Lors de la séance de Questions d’Actualité au Gouvernement du mardi 11 février, j’ai interrogé la Ministre des Sports, Roxana Maracineanu, après les témoignages des victimes d’agressions de ces dernières semaines, sur les moyens humains de l’Etat consacrés à la lutte contre les violences sexuelles dans le sport.
Si la Ministre s’est voulue rassurante sur ses intentions et a annoncé l’organisation d’une convention nationale de prévention des violences dans le sport le 21 février prochain ainsi que des avancées législatives sur le contrôle de l’honorabilité des bénévoles et le renforcement des contrats de délégation passés avec les fédérations sportives lors de l’examen de la loi « sport et société », le Gouvernement n’apporte pas à ce stade les garanties que des moyens suffisants seront mobilisés sur cette question.
Nous avons pourtant besoin d’un Etat fort dans le sport, dans ses missions de régulation, de contrôle, d’inspection, pour veiller à l’intégrité morale et physique des sportifs. Nous avons besoin des 1600 Conseillers Techniques et Sportifs (CTS), d’abord, à condition qu’ils restent bien des agents de l’Etat, mais aussi les personnels jeunesse et sports des services déconcentrés, or ces derniers croulent déjà sous la charge de travail et doivent être absorbés par l’Education Nationale à partir de juin avec pour mission principale le Service National universel.
Auront-ils les moyens humains à la hauteur et une priorité claire donnée dans leur mission de terrain au contrôle des clubs sportifs sachant que le nombre des inspecteurs jeunesse et sports a diminué de 25% en dix ans ?
La ministre n’a pas donné d’indication claire sur la résolution rapide de la crise qui touche les CTS et l’incertitude qui pèse sur la pérennité de leur statut depuis un an et demi alors que tous les éléments sont à l’arbitrage au sommet de l’Etat.
Les pouvoirs publics doivent rassurer les nombreux parents qui se posent légitimement des questions sur l’accueil de leurs enfants dans les clubs.
Le détail de la question :
Madame la ministre des Sports, Roxana Maracineanu,
Alors que la parole glaçante des victimes se libère dans de nombreuses disciplines sportives bien au-delà du patinage artistique, je voudrais d’abord dire, que vous nous trouverez toujours à vos côtés pour renforcer les politiques publiques permettant de mieux prévenir et de lutter contre les violences sexuelles.
Je pense au travail de prévention exemplaire auprès des jeunes sportives et sportifs mené depuis avril 2019 par le ministère des Sports avec l’association « Colosse aux pieds d’argile ».
Les pouvoirs publics doivent aujourd’hui rassurer les nombreux parents qui se posent légitimement des questions sur l’accueil de leurs enfants dans les clubs.
Vous avez déclaré madame la Ministre « Plus que jamais on a besoin d’une présence de l’Etat au sein des fédérations ». Je partage ce point de vue. Nous avons besoin d’un Etat fort dans le sport, dans ses missions de régulation et de contrôle, pour veiller notamment à l’intégrité morale et physique des sportifs.
En ce qui concerne la gouvernance des fédérations, la loi du 1er mars 2017 dite «loi Braillard » stipule que les fédérations sportives doivent se doter d’une charte éthique et de déontologie, mais aussi d’un comité chargé de veiller au respect de ces règles d’éthique. Or, ces comités d’éthique ne se réunissent pas ou très peu.
D’autre part, la vérification du casier judiciaire n’est pas obligatoire pour qui veut entraîner ou encadrer bénévolement dans un club sportif, pas plus que l’examen du fichier automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes.
Si nous voulons pouvoir contrôler les antécédents des bénévoles encadrants, il y a nécessité de faire évoluer la Loi rapidement : pouvez-vous nous assurer que la loi Sport et Société sera bien examinée en 2020 ?
Enfin, pour un contrôle effectif des quelques 300 000 clubs sportifs dans nos territoires, nous avons besoin d’agents de l’Etat disponibles et en nombre pour réaliser ce travail de proximité.
Les 1600 Conseillers Techniques et Sportifs, d’abord, à condition qu’ils restent bien des agents de l’Etat, mais aussi les personnels jeunesse et sports des services déconcentrés, or ces derniers doivent être absorbés par l’Education Nationale à partir de juin avec pour mission principale le Service National universel.
Pouvez-vous nous garantir que des moyens humains suffisants seront bien mobilisés au niveau de l’Etat sur la question des violences sexuelles dans le sport ?
La réponse de Roxana Maracineanu, Ministre des Sports
Monsieur le député, la présence des cadres d’État au sein des fédérations et l’organisation territoriale d’un ministère des sports avec une mission de protection des publics est une spécificité du modèle sportif français. Je le dis clairement : c’est une chance dans l’actualité du sport telle qu’elle survient aujourd’hui. Cela donne en effet au monde fédéral, au monde associatif, la possibilité de veiller à la lutte contre la pédocriminalité dans le sport.
Vous vous doutez bien que les témoignages des victimes, la gravité des crimes, leur nombre, leur persistance dans le temps et l’impunité dans laquelle ils se sont déroulés sont aussi choquants et bouleversants pour le grand public et le mouvement sportif que pour l’État et ses agents, en particulier ceux de mon ministère. Je remercie ces derniers pour leur mobilisation en urgence pour recueillir la parole qui se libère chaque jour.
Le 21 février prochain, avec Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, nous réunissons tous les acteurs, dont les parlementaires, pour une convention nationale de prévention des violences dans le sport. La pédocriminalité n’est pas un sujet spécifique au sport. Un enfant sur cinq en est victime en Europe, et le sport doit apporter sa pierre à l’édifice d’une société plus sûre pour nos enfants.
Au-delà de la mobilisation des fonctionnaires, tout le monde doit pratiquer une vigilance de chaque instant et s’approprier le pilotage des actions à mener main dans la main avec les collectivités et le mouvement sportif. Cette appropriation devra passer par la « loi sport » que vous évoquez s’agissant du contrôle de l’honorabilité des bénévoles, mais aussi d’un renforcement des contrats de délégation passés avec les fédérations délégataires affinitaires et agréées.
Elle devra aussi passer par des actions éducatives, de formation et de prévention ; sensibiliser les enfants sur le rapport à leur corps ; former les éducateurs sur les limites à poser et à respecter dans les relations particulières qui les lient inévitablement aux athlètes dans la recherche de performance ; agir pour dire qu’il est important de parler, de dénoncer, de signaler, de se coordonner pour un processus de signalement efficace à la justice entre les associations spécialisées, les familles, les municipalités, les service et les agents de l’État et les fédérations.
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