Semaine du 23 au 29 mai

La fédération de la Loire du Parti Socialiste organisait samedi 18 octobre, salle Jacques Brel à Terrenoire, sa traditionnelle Fête de la Rose annuelle.
Notre invité d’honneur cette année était Paul Quilès, ancien Ministre.
Vous pouvez retrouver ci-après le discours qu’il a pu prononcer à cette occasion ainsi que les différents retours donnés par la presse locale à ce rassemblement des socialistes ligériens.
C’était un peu la rentrée pour le Parti Socialiste à Saint-Etienne. La traditionnelle Fête de la Rose de la Fédération de la Loire du PS s’est tenue samedi à Terrenoire en présence de l’ancien ministre Paul Quilès. L’occasion pour les militants socialistes ligériens de discuter de la politique menée par le gouvernement. L’occasion aussi de commenter le retour dans l’arène politique de Nicolas Sarkozy… Pour le député PS de la Loire, Régis Juanico, il est encore trop tôt pour spéculer sur 2017.
Mais au fait, être de gauche aujourd’hui, cela signifie-t-il encore quelque chose ? Réponse de Régis Juanico.
Politique. Paul Quilès était, samedi, l’invité du premier secrétaire fédéral du Parti socialiste de la Loire, Régis Juanico, lors de la fête de la Rose à Terrenoire. L’occasion, pour l’ancien ministre de François Mitterrand, d’évoquer, pour Le Progrès, l’actualité et ses combats.
Lire la suite : ArtProgrès-FDLR2014
D’abord merci à Régis Juanico et à votre Fédération pour cette invitation à m’exprimer devant votre Fête de la Rose. Cela me rappelle beaucoup de bons souvenirs…
Faire la fête aujourd’hui peut sembler étrange, alors que nous vivons dans une situation du monde très menaçante.
Les évènements actuels sont compliqués, ils font peur, mais aussi ils sont loin de nos préoccupations quotidiennes, si bien que les réactions sont souvent émotionnelles (nombreux drames très médiatisés : Moyen Orient, Ukraine, Afrique, Ebola…..mais combien d’autres drames, de massacres, de conflits violents et atroces, sans images et dont on ne parle pas ?)
En cette année de commémoration du centenaire de la guerre de 14-18, il serait grave d’oublier les engrenages qui conduisent aux grands conflits et de tomber dans deux réactions extrêmes: soit le fatalisme résigné (« on n’y peut rien, c’est trop compliqué »), soit l’indignation qui pousse à prôner l’intervention de la France, sans réfléchir aux moyens, à la légitimité, aux conséquences…
Les socialistes, héritiers de Jaurès, sont des internationalistes et ils doivent s’ intéresser à ces questions, pas seulement parce que le monde est de plus en plus interdépendant et que les crises, même lointaines, peuvent avoir des effets sur nos sociétés (terrorisme, pollution, épidémies, immigration….) ; mais aussi et surtout parce que nous défendons des valeurs : la solidarité, la réduction des inégalités, la recherche de l’arbitrage international, le règlement politique des conflits, l’utilisation mesurée de la force en dernier ressort.
Prenons l’exemple des drames internationaux actuels.
Irak, Syrie et EI
On semble découvrir les problèmes qui se posent, dont certains sont multi centenaires : affrontements Sunnites/Chiites, Croisades, traité de Lausanne (1923)…. La crise actuelle est le résultat de nombreuses erreurs, la plus récente étant celle commise par les Etats-Unis en Irak en 2003 et dans les années qui ont suivi (destruction de l’armée de Saddam Hussein et de l’ossature du régime, soutien d’un gouvernement sectaire, incapable et corrompu ….)
Il faut bien comprendre qu’il se déroule en ce moment au Moyen Orient plusieurs guerres, qui donnent la mesure des contradictions de la coalition menée par les Américains :
– la guerre des Turcs contre les Kurdes. C’est la priorité de la Turquie, bien avant le combat contre l’Etat islamique.
– la guerre entre Sunnites et Chiites. Neuf pays de la région sont déchirés par cet affrontement (l’Afghanistan, le Pakistan, la Syrie, l’Irak, le Yémen, Bahreïn, le Liban, la Somalie et même la Malaisie). C’est une guerre de religion, dans laquelle nous ne devons pas intervenir.
– une guerre, encore peu visible, entre islamistes, en raison du ralliement à l’EI d’anciens d’Al-Qaïda, ce qui suscite une opposition forte des islamistes en place.
– la guerre que les Occidentaux mènent contre certains pays de la région, ce qui en fait des cibles dans cette partie du monde. C’est le groupe islamiste le plus violent contre eux qui remportera la partie sur le terrain médiatique et attirera des volontaires (du Moyen Orient, mais aussi d’Europe et du Maghreb).
Comme chacun des participants à ces guerres a ses propres objectifs, qui peuvent être contradictoires, on voit la difficulté d’imaginer une issue simple et rapide pour cette nouvelle crise. Ce qui est sûr, c’est qu’une intervention militaire ne peut pas détruire qu’un Etat. Or, contrairement à ce que son nom voudrait indiquer, l’Etat islamique n’en est pas un et il faudra bien aboutir à une solution politique impliquant de nombreux pays, soit ennemis (Iran/négociations actuelles sur nucléaire), soit alliés encombrants (Arabie saoudite/ qui applique les mêmes méthodes que l’Etat islamique : des dizaines de décapitations publiques chaque année, les femmes opprimées, l’interdiction de tout autre culte dans le pays). Il faudra aussi impliquer la Russie, qui peut avoir son mot à dire dans les négociations internationales.
En Ukraine aussi, il va falloir faire baisser la pression. Ce n’est pas le retour de la « guerre froide », mais une véritable guerre civile qui s’est déclenchée à la suite d’erreurs (Europe), de l’inefficacité de gouvernants corrompus, de surenchères russes (Poutine trouvant une occasion de soigner sa popularité et de donner le sentiment aux Russes qu’il met fin à une humiliation liée à la fin du statut de super puissance de l’URSS).
La situation est incertaine, parce que l’affrontement entre la Russie et les Etats-Unis se fait par personnes interposées: les pro-russes d’un côté et, de l’autre côté, une garde nationale ukrainienne où l’on trouve pas mal d’extrémistes de droite. Personne n’a intérêt à l’escalade, mais le risque est que ces groupes leur échappent. Il faut donc que les Américains et les Européens (qui doivent jouer leur propre jeu) fassent preuve de beaucoup de discernement et de responsabilité. On voit bien que les sanctions économiques de part et d’autre peuvent avoir des conséquences terribles (avec notamment la question des livraisons de gaz, pour l’Ukraine et les pays européens).
Quel est le fond de la question pour l’Europe ? Considérer la Russie comme un adversaire nous replongerait dans une situation d’affrontement. Des confrontations militaires indirectes seraient inévitables, comme à l’époque de la Guerre froide, mais dans un contexte plus instable et donc plus dangereux.
Si nous considérons la Russie comme un simple rival, des accords ponctuels sont concevables, mais sans entente durable et stratégique. Il ne peut alors plus être question d’action commune pour faire face aux grands défis de la planète : renforcement de l’ONU, lutte contre la prolifération et le désarmement nucléaire, développement, climat.
Ce qu’il faut donc souhaiter, c’est la restauration d’une relation de partenariat entre la Russie et l’Europe et, plus largement entre la Russie et l’Occident. Il semble que les choses pourraient se calmer (réunion à Milan hier entre Poutine, Porochenko et les représentants de 6 pays européens), mais rien n’est encore joué.
Afrique
Une autre bonne nouvelle (à confirmer) vient d’être annoncée : l’aboutissement de la négociation du gouvernement du Nigéria avec le redoutable groupe djihadiste Boko Aram (qui, entre autres exactions, retient en otage 219 jeunes filles !)
Il n’en demeure pas moins que le continent africain est traversé de conflits violents et de drames, dont les solutions ne peuvent se limiter à des opérations militaires, même si parfois elles sont inévitables. Là aussi, les erreurs et même les fautes, les absences de stratégie se payent cher : Mali (problème Touareg demeure), Centrafrique (risque de génocide), Libye (anarchie), sans parler du Soudan, dont on parle beaucoup moins.
A cela s’ajoute l’épidémie d’Ebola. Le danger est réel. Pour l’instant, 3000 morts….mais c’est encore loin des ravages de la grippe saisonnière, qui tue 6000 personnes chaque année, uniquement en Europe !
Là encore, le problème vient de loin : le virus est connu depuis 30 ans et ce n’est pas un hasard si l’épidémie actuelle s’est déclenchée dans d’anciens pays coloniaux –Libéria, Sierra Leone, Guinée, Zaïre, Ouganda…..-, qui ont connu de terribles souffrances liées à des guerres entre Africains mais aussi aux interventions des Occidentaux (esclavagisme, pillage économique, déforestation….). Comme trop souvent quand un drame de cette nature touche de nombreux pays, la communauté internationale (ONU, grands pays) a mis du temps à intervenir et à dégager les moyens financiers considérables nécessaires (40% seulement de l’aide demandée accordée !) Il faut espérer que les dispositions prises vont permettre d’enrayer l’épidémie et d’éviter les graves conséquences qu’elle peut avoir dans plusieurs pays africains, totalement désorganisés.
La question de la prolifération nucléaire m’inquiète aussi.
C’est l’objet de mon combat en faveur du désarmement nucléaire. Le silence et le désintérêt de l’opinion en France à l’égard de cette arme d’une autre époque (consensus sur dissuasion ?) est inquiétant. La répétition irréfléchie du catéchisme nucléaire n’est pas digne de ce qui devrait être une vraie réflexion des socialistes sur ce sujet majeur : arme coûteuse, inutile, mais dangereuse. Il faut aussi dénoncer le surarmement mondial, indécent quand on pense à l’énormité des besoins de l’humanité.
Dans ce climat, faire la fête aujourd’hui peut donc sembler étrange, d’autant plus que l’ambiance en France est au pessimisme : un pouvoir désavoué par les urnes, avec une victoire incontestable du populisme, une défiance à l’égard des partis politiques et de leurs leaders, des doutes sur l’Europe et sur sa capacité à répondre à la crise, une désespérance qui gagne du terrain dans de nombreuses couches de la société….
Quant à la situation de la gauche, elle est mauvaise. La désunion conduit même parfois à des affrontements. La stratégie du rassemblement a été abandonnée, alors que nous savons qu’elle seule permet à la gauche de gagner.
Et, pour couronner le tout, les socialistes doutent et expriment de plus en plus leur incompréhension.
Je me souviens, comme beaucoup d’entre vous, d’une autre fête. C’était il y a 2 ans et demi, le 6 mai 2012. Ce fut un beau moment, qui m’a rappelé la soirée du 10 mai 1981, que j’avais organisée en tant que directeur de la campagne de François Mitterrand, place de la Bastille.
Notre victoire, celle de François Hollande, n’était pas une simple victoire par défaut, liée au rejet de Sarkozy….qui essaie d’ailleurs de revenir, en faisant croire qu’il a changé. Il veut jouer « le retour de l’Ile d’Elbe », mais il n’ira même pas jusqu’à Waterloo !
Cette victoire a été aussi et surtout le résultat d’un choix, celui d’une ligne politique, d’un programme approuvé par une majorité de Français. C’est pourquoi j’ai relu le discours du Bourget, et j’ai alors pensé à un autre beau discours, passé à l’Histoire, celui de Martin Luther King le 28 août 1963 sur les droits civiques des Noirs : « I have a dream » (je fais un rêve).C’était un peu la conclusion de François Hollande au Bourget, mais il s’agissait là de promesses, d’engagements d’un homme qui était candidat à exercer des fonctions exécutives.
Certes, tout n’est pas réalisable d’un seul coup, surtout lorsqu’on hérite d’une situation dégradée et de la gestion calamiteuse du pays par les prédécesseurs. Mon expérience des cinq gouvernements auquel j’ai participé en tant que ministre de François Mitterrand me permet de comprendre les difficultés de l’exercice du pouvoir, parfois sous estimées.
Je ne nie pas les aspects positifs de certaines décisions du gouvernement, que vient de décrire votre député, Régis Juanico. Je souhaite, comme vous, la réussite du quinquennat, mais cela ne doit pas nous empêcher de rappeler les engagements, de demander que le projet pour la France soit clairement défini, de souhaiter que l’on écoute les parlementaires.
Cela ne doit pas nous empêcher non plus de vouloir qu’on ne désespère pas notre électorat, les couches populaires, par des déclarations intempestives (seuils sociaux, 35 heures, indemnisation du chômage, amour de l’entreprise et du « business »). Je vous avoue que je suis moi-même troublé quand j’entends le Premier ministre conservateur britannique, M. Cameron, dire son admiration pour la gestion du marché du travail par le gouvernement français !
Mais, au-delà des discours, il y a la ligne économique suivie et là, c’est plus sérieux. Même le FMI reconnaît que la politique d’austérité préconisée par les dirigeants européens et acceptée par la France est vouée à l’échec. Il y a quelques jours, c’est le vice-président de la Commission des finances, économiste par ailleurs, le socialiste Pierre-Alain Muet, qui affirmait que « l’Europe s’est enfoncée dans la dépression à cause de politiques d’austérité complètement irréalistes » et qui dénonçait « le discours ridicule sur la modernité du socialisme, consistant à copier Blair et Schröder » et à faire un véritable grand écart, avec la fameuse « politique de l’offre », qui a enfoncé toute l’Europe.
Il est urgent de redresser la barre. Même si c’est difficile, il est préférable de reconnaître ses erreurs et de changer le cours d’une politique qui pourrait conduire à une catastrophe dans deux ans et demi.
Je veux parler du risque d’un retour de la droite, dont les leaders en compétition se livrent à une surenchère libérale, avec des propositions très proches dans leur objectif. Il s’agit tout simplement de remettre en cause notre modèle social. Ecoutez plutôt leurs propositions : la suppression de l’impôt sur la fortune, la fin des 35 heures, l’accroissement de l’âge de départ à la retraite, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, 100 à 150 milliards d’euros d’économies pour le prochain quinquennat, la remise en cause du statut de la fonction publique !
Quand je dis qu’il y a un risque de catastrophe dans deux ans et demi, je veux aussi naturellement parler du danger du FN. La décrépitude de la droite et le désarroi de l’électorat de gauche, qui se réduit d’élection en élection, font le lit d’un parti qu’on aurait tort de caricaturer. Il ne faut bien sûr pas oublier le caractère plus que douteux de ses origines, mais il s’agit aujourd’hui d’un mouvement populiste qui a su se renouveler et qui utilise tous les moyens de l’action et du discours politique, qui reprend même les mots de la gauche et qui a organisé un vrai militantisme de terrain.
Dans cette situation, le PS ne peut pas se contenter d’observer, de râler et d’attendre le prochain échec ! Le PS n’a pas non plus vocation à devenir un parti godillot, un outil de sélection des candidats, une chambre d’enregistrement, une agence de communication….C’est une erreur de procéder brutalement, avec des appels au silence dans les rangs, accompagnés du fameux slogan de Madame Thatcher « TINA » (il n’y a pas d’alternative). Ce n’est pas ainsi que fonctionne le Parti socialiste (cf. 1905, 1971), même si la redoutable logique des institutions de la Vème République a imprégné les esprits du monde politique français, jusqu’au PS.
Depuis des années (14 ans, pour ce qui me concerne), nous sommes nombreux à demander que ces institutions évoluent vers un meilleur partage des pouvoirs et un meilleur équilibre institutionnel. Rien n’a été fait, bien au contraire (instauration du quinquennat et inversion du calendrier électoral), pour en finir avec un système de monarchie républicaine qui renvoie toute décision au sommet de la pyramide. On connaît les conséquences de ce détestable système: un Premier ministre qui « exécute » la politique définie par le Président, une majorité parlementaire contrainte, un parti majoritaire pétrifié, sans marge d’initiative, peu écouté et dont les militants qui restent finissent par s’interroger sur leur utilité. Il ne suffit pas de faire signe à des sympathisants tous les 5 ans lors de la désignation du candidat lors des primaires pour établir un lien avec un électorat désabusé, désorienté et qui croit de moins en moins à la parole des politiques.
L’initiative prise par Jean Christophe Cambadélis de faire réfléchir aux grandes questions sociétales et politiques à l’occasion d’Etats Généraux, est intéressante. Pour ma part, j’ai assisté à des débats très utiles sur des questions sectorielles. Alors, inviter les militants à réfléchir et à échanger, pourquoi pas ? On l’a déjà fait en 1993 (Lyon), mais je constate que cela n’a pas empêché un cuisant échec aux élections européennes qui ont suivi et le désastre du 21 avril 2002.
Depuis cette époque, nous avons réécrit en 2008 notre « déclaration de principes », qui décline nos valeurs, nos objectifs et constitue notre « carte d’identité ». Faut-il la réécrire à nouveau aujourd’hui ? Pas évident. Le débat entre nous est indispensable, mais les dizaines de questions qui sont posées à l’occasion de ces Etats Généraux ne peuvent pas évacuer les interrogations sur la politique actuellement suivie, sinon le risque est de s’éloigner un peu plus des préoccupations quotidiennes des Français et de leurs souffrances.
Pour éviter cela, il faut naturellement un congrès (c’est prévu dans nos statuts….à mi-mandat présidentiel). Un congrès, ce n’est pas, comme j’ai entendu un responsable socialiste le dire, une perte de temps, où l’on discute du « sexe des anges ». C’est au contraire une occasion de parler en profondeur des attentes des Français et de définir avec clarté le cap susceptible de rendre au PS sa crédibilité.
Le PS doit redevenir un parti militant, un parti qui lutte activement et, pour cela, il faut redonner du sens et du souffle au militantisme, par exemple :
Il faut du courage pour conduire ces tâches. Quoi de plus normal pour des socialistes que de chercher ce courage et de le trouver dans le souvenir de la pensée et de l’action de Jaurès, dont nous commémorons cette année le centenaire de la mort.
Député pendant 14 ans dans la circonscription de Carmaux, organisateur de 2 grands spectacles (« Ils ont tué Jaurès » en 1994 et cette année « Jaurès, une voix pour la paix »), je suis passionné par la vie, l’œuvre et l’action de Jaurès.
Ici, dans la Loire, je sais que le souvenir du lien avec le député de Carmaux est fort. On le retrouve dans le beau livre de Gérard Lindeperg. Jaurès est venu pour la première fois dans votre département en 1886 ; il avait 27 ans seulement, pas encore socialiste et déjà une bonne notoriété….et un bon coup de fourchette dans les banquets ! Il est ensuite revenu à 10 reprises, jusqu’en 1909, pour assister des grévistes ou participer à des réunions socialistes : février 1893 (Rive de Giers), janvier 1900 (mineurs de saint Etienne), février 1904 (inauguration de la Bourse du travail de Saint Etienne).
Ce courage dont nous avons besoin, Jaurès l’a admirablement défini dans le fameux « discours à la jeunesse » prononcé au lycée Lapérouse d’Albi le 30 juillet 1903. Je ne reprendrai pas les formules tellement citées et parfois même coupées de leur contexte que tout le monde connaît, mais je citerai plutôt cette exhortation aux jeunes lycéens de réfléchir à la fois à l’état du monde et à leur propre vie….que l’on pourrait prononcer presque à l’identique aujourd’hui :
« Le courage….. ce n’est pas de maintenir sur le monde la sombre nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante, dont on peut toujours se flatter qu’elle éclatera sur d’autres.
Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car le courage est l’exaltation de l’homme, et ceci en est l’abdication.
Le courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie.
Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action.
Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit ; c’est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant que l’on peut, un technicien accompli. (……)
Le courage, c’est d’être tout ensemble, et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale. »
Voilà pourquoi, comme nous y incitait François Mitterrand, « il faut toujours revenir à Jaurès », qui n’est pour nous, ni un prophète, ni un gourou. C’est un homme exceptionnel qui a marqué l’histoire de la gauche par sa pensée et par son action. Philosophe, humaniste, écrivain, journaliste, militant et dirigeant politique, élu, homme d’Etat, orateur hors pair, défenseur de la classe ouvrière (à l’époque il n’y avait ni congés, ni assurances, ni indemnité de licenciement, ni pension, la durée du travail était de 10 heures/jour dès l’âge de 10 ans), défenseur de l’homme (se souvenir de son combat pour Dreyfus ; après les hésitations du début, il réalise que c’est un combat de la gauche contre la droite, qui préfère l’injustice au désordre), de l’internationalisme, mais aussi de la France et de sa petite patrie (le Tarn).
Par ses leçons -courage, volonté, respect des autres, hauteur de vue-, il reste un inspirateur, dont les valeurs se situent aux antipodes de celles d’un Sarkozy…..qui avait pourtant essayé de le récupérer en le citant 32 fois dans son discours de Toulouse (12 avril 2007) !
Sa pensée ne se limitait pas au présent ; il jetait aussi des jalons. Les défis du monde auxquels Jaurès était confronté s’appelaient : la paix, l’unité de la gauche, la laïcité, la justice, les droits sociaux, les institutions de la République. Un siècle plus tard, les mêmes défis, sous d’autres formes, sont devant nous. Etre fidèle à Jaurès aujourd’hui, pour la gauche, c’est justement s’inspirer de son exemple dans au moins cinq domaines :
Le monde a changé depuis un siècle, mais dans le climat actuel de confusion, de doute et parfois de perte de repères, il est bon de revenir à Jaurès, dont la pensée, disait François Mitterrand, était « une espérance, jamais un système »
Pour terminer, je citerai à nouveau Martin Luther King. Il avait raison de rêver.
Je sais bien (et je vous l’ai dit) que le monde va mal, que les Français sont pessimistes, que l’Europe semble de plus en plus incapable de répondre à la crise, que les socialistes sont envahis par le doute, que le Front National gagne du terrain sur une droite en piteux état…mais aussi sur la gauche.
Et pourtant, malgré ce constat et même à cause de ce constat, je rêve (« I have a dream ») :
Est-ce inutile de rêver ainsi ? Non. François Hollande lui-même a terminé son discours du Bourget (dont j’ai repris quelques passages dans les 9 rêves que je viens de faire devant vous) en citant Shakespeare : « Ils ont échoué parce qu’ils n’ont pas commencé par le rêve »
Le rêve a un autre nom : l’espoir. Pour des militants socialistes, cet espoir passe par l’action et c’est à cela que je vous invite. Il n’est pas inutile de rappeler que le militant, étymologiquement, est un soldat (« miles » en latin).
A vous donc de vous battre, l’espoir chevillé au corps. Agissez sur le terrain, dans vos associations, sur votre lieu de travail, auprès de vos élus. Croyez en vous, en votre force et vous convaincrez les Français, en dignes héritiers de Jean Jaurès. «
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