Ce mardi 21 février, l’Assemblée s’est prononcée sur un texte important relatif à la mise en place d’un Mécanisme Européen de Solidarité. Plus exactement, il s’est agi de ratifier une modification du traité européen visant à intégrer le principe du MES au traité dit de Lisbonne et imposé par une ratification parlementaire en 2008 et dans le même temps de ratifier la création du MES.
Le MES crée un fonds de solidarité permanent pour soutenir financièrement les Etats en difficulté, ce qui est plutôt un progrès par rapport au Fonds Européen de Soutien Financier (FESF) et prévoit les modalités d’intervention sur les marchés, une réserve financière disponible pouvant aller jusqu’à 700 milliards d’euros et des modalités de gouvernance.
Il dit aussi que toute intervention fera l’objet de contreparties, notamment en termes d’engagements budgétaires et en lien avec le FMI. Les 700 milliards devraient être apportés par les Etats, d’abord sous la forme d’un apport de parts libérées pour 80 milliards, le reste étant des “parts sujettes à appel” par le MES en cas de défaillance. Celle de la France s’élève à 147 milliards mais il est très peu probable qu’elle soit appelée. Les membres du groupe socialiste ont fait le choix majoritaire de s’abstenir en avançant principalement deux arguments :
– Le premier est que nous demandons un outil européen d’intervention sur les marchés financiers pour garantir la stabilité et protéger des Etats attaqués par des spéculateurs. Je considère, avec d’autres, que sur ce point, il serait plus intéressant que ce rôle soit dévolu à la BCE mais à condition évidemment de revenir sur son indépendance. Par ailleurs, le fonctionnement du MES comporte de nombreuses lacunes sur le plan technique, il ne dispose pas notamment du statut de banque et n’aura pas la possibilité d’accéder au financement de la Banque Centrale Européenne.
– Le second argument est que ce texte est juridiquement et intrinsèquement lié au Traité de rigueur budgétaire négocié par le binôme Merkel-Sarkozy et tendant à généraliser la règle d’or et l’austérité en Europe.
C’est là un point important mais qui est aussi source de confusion car le texte du MES renvoie explicitement à travers deux de ses considérants au texte dudit traité. Et réciproquement.
Ce traité de stabilité budgétaire et d’austérité généralisée n’est pas un bon texte et François Hollande a d’ores et déjà annoncé qu’il le renégocierait sitôt après les élections si les Français lui en donnent mandat. Nous sommes tous d’accord pour dire que la politique européenne doit être réorientée de manière forte et claire, notamment pour favoriser la relance, la croissance et l’emploi. Nous le voyons en Grèce, sans croissance, l’endettement génère des plans de rigueur sans fin qui finissent par affecter la croissance, dans un cercle vicieux.
Aujourd’hui, c’est donc uniquement sur le MES que nous avions à nous prononcer. J’ai voté contre pour trois raisons.
1. La question de la gouvernance d’abord. Celle-ci me paraît totalement soustraite à un contrôle démocratique et notamment parlementaire –du parlement Européen comme des Parlements Nationaux- alors que cet organisme sera appelé à prendre des décisions majeures. L’administrateur qui siègera dans le conseil des gouverneurs sera nommé par chaque Ministre des Finances de la zone Euro : il devrait être choisi, à minima, par voie parlementaire… Je peux le mesurer en tant que député de la Commission des Affaires Européennes à l’Assemblée Nationale chargé de contrôler l’application des institutions de l’Union, des textes européens et leur transposition dans notre droit interne, nous ne pouvons pas, si nous voulons réorienter la construction européenne dans un sens plus social et plus solidaire, continuer à consentir des abandons de souveraineté sans contreparties à des institutions irresponsables devant les peuples.
2. La nature des considérants ensuite. Une seule politique, une seule ligne, semble possible à la lecture du texte : « l’octroi au titre du mécanisme de toute assistance financière nécessaire sera subordonné à une stricte conditionnalité ». Les aides financières ne seront accordées aux Etats que sous condition : l’application de politiques libérales, de rigueur et d’austérité drastiques. Nous sommes tous aujourd’hui, au PS, convaincus que sans relance économique, sans soutien à la consommation et à l’investissement, nous ne sortirons pas de la crise. L’exemple de la Grèce le prouve avec une économie en totale récession du fait de la purge qui lui est imposée sans discernement. Rien dans le texte ne permet d’espérer, d’entrevoir même, une autre politique.
3. Le lien avec le traité Sarkozy-Merkel, enfin. Si juridiquement il n’est pas formellement établi, la référence entre les deux textes est au mieux inopportune et source de confusion. Le message politique prime parfois sur le détail juridique. Il me paraît impossible de ne pas m’opposer à un texte quoi renvoie à un traité que l’on refuse pour la politique qu’il veut imposer à tous. Cette même politique que l’on condamne en Grèce par ailleurs… En ratifiant le MES avant d’avoir renégocié le traité budgétaire, on nous demande de mettre la “charrue avant les bœufs”.
Nous sommes loin du débat passionnel de 2005. D’une opposition entre le soutien et le rejet, nous sommes passés sur ce texte à un débat entre l’abstention et l’opposition. Le dilemme est évident : refuser un outil que l’on attendait – car sa forme et son orientation du moment ne sont pas satisfaisante – peut être frustrant et laisse circonspect.
C’est pourquoi j’ai voté contre ce texte en âme et conscience, comme je l’avais déjà fait au moment de la ratification du Traité de Lisbonne en février 2008. Afin de restaurer la confiance des peuples en Europe, le message du changement doit être clair et sans concession, sur la forme comme sur le fond.
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Je n’ai rien d’autres à dire que Bravo !!
On peut se tromper une fois en s’abstenant au congrès de Versailles sur le traité concernant l’Europe. La deuxième est de trop.
La populace de France est devenu peuple de France grâce en particulier à VOLTAIRE. Et ce peuple de France n’admettra pas que les pays européens soient obligés de passer par la case “banques privées” pour emprunter à des taux prohibitifs alors que ces mêmes banques privées empruntent à des taux très faibles auprès de la Banque Centrale Européenne. Le principe est injuste et pervers. Cela revient en fin de compte à donner aux banques privées la gestion du domaine public des pays européens. Cela jamais le peuple français ne l’acceptera.
Bravo M. Juanico d’avoir eu le courage de voter contre ce projet de loi (malheureusement en vain). Je trouve vraiment dommage que la majorité des élus socialistes se soient seulement abstenus.