Je suis intervenu, ce mercredi 30 octobre, comme rapporteur pour avis des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative, en Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation pour l’audition de Roxana Maracineanu et Gabreil Attal afin de rappeler qu’il y a bel et bien une stagnation du budget des sports.
Si l’on ajoute les crédits budgétaires et les taxes affectées, les moyens dévolus au sport ont baissé de 15 % entre 2017 et 2019, soit 80 millions d’euros de moins.
Pour le Projet de Loi de Finances 2020, avec 470 millions d’euros, les crédits n’augmenteront que de 1,7 millions d’euros, le budget proposé ne redresse donc pas la barre, il ne fait que stopper l’hémorragie.
Le détail de mon intervention :
Monsieur le président, Madame la ministre, Monsieur le secrétaire d’État, Mes chers collègues,
Au premier abord, l’évolution des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative en 2020 semble particulièrement favorable avec pas moins de 238 millions d’euros de plus en crédits de paiement pour un total d’un 1 milliard 230 millions d’euros de la mission.
Comme pour tout budget, il y a l’affichage et la réalité.
Pour le sport, par exemple, lorsque l’on prend en compte les effets de périmètre, avec le transfert sur le programme 219 de la masse salariale des CTS et que l’on exclut le programme 350 sur les Jeux olympiques, qui relève d’une logique distincte, les crédits consacrés au sport n’augmentent que de 1,7 million d’euros, je parlerai donc de stagnation.
Les crédits dévolus à la jeunesse et à la vie associative augmentent certes de 51,5 millions d’euros, mais cette évolution s’explique très largement par l’inscription de 30 millions d’euros au bénéfice du service national universel, et ce au détriment du déploiement du service civique : celui-ci ne bénéficie que d’une hausse de 2,6 % de ses moyens (+13 millions d’euros), alors que les crédits avaient augmentés de plus de 60 millions d’euros par an en moyenne ces trois dernières années.
Enfin, sur le programme 350, l’on observe un quasi doublement des crédits de paiement en 2020, pour répondre à la hausse des besoins de la Solideo en matière d’opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des JOP. Mais sur les 129,5 millions d’euros inscrits cette année, il semblerait que seulement 28 millions d’euros – soit un peu plus de 20 % – soient fléchés vers les équipements sportifs, et donc bénéficient vraiment au sport dans son ensemble, au titre de l’héritage des Jeux.
Pourriez-vous, Mme la ministre, nous confirmer ce chiffre et nous indiquer quels sont les équipements financés dans ce cadre ?
28 + 1,7 millions de plus dédiés au sport en 2020 on est plus proche de 4% d’augmentation que des 10% affichés
? S’agissant du sport, on observe une stabilisation des crédits à un niveau particulièrement bas, après deux années de forte diminution.
Si l’on ajoute les crédits budgétaires et les taxes affectées, les moyens dévolus au sport ont baissé de 15 % entre 2017 et 2019, soit presque 80 millions d’euros de moins…
Cela s’est traduit par une forte diminution du soutien apporté aux clubs et aux associations sportives sur nos territoires, ainsi qu’aux équipements sportifs. A ce contexte budgétaire très défavorable, s’est ajoutée la suppression des contrats aidés.
Ces évolutions sont en complet décalage avec l’objectif ambitieux fixé par le Gouvernement d’augmenter de trois millions le nombre de pratiquants sportifs d’ici 2024.
Le budget proposé pour 2020 ne redresse pas la barre ; il ne fait que stopper l’hémorragie.
En tout état de cause, madame la Ministre, 1,7 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires plus 28 millions d’euros pour les équipements sportifs au titre de la Solideo, nous sommes plus proches d’une augmentation de 4% pour le sport que les 9,8% affiches…
Je ne peux donc que déplorer que les amendements déposés, par moi-même et plusieurs de mes collègues, en première partie du PLF, pour augmenter le plafond des taxes affectées aux politiques sportives, n’aient pas été adoptés y compris celui voté en séance de 15 millions d’euros, puis annulé du fait du recours par le Gouvernement à une seconde délibération, aux petites heures du matin.
C’est d’autant plus dommageable que les recettes de ces taxes affectées au sport, et notamment la taxe Buffet, dont le rendement augmentera avec la hausse des droits télés du foot professionnel de 25 millions d’euros d’ici 2021 et la taxe sur les paris sportifs dont le produit a augmenté de 80% depuis 2015, sont très dynamiques, et que l’affectation de ces deux taxes répond pleinement à une logique du financement des politiques sportives par l’économie du sport.
On aboutit ainsi à une évolution paradoxale : alors qu’en 2017, 77 % du produit des taxes affectées bénéficiaient au sport, contre 23 % reversés à l’État, la proportion s’est plus qu’inversée, avec, depuis 2018, seulement 35 % des taxes affectées versées au sport et 65 % qui reviennent dans les caisses de l’État.
J’observe par ailleurs que l’exécution budgétaire de 2018 s’avère particulièrement atypique, avec une forte sous-consommation des crédits inscrits : sur les 347 millions d’euros votés par le Parlement sur le programme sport, ce sont plus de 64 millions d’euros qui ont été dégagés en gestion – ce qui relativise la portée de ce que nous votons… – et versés au CNDS pour apurer ses restes à payer.
Là encore, l’on parvient finalement à une situation paradoxale : les taxes affectées au CNDS ont chuté en 2018 de 144 millions d’euros, mais 64 millions d’euros lui sont reversés en fin de gestion 2018. Pour autant, ces sommes ne viennent pas financer des subventions pour les clubs sportifs sur les territoires, mais apurer des restes à payer…
? S’agissant du présent budget, le transfert de la masse salariale des CTS de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sur le programme Sport pourrait s’interpréter comme une volonté d’améliorer la lisibilité budgétaire des moyens alloués au sport. Pour autant, il ne s’accompagne pas d’un transfert des autres crédits de personnel, notamment de la direction des sports et des services déconcentrés.
Ce transfert aboutit finalement à séparer les personnels des sports en deux budgets opérationnels de programme, ce qui n’apparaît pas cohérent et affaiblit le ministère des sports.
Par ailleurs, dans le contexte de crise durable autour du statut et de l’avenir des CTS, on peut s’interroger sur les raisons ayant motivé ce transfert. Le risque d’externalisation de ces personnels aux fédérations est réel, en l’absence d’ouverture de nouveaux concours – comme cela a été annoncé pour l’année 2019.
Sur le sujet des CTS, j’appelle de mes vœux un dénouement rapide pour une crise qui s’est enlisée. La persistance d’un climat d’incertitude et de tensions depuis plus d’un an s’avère très délétère pour le corps des CTS, et plus largement pour les athlètes et le monde sportif, à quelques mois de l’échéance majeure des Jeux de Tokyo.
Il me semble nécessaire de maintenir le statut de fonctionnaire pour les CTS, sans pour autant prôner le statu quo : dans la lignée des propositions que j’ai formulées dans un précédent rapport, je préconise une réelle formation continue des CTS, avec la mise en place d’une « école des cadres », et une politique ambitieuse et moderne de gestion des ressources humaines.
Il est par ailleurs indispensable de maintenir des concours de CTS ouverts aux sportifs de haut niveau en fin de carrière, car il s’agit d’un débouché particulièrement adapté pour eux. Confier la gestion des CTS à l’Agence me semble en tout cas peu pertinent, car elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour assumer cette nouvelle mission. Il serait préférable de renforcer le centre de gestion opérationnelle des CTS, au sein de la direction des sports, en lui donnant davantage de moyens et d’outils pour la gestion des ressources humaines.
Je dirai également un mot de la réforme des services déconcentrés des sports, de la jeunesse et de la vie associative, avec la disparition des DRJSCS et des DDCS, scindées en deux : les personnels relevant de la jeunesse et de la vie associative vont ainsi rejoindre les services déconcentrés de l’éducation nationale, et leurs missions seront fortement réorientées vers la dimension jeunesse, et particulièrement le service national universel.
Cette réforme fait craindre aux personnels une dilution de leurs missions, avec un accent qui serait essentiellement mis sur le SNU, et risque d’affaiblir encore davantage le ministère des sports.
? S’il est certes un peu tôt pour dresser le bilan de la réforme de la gouvernance sportive, j’ai retiré de mes auditions l’impression d’un manque de pilotage général, avec des acteurs nombreux, dont les champs d’intervention ne sont pas suffisamment définis, ainsi qu’un certain flou sur les processus décisionnels au sein de l’Agence nationale du sport.
En tout état de cause, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, la création de cette Agence, dotée de larges compétences, pose inévitablement la question d’un possible effacement programmé du ministère des sports. Celui-ci ne doit pas devenir un acteur résiduel des politiques publiques sportives, mais doit rester le garant du déploiement de ces politiques sur l’ensemble du territoire, comme le souligne le Conseil d’État dans son récent rapport annuel.
Le budget de l’Agence s’avère par ailleurs incertain, puisque ses ressources sont fixées à 278 millions d’euros, alors que ses dépenses, y compris ses frais de fonctionnement de 7 millions d’euros, devraient s’élever à 291 millions d’euros… Je regrette par ailleurs que les acteurs privés, qui sont pourtant autour de la table de l’ANS, n’apportent à ce stade aucun financement.
L’expérimentation des projets sportifs fédéraux (PSF), par lesquels 28 fédérations volontaires ont assuré l’instruction des demandes de subventions déposées par leurs clubs, semble néanmoins réussie, des avis que j’ai pu recueillir en audition ; toutefois, compte tenu de l’appel d’air suscité par cette nouvelle procédure, il est indispensable d’augmenter le montant de la part territoriale, et donc des subventions versées aux clubs, pour faire face aux besoins exprimés, sans quoi la réforme des projets sportifs fédéraux ne conduira qu’à décevoir et décourager le monde associatif sportif.
Il me semblerait aussi pertinent d’harmoniser les procédures suivies dans les commissions d’attribution des subventions des différentes fédérations, en prévoyant un cadre déontologique et éthique bien défini.
Je regrette par ailleurs le manque d’ambition de la politique en faveur du sport-santé, malgré le lancement d’un plan spécifique en mars dernier : seulement 100 maisons sport-santé devraient être labellisées d’ici la fin de l’année, aucun crédit d’investissement n’est prévu, et les moyens prévus en matière de fonctionnement ne sont pas définis à ce stade… Il importe que le ministère de la santé s’implique plus fortement et que les crédits du fonds d’intervention régional soient mobilisés.
J’achèverai mon propos en regrettant le recul dans l’ambition d’un large déploiement du service civique, ce dispositif plafonne et marque le pas du fait du ralentissement de la dynamique des crédits inscrits en 2020 ; déjà, en 2019, j’ai pu constater sur le terrain que des mesures de régulation ont été prises en gestion, portant sur le nombre et la durée des missions.
Ces « coups d’accordéon » sont préjudiciables à tous les acteurs, les jeunes comme les structures d’accueil (notamment les fédérations sportives). Il faudrait allouer 30 millions d’euros supplémentaires en 2020 pour parvenir à l’objectif des 150 000 volontaires.
Or ces 30 millions d’euros sont justement inscrits au bénéfice du SNU, alors même que ce dispositif est redondant avec nombre de dispositifs de l’éducation nationale, avec les journées défense et citoyenneté, et bien sûr avec le service civique ; organiser un parcours de citoyenneté dès le plus jeune âge en s’appuyant sur les nombreux dispositifs existants serait beaucoup plus pertinent et efficace.
[avis défavorable sur les crédits de la mission]Projet de Rapport Avis Sport PLF 2020 by Régis Juanico on Scribd
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