J’ai voté contre la proposition de résolution contre l’antisémitisme présentée par Sylvain Maillard (LREM) adoptée par 154 voix contre 72.
Ce texte est inutile car les outils législatifs existent déjà, il faut juste renforcer les moyens financiers pour les faire appliquer.
Nous ne voulons pas faire de différences entre les haines, nous les combattons toutes également. Nous voulons placer la lutte contre l’antisémitisme au cœur du combat contre le racisme et non à part. Le combat antiraciste, pour être efficace, doit rassembler les Français et non les diviser.
Un collectif de 127 intellectuels juifs du monde entier appelle les députés français à ne pas apporter leur soutien à une proposition de résolution sur la lutte contre l’antisémitisme qui associe antisémitisme et antisionisme est, selon eux, « hautement problématique » :
Un collectif du monde entier appelle les élus à ne pas apporter leur soutien à ce texte, qui doit être débattu dès mardi. Lire la suite
Voici l’explication de vote de notre porte-parole, Michele Victory :
Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur,
Chers collègues,
Ce ne sera pas la première fois que l’examen d’un texte nous divise. La proposition que nous examinons aujourd’hui n’échappe pas à cette règle, elle est non seulement inutile mais nous parait porter en elle des germes d’une controverse et d’une instrumentalisation dangereuse dont notre pays n’a vraiment pas besoin.
Bien que la seconde proposition ait été expurgé des éléments qui avaient déclenché nombre de réactions et une inquiétude légitime quant à l’intention de ce texte, le doute que vous avez semé persiste, et vous prenez là la responsabilité des antagonismes.
Car au fond, cette résolution tente d’assimiler deux concepts bien différents : l’antisémitisme, facette insupportable d’un racisme devenu banalement quotidien et l’antisionisme, dont nous voyons bien que si il peut lui arriver de servir des objectifs critiquables ne peut être ainsi stigmatisé et considéré comme un délit : en assimilant ainsi des notions qui recouvrent des positions potentiellement bien différentes, c’est une attaque sourde qui est faite contre tous ceux qui tentent d’apporter leur soutien à tous les peuples dépossédés, déplacés , privés de droits essentiels.
Le droit d’expression inscrit dans le droit français, qui permet à chacun d’exprimer des opinions dans le respect de l’intégrité des citoyens et des états doit être protégé à chaque instant, quelques soient les positions et les convictions qui animent chacun et chacune d’entre nous, comme doit l’être le combat contre toutes les formes de xénophobie, de racisme qui gangrènent beaucoup trop d’esprits, beaucoup trop de notre espace républicain commun.
Ce sont toutes les victimes de propos et d’actes haineux que nous devons protéger avec considération et fermeté et il n’est nul besoin d’en distinguer certaines ou d’énoncer des définitions spécifiques valant pour telle communauté, pour telle religion : il y a à défendre avec conviction les lois républicaines qui ont forgé au cours des siècles la force de l’universalisme et de l’humanisme. Nos lois rejettent et punissent toute forme de discrimination, toute manifestation de haine avec le même objectif, celui de se donner les moyens de lutter contre les dérives, de sanctionner et d’apaiser les tensions.
Nul besoin de compétition entre les formes de haine et de racisme pour rendre justice à ceux qui en sont les victimes, et pour signifier à tous les bourreaux que nous ne fermons pas les yeux, que nous avons accepté ,nous élus de la République comme tout citoyen du monde la mission qui consiste à prêter notre voix aux colères oubliées, aux misérables de tous bords , et à ceux qui attendent que nous disions l’espoir d’un monde plus juste, que nous refusions une triste indifférence à l’égard de leur souffrance.
Le Proche Orient comme tant d’autres parties du monde est en proie à de fortes tensions et à de situations politiques et sociales qui nous divisent mais que l’on doit pouvoir évoquer et discuter de manière respectueuse et sincère.
De très nombreuses personnalités directement concernées par ces problématiques et issues du milieu juif se sont exprimées pour dire leur crainte et le refus d’un texte qui ne peut qu’instrumentaliser les positions des uns et des autres, et qui en fin de compte propose une interprétation outrancière de la notion d’antisionisme . Toutes témoignent du fait que le droit de critiquer la politique menée par un état, quelqu’il soit est une liberté fondamentale de notre démocratie, inscrite dans notre déclaration des droits de l’Homme, et que tenter de » criminaliser » ces prises de position sous prétexte qu’elles puissent porter en elles les germes d’un racisme ou d’un antisémitisme latent n’est ni historiquement, ni politiquement juste.
La tentative d’assimiler la critique de la politique expansionniste de l’état d’Israel, et non pas l’état d’Israel lui-même à une forme moderne et déguisée d’un antisémitisme malheureusement toujours vivant nous choque profondément comme elle choque, je le crois tous les humanistes, toutes les femmes et les hommes engagés sincèrement dans cette approche universaliste de la défense des droits de l’homme.
Cette proposition entend approuver la définition opérationnelle de l’IHRA (alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste). Cette définition qui traine avec elle en annexe des exemples d’interprétation à destination de celles et ceux qui auraient besoin d’une lecture expliquée pour comprendre et se forger un jugement est préoccupante. Certains pays l’ont certes adoptée mais la France en chérissant son modèle de laicité n’a pas besoin de matériel nouveau pour dire son rejet farouche de l’antisémitisme.
Pourtant cette définition n’est jugée acceptable ni par la Commission nationale Consultative des droits de l’Homme ( CNCDH), autorité indépendante qui n’a pourtant pas été auditionnée sur cette douloureuse question, ni par la grande majorité des associations engagées dans les luttes contre le racisme et la xénophobie, vous les avez citées ici chers collègues ; elles sont nombreuses à y voir comme nous le risque flagrant de l’affaiblissement de cette approche à laquelle nous tenons tant, celle qui porte haut l’exigence de transparence et d’impartialité, de justice et de liberté.
Et puisque nos divergences sur cette question ne cessent d’enflammer les débats, nous sommes satisfaits que la conférence des présidents ait actée ce matin la mise en place d’une commission parlementaire qui entendra toutes les parties prenantes et pourra élaborer , peut-être alors, un nouveau cadre de réflexion et de propositions sur lesquelles nous pourrons travailler et nous rassembler.
Alors, oui, si nous voulons renforcer les outils de notre arsenal législatif dans la lutte contre toutes les formes de racisme et de discrimination, peut-être devrons-nous une fois passer au crible toutes les dispositions qu’elles contiennent afin de veiller à ce que rien dans ce domaine ne puisse, par inattention ou par manque de courage laisser des messages et des actes répréhensibles accéder à la banalité, à l’indifférence.
Notre justice a toute capacité à apprécier les dérives qui peuvent se cacher derrière des mots valise, et c’est précisemment ce qui s’est passé récemment lorsqu’un manifestant a pris à partie un philosophe juif en marge d’une manifestation.
Nous ne pouvons et ne devons renoncer à relire les pages les plus sombres de notre histoire, à les scruter à l’aune de l’intelligence collective, de la connaissance, et de la volonté partagée à vaincre le désespoir, la violence et l’injustice. A proposer des médiations, à tenter des chemins de paix, à imaginer de nouveaux outils pour retisser les fils cassés…
Mais il n’est pas de notre rôle de rogner chaque jour un peu plus sur notre liberté d’expression, sur notre capacité d’indignation, sur nos convictions et l’expression de celles-ci.
Il n’est pas raisonnable de nous laisser enfermer dans des visions manichéennes du monde, et d’accepter sans mot dire ces glissements politico-sémantiques qui ne peuvent qu’attiser les violences et exacerber les positions, les sentiments particulièrement forts d’injustice que ressentent ceux qui privés de droits fondamentaux vivent au quotidien ce qu’ici nous ne faisons qu’effleurer dans nos prises de paroles dans un hémicycle douillet.
Nous sommes tous ici, parce dépositaires de la parole d’autrui encore plus que de la nôtre, conscients de l’importance de la justesse des mots, de leur portée symbolique et de leur utilité dans notre désir de changer le monde. Sans arrogance, sans certitude mais avec toute la force de nos engagements.
Alors non, nous ne pouvons pas nous satisfaire pas de cette tentative d’amalgame inutile et singulièrement mal venue !
Nous préférons investir sur des moyens mis en faveur de la justice et de l’école, sur la diversité et la richesse de notre corps social, sur la lecture attentive de nos textes fondateurs, pour parvenir à rendre illégitime toute forme de discrimination.
Plus de justice afin de donner les moyens aux magistrats de veiller à l’application de la loi partout et inlassablement, il est aussi de leur responsabilité de discerner derrière d’éventuels propos affichés comme antisionistes des appels à la haine dont nous ne voulons pas.
Plus d’éducation afin de mettre le respect et le libre arbitre au cœur des enseignements, des pratiques et du quotidien de notre jeunesse.
Plus de solidarité fraternelle pour redonner courage aux exclus de notre société.
C’est de tout cela dont nous devrions nous nourrir et nous enrichir, et c’est la raison pour laquelle notre groupe socialiste et apparentés va proposer une PPR dont l’unique article est de lutter contre toutes les formes de discrimination et de rappeler solennellement notre détermination commune ici, dans l’assemblée du peuple, à lutter contre ce qui nous divise, nous blesse, et nous éloigne de notre humanité.
L’engagement de la France en faveur d’une définition universaliste de de la citoyenneté ne peut se construire sur des critères d’appartenance à des ethnies, des religions, des orientations politiques, ou des particularismes qui ne cessent de se faire entendre. Il y a dans l’histoire tumultueuse de notre République la détermination forte de toujours préférer l’intérêt général et la générosité de l’universel aux revendications particulières en construisant un chemin de liberté, en combattant l’oppression.
Donner à la loi les moyens de notre belle ambition devrait nous réunir aujourd’hui et tout au long de cette mandature, et c’est de notre détermination à sortir des textes incantatoires pour affronter avec réalisme les fractures de notre société.
Nous avons déposé notre propre proposition de résolution du groupe Socialistes et Apparentés visant à lutter contre toutes les formes de racisme, d’antisémitisme et de discriminations dont voici le texte :
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Merci Monsieur.
Vous ne vous êtes pas “défilé” comme la majorité des députés qui se sont arrangés pour ne pas participer au vote.
Avoir le courage de ses opinions est une vertu civique que vous cultivez.