorce, dégradation de l’état de santé, surendettement, suicide…). Proposition : mener une étude scientifique sérieusement documentée sur le coût social du jeu problématique pour éclairer la puissance publique.
Diffuser les bonnes pratiques en matière de jeu responsable
Selon l’Observatoire des jeux, la politique menée n’actionne pas les bons leviers. Il faut aussi souligner que la mise en œuvre repose largement sur les opérateurs, qui sont ceux qui ont intérêt à ce que leurs clients jouent davantage (exception faite des jeux de loterie et de grattage, et selon les types de jeu, ils réalisent entre 40 % et 76 % de leur chiffre d’affaires avec les joueurs problématiques) et que le jeu excessif n’est envisagé que sous l’angle d’une pathologie individuelle. Accessoirement, le contrôle et la surveillance ne sauraient tenir lieu de prévention.
L’accent est mis sur les messages de sensibilisation au risque, qui sont bien relayés par les opérateurs, mais ils sont de peu d’effet.
Des effets bénéfiques ont été observés grâce au filtrage des entrées dans les casinos et à l’interdiction de fumer qui interrompt les séquences de jeu.
Des carences manifestes sont constatées concernant l’interdiction des jeux aux mineurs (près d’un tiers des mineurs de plus de 15 ans déclarent avoir joué dans l’année) qui n’est pas respectée dans le réseau physique. Le fichier des interdits de jeu, qui recense surtout des interdits volontaires, est en cours de modernisation, mais il était tenu de façon trop artisanale pour servir ailleurs que dans les casinos et auprès des opérateurs en ligne. Aussi doit-il être accessible des points de vente physiques, en particulier les bornes en libre-service.
Les rapporteurs proposent donc d’étendre la consultation du fichier des interdits de jeu au réseau des points de vente du PMU et de la FDJ.
Les joueurs en ligne sont tenus de fixer des plafonds de mises ou de crédit sur leur compte joueur (appelés modérateurs de jeu) mais ils les placent trop haut, pour éviter les blocages. Enfin, hormis la Française des jeux qui cesse d’envoyer des messages commerciaux aux clients en ligne détectés comme joueurs excessifs par son logiciel maison, il n’existe aucune limite à la publicité et aux relances commerciales.
Si l’on excepte l’interdiction du jeu à crédit, l’Éat intervient en aval, une fois que le mal est fait, en finançant les centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie, dont certains comptent une équipe spécialisée dans le jeu excessif, et le dispositif Joueurs info service, un numéro non surtaxé fonctionnant de 8 heures à 2 heures, 7 jours sur 7. Depuis son ouverture et jusqu’en 2015, près de 20 000 demandes ont été traitées, émanant à 62 % des joueurs et à 35 % de leur entourage.
Maintenir la vigilance sur l’intégrité des opérations de jeu
L’essor des paris sportifs a suivi celui du sport professionnel et, avec le succès est venue la tentation de la fraude attirée par la perspective d’argent facile. Plusieurs faits divers ont défrayé la chronique mais le scandale ne doit pas faire oublier les efforts énergiques des pouvoirs publics pour limiter les risques de manipulation dans le sport.
Dans le domaine hippique, le diagnostic très critique de la Cour sur le non-respect des interdictions en vigueur pour les autres sports doit être tempéré en prenant en compte :
– des limitations tenant au jeu lui-même : la forme mutuelle du jeu prête moins le flanc aux manipulations car les paris massifs font diminuer l’espérance de gain ; le pari n’est possible que sur l’issue de la course, non sur les résultats intermédiaires ; enfin, la manipulation est aussi compliquée que le jeu lui-même (trouver l’ordre d’arrivée de plusieurs chevaux offre plus de possibilités que l’issue d’un match entre deux adversaires).
– Les sociétés de courses sont chargées de faire respecter le code des courses. Elles pratiquent un contrôle anti-dopage, plus rigoureux qu’ailleurs (dans les hippodromes et les élevages) et le Laboratoire central des courses fait autorité au plan international. Elles prononcent entre 2 500 et 3 000 sanctions par an (de l’amende à l’interdiction) qui sont publiées.
– Le Service central des courses et des jeux mène près de 4 000 enquêtes « couleur » par an. Elles concernent les propriétaires, les entraîneurs et les jockeys. Les commissaires de course sont agréés par le préfet de département.
Outre la loi visant à renforcer l’éthique du sport qui prévient les conflits d’intérêt en cloisonnant les activités d’organisation de compétitions sportives, la vente de pronostics et l’offre de paris sportifs, et crée un délit de corruption sportive, la France a travaillé activement à la convention de Macolin, portée par le Conseil de l’Europe. Il s’agit de la première initiative internationale en faveur de l’intégrité des compétitions sportives. Pour le moment, trois pays ont ratifié le traité (Norvège, Portugal, Ukraine) et il en faut cinq pour qu’il entre en vigueur. Au sein de l’Union européenne, les négociations bloquent sur les marchés transnationaux, en plein essor. La France a signé la Convention le 2 octobre 2014.
Le dispositif proposé repose sur trois piliers :
– une définition à spectre large de la manipulation de compétition sportive : acte ou omission visant à supprimer le caractère imprévisible d’une compétition en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou pour autrui ;
– une définition du pari sportif illégal, caractérisé par le pari lui-même ou l’opérateur avec lequel il est conclu au regard du droit du pays du consommateur (peu de pays ont transposé cette disposition) ;
– une coopération internationale accrue pour faciliter les échanges d’information.
En France, une plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives a été inaugurée dans cet esprit en prélude à l’Euro 2016. Elle est présidée par le ministre des sports et comprend des représentants des ministères de la justice, de l’intérieur, des finances et de l’ARJEL.
Une proposition de loi des sénateurs Bailly et Guillaume (qui doit être examinée en deuxième lecture par le Sénat avant la fin de la législature) reprend des conclusions de la Grande conférence sur le sport professionnel français et des recommandations du Service central de prévention de la corruption.
– Elle confie aux fédérations la responsabilité de rédiger une charte éthique. Leurs dirigeants, qui seront tenus de faire une déclaration de patrimoine auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, pourront se porter partie civile si la profession s’estime lésée.
– L’ARJEL sera officiellement autorisée à considérer le risque de manipulation avant d’autoriser les paris sur une compétition sportive et, en cas de soupçon, les organisateurs de compétitions pourront la saisir. Pour conforter cette disposition, les rapporteurs recommandent également d’interdire la prise de paris sur les compétitions risquant d’être manipulées.
– Les interdictions de parier des sportifs professionnels sont étendues à l’ensemble des compétitions dans leur discipline.
– La caractérisation du délit de corruption sportive sera facilitée.
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Rapport d’information sur l’évaluation de la régulation des jeux d’argent et de hasard by RegisJuanico on Scribd
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