Le Gouvernement annonce depuis un mois que les Français nés avant 1975 ne seront pas concernés par la réforme des retraites. Pourtant, la page 382 de l’étude d’impact dit le contraire :
« Bien que les assurés nés avant le 1er janvier 1975 ne soient pas concernés par le système universel de retraite, ils seront redevables du même niveau de cotisations que les salariés qui en relèvent. »
En clair, tous les Français qui ne prendront pas leur retraite avant 2025 devront cotiser plus pour le nouveau système universel sans aucun bénéfice pour leur pension.
D’après les données du Gouvernement, un fonctionnaire au SMIC né en 1974 et qui partirait à la retraite à 65 ans soit en 2039, aura vu ses cotisations de retraite augmenter de 8€ par mois, chaque année, pendant 14 ans, sans aucun droit nouveau ou majoration de sa pension.
Cela représente pour lui 4608€ de cotisations à fonds perdus, c’est du vol !
Interrogé hier soir par les députés de notre groupe sur ce sujet, le Ministre a refusé de nous répondre et on le comprend, car ce sont près de 11 millions de Français qui seraient concernés !
Mes interventions en Commission Spéciales :
Ce que j’entends dans la bouche du rapporteur, ce sont les arguments qu’on a déjà entendus sur le débat sur la pénibilité il y a quelques années comme quoi les différences d’espérance de vie en bonne santé seraient dus à des comportements sociaux, hygiène de vie…etc . Tout cela a été battu en brèche ces dernières années. Il y a un consensus pour dire que les chiffres donnés par la DARES, par l’INED sont extrêmement clairs. L’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier à 35 ans de travail est de 6 ans et de 10 ans en bonne santé. C’est un écart phénoménal. Cela veut dire que si on ne le prend pas en compte dans le système que vous êtes en train de mettre en place, cet écart va s’accentuer systématiquement et mécaniquement chaque fois qu’on avancera dans le temps. Avec l’âge de départ réel à la retraite, vous allez pénaliser un certain nombre de nos concitoyens parmi les plus modestes et en particulier les catégories « ouvriers » et « employés » qui sont les plus touchés par cet écart d’espérance de vie en bonne santé. Je ne comprends donc pas l’argument sur l’hygiène de vie, mais peut-être allez-vous nous l’expliquer cela en détail ?
Cet amendement à l’Alinéa 7 vise à substituer au terme imprécis et flou de « garantie d’un niveau de vie satisfaisant des retraités » par les mots « garantie d’un niveau de vie des retraités comparable à celui des actifs ». Nous avons aujourd’hui un système de retraites, que nous souhaitons améliorer d’ailleurs, qui se caractérise par un haut niveau de remplacement, c’est-à-dire que le pourcentage de l’ancien revenu perçu quand on arrive à la retraite est de 75%. Nous avons aussi un système de retraites qui se caractérise par l’un des plus faibles taux de pauvreté au monde, autour de 7,5%. Que nous a dit le Président du COR, lors de son audition la semaine dernière ? Il a indiqué que le niveau de vie relatif des retraités aux actifs était de 106%, mais il a ajouté qu’il allait évoluer ce niveau de vie relatif, avec ou sans réforme. Mais que d’ici à 2050, il baissera à 75% soit une perte de 30% de niveau de vie relatif. Donc , que ce soit sur le PIB qui passera de 14 à 13% comme Valérie Rabault l’a dit hier, moins 25 milliards d’euros en moins pour les retraités, que ce soit sur le minimum contributif comme l’a bien dit Boris Vallaud, on est à 85% au début mais vues les règles d’indexation, on baisse à 75%. Avec l’âge pivot également, 3 ans de plus d’âge de départ à la retraite, mais aussi structurellement , on engage une baisse de taux de remplacement. On sait qu’on va vers une dégradation et une paupérisation des retraités. Donc cet amendement vise à ce que l’on puisse indexer le niveau de vie relatif aux actifs.
Nous voulons supprimer l’Alinéa 8 tout simplement parce que c’est une publicité mensongère. Il n’y aura pas de liberté de choix pour les Français. Et d’ailleurs les Français, avec votre réforme, sont dans un brouillard épais. On l’a vu tout à l’heure avec la question du taux de remplacement. Il est l’un des meilleurs au monde et vous êtes aujourd’hui incapables de nous assurer que ce taux de remplacement restera à un haut niveau pour les Français. On l’a vu avec le taux de pauvreté, on a un des taux de pauvreté les plus faibles au monde. Là aussi, par rapport à ces deux indicateurs-là : aujourd’hui les Français ne savent pas dans quelles conditions ils pourront partir à la retraite et à quel montant de pension. D’ailleurs, vous avez indiqué qu’il y aurait un simulateur qui serait à la disposition de nos concitoyens, mais seulement après l’adoption définitive du Projet de Loi sur les retraites. Il y a aujourd’hui énormément de scepticisme et donc la liberté de choix suppose qu’il y ait une absence de contraintes. Avec l’âge d’équilibre, ou l’âge pivot, c’est la même chose, nous sommes dans une mécanique redoutable qui aujourd’hui fait que le choix de partir à la retraite sera d’abord commandé par un calcul économique. Et on l’a montré hier avec l’exemple de l’ouvrier qui commence sa vie active à 20 ou 21 ans avec 43 ans de cotisation et qui devra attendre 65 ans et qui aura une décote souvent de 10% ou de 5%. Alors que le cadre supérieur qui commencerait sa vie active à 25 ans avec 43 ans de cotisation aurait une surcote, ensuite de 10%. Voilà l’inégalité majeure. Et il n’y aura pas de liberté de choix.
Ambroise Croizat a beaucoup été cité hier soir, je ne sais pas ce qui circule ce soir dans les boucles Télégram d’En Marche. Ce semble être Michel Rocard, visiblement. Établir une filiation entre la contre-réforme que vous engagez sur les retraites et Michel Rocard, que j’ai un peu côtoyé, Jean-Luc Mélenchon le connaît très bien, je pense que chez les Députés En Marche, le seul qui le connaisse à peu près et qui est présent ce soir c’est Jacques Maire. Jamais Michel Rocard dans son Livre Blanc, en 1991, n’a fait allusion au système que vous allez engager. Et je veux simplement rappeler que jamais il n’aurait engagé un type de réforme comme celle-ci. C’était un farouche défenseur du dialogue social, du compromis social. Il n’aurait jamais engagé une réforme avec 10 semaines de mobilisation syndicale, contre les syndicats de salariés qui nous ont tous dit qu’ils n’étaient en aucune manière demandeurs de cette réforme et il respectait profondément le Parlement. Il n’aurait jamais produit une étude d’impacts aussi indigente et court-circuité le Parlement.
J’entendais tout à l’heure que les femmes seraient les grandes gagnantes de votre contre-réforme. Que nous dit l’économiste Guergoat-Larivière ce matin dans Le Monde ? Elle nous dit que les femmes ont tout bonnement disparu des cas types dans l’étude d’impacts. Les 6 cas types présentés pour les salariés sont des cas de carrières masculines : 5 carrières complètes et un carrière heurtée caractérisée par un chômage de longue durée à partir de 42 ans. Loin des carrières féminines, caractérisées par l’interruption plus longues, en fonction du nombre d’enfants, la reprise d’emploi, souvent à temps partiel et les passages aussi de chômage. Plus problématique, c’est que le calcul pour les pensions des taux de remplacement de ces 6 cas types a été réalisée, dans l’ensemble, sans prendre en compte les enfants quand on sait qu’en France, 9 femmes sur 10 en ont, avec un impact fort sur les carrières. Donc, là aussi, nous avons une preuve supplémentaire : les cas types , notamment sur les femmes, sont pipés et truqués.
Monsieur le Ministre disait à l’instant : « nous souhaitons un système « universel » où nous appliquerons les mêmes règles et où nous demanderons les mêmes efforts. » Or, il n’y a pas plus injuste, sur le plan social que le système de l’âge d’équilibre, ou de l’âge pivot, avec le système de malus et la décote puissante. Et Monsieur le Ministre, depuis le lundi après-midi et même un peu la semaine dernière lors des auditions, nous n’avons pas manqué de soulever un cas d’espèce : un ouvrier qui démarre sa vie active à 20 ou 21 ans, qui cotise 43 ans et qui devra partir avant 65 ans avec une très grosse décote, par rapport à un cadre supérieur qui démarre sa vie active à 25 ans, avec 43 ans de durée de cotisation, qui lui partirait après 65 ans et qui aurait une surcote. Est-ce que c’est cela « appliquer les mêmes règles », est-ce que c’est « demander les mêmes efforts » ?
Ce rapport, il est important. Il y a des régimes spéciaux. Il y en a qui vont perdurer. On a cité tout à l’heure le régime des mines, les marins pêcheurs, je n’y reviens pas. Il faudrait en recréer de nouveaux. Aujourd’hui la situation des agriculteurs, par exemple, n’est pas satisfaisante. Comment peut-on se satisfaire, au sein de la MSA, donc un régime spécifique de 1 ,3 million d’agriculteurs qui sont à la retraite, que parmi eux, il y ait 300.000 retraités qui sont en dessous du seuil de pauvreté ? Et qu’on verse les pensions les plus faibles, à 740 euros de moyenne par mois et 580 euros pour les femmes ? C’est complètement inacceptable. Il faut donc qu’on recrée un régime spécial pour ces catégories-là de façon à pouvoir augmenter significativement les pensions de retraite, notamment des agriculteurs, de leur conjoint et des professions associées. Or, aujourd’hui votre projet de réforme des retraites, notamment la revalorisation à 1000€ net à compter de 2022, puis à 85% du SMIC en 2025 ne concernera que les futurs retraités agricoles. En excluant notamment les aidants familiaux, on exclue aussi les collaborateurs qui sont majoritairement des femmes. Donc vous voyez, il y a nécessité d’en créer même de nouveaux des régimes spéciaux.
Le rapporteur disait tout à l’heure « Dans cette réforme, on essaye de prévoir qu’il n’y ait pas trop d’oublis ». Nous, nous souhaiterions que vous n’oubliez pas de répondre à nos questions. Tout à l’heure, Boris Vallaud vous interrogeait précisément sur la situation des fonctionnaires. Les fonctionnaires vont devoir acquitter des cotisations sur leurs primes. Cette hausse des cotisations, même si elle est progressive, va peser sur leur pouvoir d’achat et en particulier pour les fonctionnaires actifs. L’enjeu est important puisqu’il s’élève à 1,8 milliard pour les fonctionnaires de l’Etat et à 1,4 milliard pour les fonctionnaires locaux et hospitaliers. Est-ce que vous considérez que cette évolution convergente de la rémunération nette des agents publics et des salariés du secteur privé est un objectif légitime, oui ou non ? Sinon, comment justifiez-vous cette position ? Considérez-vous que les agents publics sont actuellement privilégiés ? Et si oui, qu’avez-vous prévu pour assurer une évolution de la rémunération des fonctionnaires actifs en lien avec l’évolution de la rémunération des salariés du privé ?
J’aimerais pouvoir vous dire que je suis pleinement rassuré par l’explication que vient de donner le Ministre, avec le tableau récapitulatif de l’étude d’impacts et de la fin d’étude d’impact, mais tout cela ressemble tout de même à une immense usine à gaz. J’hésite entre d’un côté le mikado et d’autre côté Docteur Maboul. Vous essayez de nous rassurer en disant que tout cela est extrêmement clair, que c’est construit brique à brique, que tous les acteurs sont place mais on finit par ne plus rien comprendre. C’est le jeu de bonneteau où finalement, petit à petit, on soulève les gobelets et on s’aperçoit qu’il n’y a plus rien dessous. Nous préférons quand même s’en remettre au Conseil d’Etat, d’où cet amendement, à nouveau, à l’Alinéa n°8, pour que nous puissions avoir une sécurisation juridique et précise, pour que nous puissions rassurer pleinement les Français.
Quand le Rapporteur dit « l’âge moyen de départ à la retraite est de 63,4 ans », il parle du régime général des salariés du privé. Mais si on rajoute le public, les fonctionnaires, et en particulier les catégories actives, on est plus proche d’une moyenne de départ à 62 ans. Or le malus est au cœur de l’injustice de votre système d’âge d’équilibre. Quel est l’enjeu ? C’est un départ à la retraite en bonne santé. L’espérance de vie en bonne santé, dans notre pays, est en dessous de la moyenne européenne. Il stagne depuis 15 ans. Il est autour de 64 ans, soit un an avant votre âge d’équilibre, en 2037. Vous dites qu’il ne faut pas opposer les différentes catégories les unes par rapport aux autres mais la différence entre un cadre et un ouvrier, en matière d’espérance de vie en bonne santé, ce n’est pas 6 ans pour les hommes, c’est 10 ans. Quand vous parlez de supplément de liberté, moi je pense qu’il faut plutôt parler de double peine. Soit, on partira à la retraite pénalisé financièrement, avec votre système de décote. Soit, on partira avec une santé encore plus dégradée.
Pour continuer ce débat sur l’espérance de vie en bonne santé, bien-sûr, ce n’est pas le même concept que la durée de vie sans incapacité dans les gestes de la vie quotidienne. Mais, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 63,5 ans 64 ans d’espérance de vie en bonne santé. C’est un fait, demandez à la DARES, demandez aux services statistiques qui travaillent sur ces sujets-là. Comme l’ont très bien dit François Sivignon et Alfred Spira, deux de nos médecins remarquables, dans Le Monde : « Une retraite tardive, c’est un corps qui s’abîme ». Vous ne pouvez pas le nier. Plus vous allongerez ce départ à la retraite et plus vous aurez de personnes qui partiront dans une situation de santé dégradée. Or, une situation de santé dégradée ça veut dire quoi ? Ça veut dire un coût pour les Finances publiques qui sera exponentiel, multiplié, et notamment les coûts de la dépendance. Donc ce que dit Madame Delaunay n’a aucun sens. Dans le cadre de votre réforme, il y aura des millions et des millions d’euros supplémentaires, parce que les gens seront plus dépendants à la retraite. C’est ça la réalité.
Je voulais revenir, d’un mot, sur le débat que nous avons eu juste avant l’interruption de séance tout à l’heure, sur l’espérance de vie en bonne santé. Je notais qu’aujourd’hui, nous avons une dégradation de l’état de santé générale dans notre pays puisqu’il y a 20 millions de personnes dans notre pays qui sont en affection de longue durée, 1,4 million sont en situation de dépendance. Ce qui représente 70 milliards d’euros à la charge de l’Etat et le rallongement d’années de travail à 64 ou 65 ans, le changement physiologique à cet âge-là, le prolongement de la vie professionnelle, pioche puissamment dans les réserves de ces personnes qui sont concernées. Ce sont donc des dernières années extrêmement coûteuses finalement, notamment pour les Caisses nationales d’Assurance vieillesse. Dans l’étude d’impacts, nous n’avons aucun chiffre sur les conséquences de votre âge d’équilibre qui va allonger le départ à la retraite de ceux qui seront en situation plus dégradée de santé. On aimerait donc avoir des chiffres là-dessus.
– Régis Juanico fait parti de la commission de députés qui étudient le projet de réforme des retraites. Ils doivent passer au crible 70 articles et 22000 amendements……. avant la semaine prochaine ! Lire la suite
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Énorme travail en commission retraites de votre part.
Merci de batailler dur même si je ne crois pas que cela freinera les entreprises réactionnaires de la majorité macroniste de l’Assemblée.
Bon courage et merci encore