L’ancien député de la Loire a agité le landernau en suggérant, au cœur de l’été, l’émergence d’un poste de déontologue du sport. Il s’en explique.
?? Votre démarche est-elle motivée par le constat que les fédérations sportives ne sont pas en capacité de s’autocontrôler en matière d’éthique et de déontologie ?
Ce n’est pas un problème nouveau. Au cours de la décennie précédente, il y a déjà eu un certain nombre d’affaires signalées au sein de différentes fédérations. On note une accumulation de dossiers liés à la déontologie, à la transparence et à l’éthique. Cela incite forcément à regarder l’efficacité du système actuel.
Par ailleurs, on constate une certaine négligence de la part de responsables dans les fédérations pour ce qui est de la mise en œuvre, pourtant obligatoire, des comités d’éthique et de déontologie. On a également l’impression que la façon dont on nomme les membres de ces comités n’obéit pas aux critères d’impartialité et d’indépendance requis.
En outre, certains signalements d’actes répréhensibles n’aboutissent pas. Dès lors, peut-être que le bon système serait de mettre sur pied une autorité qui soit complétement extérieure et indépendante des fédérations et du CNOSF.
D’où cette proposition de créer un poste de déontologue. En décembre 2023, deux rapports, l’un à la demande de la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (rapport du comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana, 7 décembre 2023) et l’autre d’origine parlementaire (rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public, 19 décembre 2023) ont été publiés.
A la clef, pas moins d’une centaine de préconisations pour améliorer la gouvernance, l’éthique, la transparence et la vie démocratique au sein des institutions sportives. Or, dix mois se sont écoulés depuis et aucune suite, sur les plans législatif et réglementaire, n’a été donnée sinon la vague promesse, compte tenu du nouveau contexte politique issu des élections législatives anticipées, d’un débat au Parlement et une hypothétique loi Héritage des JOP comprenant un volet gouvernance en … 2025 !
On a, aujourd’hui, le sentiment d’une certaine dilution des choses.
?? Ce qui explique que vous appeliez de vos vœux la mise en place d’un déontologue du sport qui serait à la tête d’un comité d’éthique du sport supra-fédéral et indépendant…
Oui. Cependant, il faut distinguer les deux. On peut très bien nommer le déontologue en tant que tel – comme on l’a, par exemple, fait pour les élus locaux en 2020 – sans attendre que le comité d’éthique du sport supra-fédéral voie le jour. Et ce, à la condition que cette désignation soit assortie de toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance.
Le déontologue serait à la disposition des acteurs du monde sportif afin de leur délivrer des conseils quand il serait saisi. Il serait également possible de lui faire remonter des dossiers qui feraient l’objet d’un blocage au CNSOF ou au sein des fédérations et qui, de ce fait, n’auraient pas pu être traités de manière adéquate.
Le champ de compétences du déontologue concernerait notamment les conflits d’intérêts (dons, invitations…) et les carences avérées des comités d’éthique fédéraux. En revanche, je pense que l’autorité administrative indépendante et ses missions, telles qu’elles sont décrites par commission d’enquête de l’Assemblée nationale, ont un spectre beaucoup trop large car elles incluent, par exemple, la lutte contre le dopage, les contrats de délégation des fédérations…
?? Par-delà le contexte politique actuel, votre initiative est-elle susceptible de trouver un écho auprès des députés et du ministère des Sports pour déboucher sur une loi ?
Il s’agit d’une proposition faite au nom de l’Observatoire de l’éthique publique. Nous l’avons soumise à des parlementaires de diverses sensibilités politiques. Elle suscite une adhésion de principe et transpartisane. Reste à savoir si l’un d’eux voudra déposer une proposition de loi même si j’ai bien conscience que ce n’est pas la priorité politique du moment.
Par ailleurs, je regrette que la loi héritage des JOP n’ait pas été discutée et votée au cours du premier semestre 2024. Quant aux fédérations, elles ont conscience qu’elles sont attendues sur ces questions-là et qu’il est nécessaire d’avoir une meilleure organisation des instances de contrôle, voire un minium de contre-pouvoir en leur sein. A cet égard, j’insiste sur le fait que ce que je propose a vocation à les aider à s’améliorer sans les remettre en cause.
?? Selon vous, quel peut et doit être le rôle du Comité Français pour le Fair Play eu égard à vos préconisations ?
De par son action et les valeurs qu’il incarne, il a, aujourd’hui, un rôle extrêmement important et d’abord, de rappeler l’esprit dans lequel les instances sportives doivent évoluer. Et ce, ne serait-ce qu’au regard des comportements des joueurs, des entraîneurs, voire des parents vis-à-vis des arbitres, tant dans le monde professionnel qu’amateur et plus seulement dans le football.
Le CFFP a toute sa place dans ce travail de conviction et de pédagogie qu’il convient de mener et qui est extrêmement compliqué dans la mesure où nous sommes dans une société où la violence et l’individualisme sont, hélas, devenus des valeurs cardinales, à l’opposé des valeurs éducatives, sociétales, d’entraide, de solidarité ou encore, de non-discrimination dont est, à la base, porteuse la pratique sportive. Sachant que les enjeux financiers sont également la source d’un certain nombre de difficultés. En somme, le CFFP est un acteur incontournable et il faut absolument qu’il soit conforté dans ses missions.
?? Pourrait-voir l’un de ses membres siéger au sein du comité supra-fédéral ?
Oui, bien évidemment au titre des personnalités qualifiées membres d’institutions aussi légitimes à agir que l’est le CFFP. Néanmoins, il serait opportun que ce comité soit aussi composé d’anciens magistrats ou professionnels de la justice.
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