Retrouvez la première partie de mon entretien avec Gilles Charles dans l’émission de Droit Citoyen consacrée à mon travail parlementaire pendant le confinement et pour les semaines à venir.
Le détail de notre entretien :
GC : Bienvenue sur « Rendez Vous avec ». Rendez-vous avec une nouvelle fois la politique. On est dans la dernière émission de cette première saison et on a la chance, j’ai même envie de dire l’honneur de recevoir le député de la première circonscription de la Loire et également conseiller départemental. Régis JUANICO bonsoir. Bienvenue sur Droit Citoyen, on va démarrer cette émission avec la politique. D’abord comment s’est passé ce confinement et est-ce que vous allez bien ?
RJ : Oui je vais bien. Il faut savoir que j’ai été un peu confiné avant l’heure dans la mesure où j’ai été comme vous le savez un des Députés les plus actifs dans la bataille sur la contreréforme des retraites présentée par le Gouvernement. De début février jusqu’à début mars j’ai vécu quasiment un mois, jours et nuits, week-ends compris, en permanence, à l’Assemblée nationale, que ce soit d’abord en commission puis en séance publique pour mener la bataille d’opposition. On a réussi, on a repoussé provisoirement cette contreréforme. Donc ce travail de l’ensemble des groupes d’opposition de gauche, insoumis, communistes et d’autres, était utile. Puis, c’est grâce à la réforme des retraites que je me suis retrouvé à ne pas être malade du Covid-19. Comme vous le savez, l’Assemblée nationale a été dès le début du mois de mars un « cluster », un foyer d’infection, et en particulier la commission des affaires culturelles et de l’éducation, c’est-à-dire là où je siège habituellement. Cette semaine-là, j’étais en séance publique pour les dernières escarmouches contre la réforme et je n’étais pas en commission où il y a eu contamination du Ministre de la Culture Franck Riester mais aussi de nombreux Députés de la Commission et en particulier mes deux voisines dans mon groupe Socialistes et apparentés c’est-à-dire Michèle Victory, Députée de l’Ardèche et Sylvie Tolmont, Député de la Marne qui ont été malade pendant trois semaines, assez sévèrement et qui aujourd’hui encore, on va en reparler, ont des symptômes qui reviennent, des oppressions respiratoires, une grande fatigue. On voit que ce n’est pas un virus anodin et en tout cas je dois à la réforme des retraites et à mon combat dans l’hémicycle le fait de ne pas avoir été contaminé. La buvette a également été un lieu de contamination. Beaucoup de serveurs et de fonctionnaires ont été contaminés. Cela représente une centaine de personnes à l’Assemblée nationale, Députés, collaborateurs. Et je suis revenu immédiatement, le jeudi 5 mars de Paris à Saint-Etienne, et dès cette date-là, sur les conseils de l’Agence régionale de Santé, par précaution, même si je n’avais pas de symptômes, je suis resté chez moi, sans activité sociale, plus de manifestations en extérieur, et cela jusqu’au premier tour des élections municipales où je suis allé voter. J’étais donc déjà confiné avant le confinement officiel. J’étais entrainé. Après, je dirai que le mandat d’élu Député a complétement été bouleversé par la crise sanitaire puisque comme vous le savez nous ne siégions plus dans l’hémicycle, ça réouvre très progressivement, avec beaucoup de précaution. Et puis progressivement nous avons pris dès les premiers jours des habitudes de travail par visioconférence : nos réunions de groupe, nos interpellations des ministres et membres du gouvernement, beaucoup d’auditions dans le cadre de la CACE. J’ai été chargé d’une mission très importante qui est la mesure de l’impact de la crise sanitaire sur la vie associative et sur le sport amateur en particulier. On a auditionné une soixantaine d’acteurs toutes les semaines par visioconférence pour bien mesurer et proposer un certain nombre de mesures de relance pour la vie associative et pour le sport. Et puis nous avions également chaque jour des interpellations de nos concitoyens. Ce n’est plus des permanences physiques, ce ne sont plus des rendez-vous comme on a l’habitude de le faire, avec des acteurs de l’économie ou des acteurs de la circonscription, mais ce sont des mails, des messages, et nous avons fait remonter du terrain un certains nombres de préoccupations donc nous avons beaucoup travaillé pendant cette période de confinement et cela va continuer. Je suis remonté 2 fois à Paris, pour poser des questions d’actualité au Gouvernement. Une première sur le sport amateur et une deuxième sur le fonds d’indemnisation pour les victimes les plus graves du Covid et là je suis en train d’écrire deux rapports parlementaires pour le 15 juillet et le 23 juillet. Le premier rapport sur une évaluation sur la loi Braillard sur le sport du 1er mars 2017 et le deuxième, avec ma collègue Nathalie Sarles, Député En marche du roannais, au sein du conseil d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, qui concerne Parcoursup et l’évaluation de l’accès à l’Enseignement supérieur, la loi dite « Orientation et réussite des étudiants ».
GC : Est-ce que les moyens de communication que vous utilisez sont sécurisés ?
RJ : Non pas du tout. On utilise beaucoup Zoom. Il a été dit pendant la période que ce n’était pas un moyen sur et fiable. Il nous arrive d’utiliser Team, qui est beaucoup plus sécurisé. Je ne veux pas faire de promotion, mais l’assemblée nationale n’était pas préparée à fonctionner de manière numérique et à distance, comme beaucoup de secteurs d’activité. Je pense que c’est une leçon que nous devons tirer de la période. La digitalisation a ses avantages. Beaucoup d’argent public est utilisé pour les déplacements pour des rendez-vous physiques à Paris. Mais à l’Assemblée nationale, la joute fait partie de l’exercice. On parle beaucoup autour d’un café. C’était plus compliqué cette semaine. Vous l’avez vu également, cette semaine, les Député avaient des masques dans l’hémicycle, car on ne peut pas respecter, si on est côte à côte les distances de sécurité. Il faut donner l’exemple et se remettre au travail classiquement. On a continué à travailler et nous allons le faire tout le mois de juillet pour prendre des mesures complémentaires de sortie de crise.
GC : Comment se fait la vie d’un député ?
RJ : C’est du jamais vu. En 13 ans de mandat de Député je n’avais jamais vécu ça. Deux choses : d’abord, nous montons à Paris chaque semaine. Ces allés retours font partie intégrante de notre mandat parlementaire. Là, nous avons passé 2 mois et demi constamment chez soi.
GC : et avant comment ça se passait ?
RJ : C’est la sédentarité la pire qui soit. Vous etes assis à votre chaise devant votre bureau en commission ou dans l’hemicycle de 9h à 13h puis de 15h à 20h puis de 21h à minuit avec coupure repas. Ce n’est pas de l’abattage démocratique, notre rôle étant que ça dure le plus longtemps possible, on a mené une belle bataille politique, la retraite concerne tout le monde. On dort à l’Assemblée, il y a des bureaux avec des chambres pour les députés.
GC : et les repas se passent comment ?
RJ : Il a les restaurants, les cafétérias, la buvette parlementaire, là où il y a eu pas mal de cas d’infection. Ce qui était nouveau c’est que c’était week-ends compris, en continue. On a gagné un peu en organisation des débats puisque maintenant les débats d’arrêtent à minuit. Dans le passé il m’est arrivé de faire des séances jusqu’à 3 ou 4h du matin, pour le mariage pour tous en particulier. Donc ne plus aller à Paris, c’est un grand changement. Il y en a un deuxième, c’est que je suis attaché à un mandat ancré sur le terrain qui s’appelle « Engagement : plaidoyer pour le beau mandat de Député » où je dis, ce qui est important c’est d’être ancré sur son territoire et le vendredi, samedi, dimanche, nous avons toute une série de manifestations communales, associatives, au contact des associations, des acteurs, et c’est ça qui manque le plus quand on est confiné. Aujourd’hui la vie associative est réduite à néant. Il n’y a plus rien, y compris maintenant que ça repart très lentement. Même ces week-ends, en ce moment de déconfinement, il n’y a plus aucune manifestation associative programmée. Pour un député c’est un changement radical dans l’organisation de sa semaine et notamment de son weekend.
GC : Est-ce que vous aborder votre rôle différemment ?
RJ : Je pense comme tout Français, je pense que les liens se sont resserrés dans les familles qui n’ont parfois pas l’occasion de se voir souvent. C’est le cas de beaucoup d’élus très engagés qui voient peu leurs enfants et leurs épouses. C’est vrai que c’est un moment qui peut être important. Jean-Claude Tissot m’en parlait encore la semaine dernière c’est la première fois qu’il revoyait ses deux garçons qui sont à Lyon. Pendant deux mois ils se sont retrouvés. C’est important.
GC : c’est ce que disent tous les invités, on est revenu aux sources avec la famille
RJ : oui c’est ça. Puis aux valeurs et aux gestes les plus basiques
GC : On parle beaucoup du remaniement, vous êtes un député d’opposition, est-ce que vous pensez qu’il va y avoir un nouveau Gouvernement ? Est-ce que ça va entraîner une nouvelle politique ou est-ce qu’on est partis pour continuer ?
RJ : Traditionnellement il y a des remaniements gouvernementaux après des élections intermédiaires. Est-ce que ça concernera le premier ministre ou pas ? Même s’il est élu Maire, il pourrait rester à Matignon. Après tout pourquoi pas mais il va y avoir des changements ? Bien sûr. Ce gouvernement ne sort pas indemne de la crise que nous venons de traverser. Vous savez, je suis particulièrement critique sur la gestion. Il y a d’ailleurs deux commissions d’enquête qui viennent de démarrer leurs travaux, une à l’assemblée nationale l’autre au Sénat et qui seront chargés d’établir les responsabilités politiques. Pourquoi n’y avait-il pas de plan d’anticipation ? Pourquoi n’avons-nous pas eu les masques en temps et en heure ? pourquoi nous n’avions pas anticipé de dépistage massif et systématique de la population ? Pourquoi un certain nombre de blouses ou de matériel ont manqué aux soignants, ceux qui étaient en première ligne ?
GC : qui va donner les réponses ?
RJ : Les commissions d’enquete. C’est le rôle du parlement de contrôler l’action du Gouvernement. Ce n’est pas au Gouvernement de s’auto-contrôler. Deuxièmement, il y a un certain nombre de citoyens malades de la Covid 19 ont décidé de constituer une procédure judiciaire au pénal et au civil en attaquant l’Etat pour son absence de décisions sur un certain nombre de sujets. Ce sont des procédures longues. C’est la cour de justice de la République qui est saisie. Et puis il y a une troisième voie que nous avons souhaité porter depuis le 20 avril dans un courrier adressé au Premier Ministre avec mon collègue Christian Hutin. Il est dans mon groupe Socialiste et apparentés. Moi je suis Député Génération.S, il est député chevennementiste, donc nous sommes deux députés apparentés. Il est spécialiste de l’amiante, c’est une question que nous connaissons beaucoup ici, dans cette région industrielle et ouvrière. Nous avons souhaité écrire au Premier Ministre pour lui demander la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes les plus graves du coronavirus pour ceux qui ont eu des séquelles temporaires et définitives. Olivier Véran, devant l’Assemblée nationale a déclaré fin avril « nous reconnaitrons de façon automatique et systématique en maladie professionnelle pour les soignants malades ». Ce qui est très bien. Ils sont applaudis tous les soirs à 20h, il est normal qu’il y ait une reconnaissance de la nation du fait qu’ils aient été en première ligne. Mais c’est insuffisant. Ce que nous disons nous c’est qu’il y a eu des malades qui ont été atteint qui peuvent être des personnels de santé non soignants, je pense notamment aux agents d’entretien dans les hôpitaux qui peuvent avoir contracté la covid 19. Cela peut être aussi d’autres travailleurs qui ont été soit en première ligne soit en deuxième ligne. On les souvent cités en exemple : les éboueurs, les livreurs, les hôtesses de caisse dans les grands magasins, les enseignants qui ont assurés la classe pour les familles des personnels soignants, les résidents en EPAHD, les bénévoles associatifs. Ceux qui sont venus prêter main forte avec la réserve sanitaire de l’hôpital ou dans les EPAHD mais les bénévoles aussi qui ont assuré la continuité des missions des associationfés de solidarité. Pour la banque alimentaire de la Loire, s’il n’y avait pas eu un certain nombre d’actifs pour remplacer les bénévoles séniors, elle n’aurait pas pu venir en aide aux personnes les plus démunis pendant cette crise, comme le secours populaire français, les restos du cœur. Les résidents en EPAHD surtout. Les plus de 65 ans sont pour près de 90% des victimes de la covid 19. Ils sont retraités, ce n’est donc pas la maladie professionnelle. Et puis ceux qui ont tenus les bureaux de vote : les élus, les personnels administratifs, les assesseurs… Il y a eu des cas de propagation du virus à ce moment là. Ce que prévoit le Gouvernement, c’est une reconnaissance automatique pour les personnels soignants, c’est très bien, une reconnaissance éventuelle au bout d’une procédure longue et incertaine pour les autres catégories notamment ceux de première ligne ou de seconde ligne. Ce n’est pas satisfaisant car on oublie du monde qui ont des séquelles qui donnent des incapacités, à la vie personnelle, familiale mais aussi à la vie professionnelle, qui peuvent déboucher sur une privation d’emploi. Il faut une réparation spécifique. C’est ce que permet le fonds d’indemnisation et on l’a voulu sur le modèle de celui de l’amiante. On a une fin de recevoir pour le moment du Gouvernement mais nous ne baissons pas les bras. Le texte est au Sénat et puis nous allons continuer à nous battre avec Christian Hutin avec les associations de victimes comme coronavictime, avec la fédération nationale des accidentés du travail et du handicap, l’association nationale des victimes de l’amiante, et les salariés qui soutiennent cette idée de fonds d’indemnisation c’est-à-dire que l’Etat reconnaisse sa faute, sa responsabilité et elle met une solidarité nationale, financière, pour réparer les préjudices subis.
GC : Pendant le confinement j’ai vu passer énormément de lettres ouvertes du député Juanico, comment ça se passe pour ces lettres que vous avez signées, pour ces tribunes, on vous sollicite, c’est vous qui en êtes à l’origine ?
RJ : Oui, bien sûr, un rôle essentiel du député et donc d’un groupe aussi de députés à l’Assemblée Nationale c’est aussi de faire remonter les infos du terrain par exemple les primes exceptionnelles pour les agents de la fonction publique territoriale, très tôt sur les EHPAD nous avons eu des cris d’alarme des familles pour ce qui se passait. Donc alerter le gouvernement sur ce qu’il se passait, les primes pour les aides à domicile ou les auxiliaires de vie qui ont été oubliées à un moment par exemple, se mobiliser pour ça. Se mobiliser pour qu’on puisse produire en France de la chloroquine aussi même c’est un sujet qui a fait débat. Aussi, par exemple, par rapport à tout ce qui est relatif à la production d’oxygène ou de bouteilles d’oxygène pour les malades à l’hôpital, pour toutes ces questions là effectivement on s’est mobilisés, sur les masques aussi bien évidemment, sur la baisse de la tva sur les masques. Les questions tout simplement pratiques mais aussi toutes les questions que nous faisaient remonter les secteurs d’activité qui étaient les plus touchés notamment au début de la crise : les restaurateurs, l’événementiel, les travaux publics, tout cela a fait l’objet de courriers, alors cela ne veut pas dire qu’on a des réponses très vite ou systématiquement mais en tout cas c’est notre capacité en tant que députés à interpeller le gouvernement, les pouvoirs publics de façon plus générale, l’opinion.
GC : Sur le sport amateur, on a parlé des gens qui vont attaquer le gouvernement sur la crise du covid. On a regardé un peu tout ce qui s’est passé en Europe, est-ce qu’on a été si mauvais, est-ce qu’on aurait pu faire mieux et comment vous jugez ça vous de votre point de vue personnel
RJ : On va tirer le bilan quand cela sera le moment. Il faut faire très attention c’est-à-dire qu’aujourd’hui on voit bien qu’il y a la possibilité d’une deuxième vague ce que nous avions nous même écrit avec mon collègue sénateur Jean-Jacques Lozach sur la question du report des Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo quelques jours avant que la décision soit prise en disant : il peut y avoir un foyer d’infection très important en Amérique du Sud, en Afrique. Ça n’a pas été le cas en Afrique pour le moment, c’est le cas en Amérique du sud. C’est l’hiver là-bas mais c’est surtout relatif à des questions de densité, de pauvreté, par exemple au Brésil.
GC : Et si je ne dis pas de bêtise j’ai vu qu’en Afrique il y a une population très jeune
RJ : Oui très jeune voilà, avec des facteurs immunitaires voilà qui sont notamment ceux traditionnellement déclenchés pour par exemple le paludisme. Donc on voit qu’il y a une résistance mais par contre qu’en Amérique du sud c’est un foyer très important aujourd’hui de possible poursuite de contamination de pandémie mondiale et peut être à la rentrée en automne on ne sait pas, de retour en Europe donc il faut être extrêmement prudents par rapport à tout ça et bien évidemment se prémunir se préparer si jamais il doit y avoir une deuxième vague.
GC : Quand on est député est-ce qu’on a des informations que le public ou le citoyen lambda n’a pas ?
RJ : Non parce qu’en général tout est dans les médias quasiment de façon instantanée. Toutes les auditions que nous avons pu mener, que ce soit le conseil scientifique, que ce soit l’interpellation du gouvernement très directement sont réalisées en direct, tout cela est public après bien évidemment vous ne pouvez pas empêcher les réseaux sociaux et certains réseaux de déformer la réalité. C’est très compliqué de lutter contre ces fausses informations qui circulent et il y en a eu beaucoup.
GC : En janvier, février on sentait quelque chose de pas bon qui arrivait et on a l’impression que l’Etat n’a pas vraiment bougé, vous avez eu des infos ? On était sûr que c’était en Chine que c’était très loin et pas chez nous, qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
RJ : On va décrypter la chaine de responsabilité et la chronologie des faits. Ce qui est gênant c’est que Agnès Buzyn a reconnu qu’elle était informée depuis des longues semaines, qu’elle avait informé le gouvernement, le premier ministre et le chef de l’Etat et qu’elle-même disait que tenir des élections municipales c’était une folie, il y a des choses à revoir et notamment dans l’organisation de notre système de santé et dans sa capacité à pouvoir réagir dans ces crises qui sont extrêmement violentes. Plus de 30000 décès aujourd’hui, près de 150000 personnes qui ont été malades, 100000 hospitalisations et parmi elles peut être plus 40 000 malades avec des séquelles assez graves. Quand vous avez été intubé dans un service de réanimation ou sous respirateur artificiel vous avez des séquelles importantes.
GC : Ça doit vous faire bondir quand vous disiez que le CHU va fermer des lits ?
RJ : D’abord il faut tirer le chapeau à tous les personnels du CHU à tous les personnels : soignants, non soignants, tous ceux qui participent évidemment aux soins au quotidien. Et puis on a été exemplaires au CHU de Saint-Etienne parce qu’on a mené des actions dans le cadre de la covid 19 sur le vaccin, sur le traitement, des équipes de recherche qui étaient au niveau international mais aussi en partenariat avec l’école des mines sur l’infiltration des masques. Donc on voit qu’on a un CHU qui est à la pointe finalement de la recherche scientifique, il y a des équipes médicales extrêmement performantes et notre crainte c’est de perdre le U de CHU. Il faut qu’on ait une université pleine, on va en reparler, qui soit adossée au centre hospitalier pour avoir une autonomie. Donc ça c’est déjà le premier point sur lequel il faut absolument préserver notre CHU à St Etienne. Par contre ce qui est très étonnant c’est que dès les premiers jours après le pic de l’épidémie et le fait que les salles de soin, de réanimation, d’urgence aient été moins occupées on a eu de la part de la direction du CHU l’organisation d’un plan avec des réorganisation de lits qui a été mené sans concertation. Comme si on n’avait tiré aucune leçon de ce qui s’était passé. Les français réclamaient plus de soignants, plus de lits, un meilleur système de santé, moins de tarification à l’activité en fonction de la rentabilité des services et on avait l’impression qu’aucune leçon n’avait été tirée. Ce plan de réorganisation n’aboutissait pas forcément à des fermetures de lit, les fermetures de lit avaient eu lieu avant donc ça a provoqué la colère de plusieurs centaines de soignants parce que ce sont des méthodes qui ne sont plus acceptables. Il faut aujourd’hui des gouvernances qui sont partagées, de la concertation, de la communication : les gens ne supportent plus que tout descende, qu’on leur parle de réorganisation alors qu’ils sortaient de trois mois, très fatigués avec une action exemplaire.
GC : On gère des hôpitaux comme des entreprises, on fait passer l’économie avant tout est ce que les services publics en 2020 ils doivent être rentables ou alors on peut dire qu’il y a des services qu’on est obligés d’assurer, est-ce qu’il y a des services où on est obligés de perdre de l’argent. En gros est ce que les Services publics doivent être rentables ?
RJ : Non ils ne doivent pas être rentables. On a vu l’exemplarité et l’utilité des services publics surtout des fonctionnaires qui les servent, que ce soit les services de santé, l’école, l’éducation : on a vu une mobilisation exemplaire et ça se termine là dans quinze jours avant les vacances scolaires. On l’a vu sur le service public de l’emploi, il faut voir l’impact considérable des nouveaux chômeurs que va engendrer la crise économique et les situations de pauvreté et de précarité donc on va avoir besoin plus que jamais de service public forts, d’un Etat fort et qui soit capable de remettre la main sur un certain nombre de productions qui ont été envoyées à l’étranger
GC : En tant que député ça ne vous fait pas bondir qu’on n’est même pas capables d’avoir des masques en Europe ?
RJ : Oui, ou le paracétamol et de le produire sur notre sol.
GC : Et qu’est-ce qu’on peut faire ? quand on est député on a un certain nombre de pouvoirs ?
RJ : On voit qu’il y a un certain nombre d’entreprises qui étaient dans des situations de liquidation judiciaire, en situation de reprise. Là ça vaut le coup pour l’Etat de se dire voilà je mets la main, même si c’est provisoire, sur une entreprise, je la rends publique mais pour pouvoir contrôler sa production et pour pouvoir assurer une autonomie.
GC : J’ai envie de vous dire après deux mois de covid on a envie d’un peu plus de gauche
RJ : Alors bien évidemment la gauche défend le service public, défend aussi la fonction publique, les fonctionnaires et je crois que c’est important que nous puissions remettre la question de la transition écologique, avec la question de la démocratie : il y a un besoin fort aussi de concertation, de décisions qui ne tombent pas d’en haut, pas de décision autoritaire. On a besoin de mener ces transitions-là de manière commune, simultanée, d’aller vers plus d’écologie ou de social. On l’a vu avec le revenu universel c’est un débat qui revenait beaucoup de façon à assurer un revenu décent à des catégories de populations. Mais aussi la démocratie, on a besoin notamment dans les périodes de crise de pouvoir emporter l’adhésion de nos concitoyens et ça passe par beaucoup plus de modes de décision qui ne soient pas descendants mais bien ascendants
GC : Vous l’avez évoquée l’université, quel est le danger de disparaitre, de fusionner et que Lyon prenne la main sur Saint-Etienne
RJ ! Il est très fort, c’est l’exemple même d’un projet qui a été mené en catimini. On a perdu en route Lyon II et l’INSA dans le projet initial et la fusion programmée avec Saint-Etienne qu’on a découvert très tard ça s’est fait un petit peu dans l’entre soi du monde universitaire. Heureusement qu’il y a eu un certain nombre d’alertes, Pierrick Courbon ça fait longtemps que ça soit au département ou au conseil municipal avait alerté sur ce problème. Maurice Vincent l’ancien président de l’université Jean Monnet qui connait bien ses affaires là aussi. L’ex-doyen de la faculté de médecine dit qu’on va perdre complètement notre identité, notre spécificité. Il faut que nous soyons à taille humaine mais avec vraiment comme je le disais tout à l’heure des pôles d’excellence remarquables identifiés à Saint-Etienne. Avec la fusion, ils seraient dilués dans l’ensemble de l’université lyonnaise qui est un mastodonte. Donc tout ça s’est fait un petit peu dans le dos des décideurs, des pouvoirs publics et des collectivités. L’université de Saint-Etienne est une université de taille moyenne mais avec quand même plus de 20000 étudiants et qui est pluri disciplinaire, qui offre quand même un panel de disciplines très très complet, qui travaille bien avec les écoles d’ingénieur, des mines, avec télécom et aussi avec son CHU et un tissu industriel avec un taux d’insertion professionnel qui est extrêmement bon pour les étudiants qui sortent de Jean Monnet. Et puis Jean monnet ce n’est pas que Saint-Etienne, c’est Roanne et son IUT c’est ses formations d’ESR, c’est la Haute-Loire. C’est tout un territoire. Or là on perdra à la fois la personnalité juridique et morale de l’université, ce n’est plus les stéphanois qui décideront de façon autonome notamment sur l’affectation des enseignants, sur un certain nombre d’orientations stratégiques : ce sera décidé à Lyon. Et deuxièmement on perd le nom, Saint-Etienne est complètement gommée, Saint-Etienne deviendra l’université de Lyon. Ça a déjà été fait d’ailleurs on en a peu entendu parler mais sur les marketings territoriaux, entre les deux pôles métropolitains, Saint-Etienne a complétement disparu. Donc c’est à rebours de ce dont on a besoin, on a besoin de relocalisations. Il y a un besoin de reterritorialisation, d’avoir les gens à protée d’engueulade comme je le dis ou des élus locaux proches. Arrêtons de faire des grandes agglomérations, des grands pôles métropolitains où la décision est très éloignée des citoyens sur le terrain. Je suis élu au conseil départemental en plus d’être député mais ce sont des mandats qui se complètent, ce sont des mandats de terrain : on peut nous engueuler. On est à portée d’engueulade. C’est de ça dont nous avons besoin. Et je dis, la spécificité l’université de Saint-Etienne c’est son agilité. On ne veut pas être une succursale de Lyon. On veut continuer à cultiver notre spécificité. C’est comme ça qu’on peut continuer à choisir les meilleurs. Moi j’ai alerté très tôt, en janvier, à l’Assemblée nationale, dans l’hémicycle, de façon très solennelle, sur le risque d’absorption par Lyon. Je l’ai fait deux fois pendant la crise sanitaire en interpellant la Ministre, Frédérique Vidal. On a compris qu’elle était gênée. Entre temps, grand promoteur de ce projet de fusion entre Lyon et Saint-Etienne, Khaleb Bouabdallah a été muté à Montpellier. On sent donc que le Gouvernement est sur le recul. Et si le soutien des collectivités publiques disparait, puisqu’à Lyon nous allons changer de Gouvernance avec la victoire des verts, la région c’est fluctuant, ils diront ce que les maires lui diront de faire, et puis on voit qu’il y a un changement de pied total du maire de Saint-Etienne qui est absent de ce projet. Il avait soutenu avec Laurent Wauquiez l’IDEX, ce grand projet indissociable de la fusion pour obtenir plus de crédit et qui aujourd’hui dit le contraire, qu’il faut des conditions, il faut qu’il y ait le nom de Saint-Etienne, il faut continuer à décider. Ce n’est pas possible. Il faut stopper le projet. On a beaucoup d’alliés à Lyon, je les ai au téléphone régulièrement. A Paris ça branle dans le manche, du coté de Vidal. On a une fenêtre d’opportunité pour mettre en échec ce projet dangereux et trouver un plan B, organiser un fédéralisme, des coopérations. Avec Pierrick Courbon, nous sommes pour des coopérations, mais pas le fait d’être dans une fusion absorption d’ici 2022 qui passera en force. Ce n’est pas du tout le sens de l’histoire. Il y a des procédures jusqu’en 2021 et le jury de l’IDEx décidera fin janvier 2022. Mais le processus a été rendu assez inéluctable, et on ne peut pas dire comme Madame Cotier, la Présidente de l’Université Jean Monnet, que ce n’est pas aux collectivités de décider car les collectivités investissent beaucoup sur le développement de l’Université de Saint-Etienne, sur les bâtiments en particulier, mais pas simplement. Ça ne peut pas être dans un conseil d’administration où les universitaires font leur petite cuisine entres eux. C’est impossible, c’est pour cela que nous sommes montés au créneau.
GC : Beaucoup de gens m’ont contacté à ce sujet et il semblerait que ce soit déjà fini. Que les lyonnais allaient nous manger et que nous n’avions pas notre mot à dire.
RJ : Non ce n’est pas fini. Il y a beaucoup de contestations, y compris à Lyon, encore plus à Saint-Etienne. Une pétition du collectif Jean Monnet a été lancée la semaine dernière et recueil déjà plus de 1500 signatures. Les choses vont très vites et nous sommes résolus à mettre en échec ce projet.
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.
Laisser un commentaire