Jeudi 13 décembre, j’étais présent sur France Bleu Saint-Étienne Loire, avec Sandrine Morin et Dominique Goubatian, journaliste à La Tribune-Le Progrès, dans l’émission spéciale de France Bleu “Gilets jaunes dans la Loire et la Haute-Loire” avec Gaël Perdriau, Valéria Faure-Muntian, Jean-Michel Degorges et deux représentants des Gilets Jaunes : Raphael Pessoa et Brice Telki. Le débat s’est articulé autour de plusieurs thématiques : l’identité des gilets jaunes, les revendications (Référendum d’initiative citoyenne, 49,3 citoyen), l’acte V de la mobilisation, et l’après Gilets Jaunes.
« Les Gilets Jaunes sont les oubliés de la République. Les revendications sont sociales : pouvoir d’achat, justice fiscale et institutionnelles : plus de consultation citoyenne. Je défends un mandat de député accessible, à l’écoute et ancré sur le terrain. » Régis Juanico.
Le détail de mes prises de parole :
Journaliste (J) : Comment définiriez-vous les gilets jaunes ?
Régis Juanico (RJ) : Les gilets jaunes se sont les oubliés de la République, les invisibles qui ont surgi et qui aujourd’hui se révoltent. Sur deux choses principales ; la concentration des richesses et des pouvoirs dans notre pays.
J : C’est un handicap ce manque de porte-parole ? J’imagine que vous avez rencontré des gilets jaunes, vous avez peut-être été sur les ronds-points. C’est compliqué de discuter avec eux ?
RJ : Bien sûr je les ai reçus à ma permanence parlementaire. C’était d’ailleurs une délégation de quatre femmes de St-Etienne, souvent dans des situations précaires, à temps partiel, donc avec ce point commun à l’ensemble du mouvement des gilets jaunes ; c’est la France de ceux qui n’y arrivent plus à finir les fins de mois et c’est même pas les fins de mois mais parfois les débuts de mois.
J : Elles viennent vous voir en tant que quoi ? En tant que porte-parole ?
RJ : Elles venaient essentiellement d’abord pour donner leurs revendications, et comme on l’a dit il y en a beaucoup donc comment on pouvait les resserrer aussi sur un certain nombre de priorités, 5 ou 6. Pour obtenir, puisqu’il faut le rappeler lundi pour la première fois depuis 2006 c’est un mouvement social qui a obtenu des premières avancées, insuffisantes à mes yeux on va en reparler mais des premières avancées donc la lutte paye. Mais ce que je veux dire c’est qu’un élu comme un député, un parlementaire, un maire…les élus locaux, les gilets jaunes ils en rencontrent chaque semaine. Moi dans mes permanences le lundi matin et le vendredi matin les gens viennent me voir pour me parler et ça ne date pas d’hier. Ça date, on parlait de la vie chère dans la campagne présidentielle.
J : Mais c’est quoi ? C’est la France qui n’avait pas la parole, pour vous Régis Juanico député Génération.s ?
RJ : Je crois que depuis 18 mois les inégalités se sont fortement aggravées. Quand vous avez la baisse des APL, trois milliards d’euros. Que vous avez la CSG pour les retraités. Que vous avez un certain nombre de mesures ; la suppression des contrats aidés qui ont aussi créé beaucoup de difficultés sur notre territoire. Que vous avez le gel du point d’indice des fonctionnaires qui continue. Que vous avez donc des difficultés sociales qui s’aggravent de plus en plus. Un moment donné ça finit par péter. Donc voilà, les gilets jaunes expriment cette explosion, un moment donné on en peut plus.
J : Régis Juanico, député, vous répondez quoi à ça ? « On n’arrive pas à vous attraper » vous dit Raphael ?
RJ : Je crois que là on se trompe d’élu, moi j’ai écrit un livre qui s’appelle « Plaidoyer pour le beau mandat de député » où je défends la conception d’un député ancré sur son territoire, au contact de ses concitoyens et qui fait remonter, qui est un thermomètre qui fait remonter les problèmes du terrain. Donc que ce soit Gaël Perdriau à St-Étienne ou moi-même, tout le monde sait que nous sommes accessibles ; pendant un weekend où nous avons 20-25 manifestations sur le terrain que nous rencontrons nos concitoyens. Moi j’ai posé une question d’actualité sur le pouvoir d’achat qui s’intitulait « La seule chose que vous ne taxez pas c’est la fortune » le 6 novembre, qui ne portait pas que sur les carburants mais sur tout le reste. Et qui pointait une faute, qui allait être commise, c’est à dire on allait taxer les avantages des comités d’entreprises pour les salariés au-dessus de 300€. Et suite à mon intervention le lendemain Gérald Darmanin a abandonné la mesure.
Comme quoi on écoute vraiment l’opposition ? Ça veut dire qu’aujourd’hui des élus qui sont ancrés sur le terrain, qui font leur travail, font remonter les problèmes et ils sont évidemment accessibles mais à condition qu’ils soient sur le terrain.
J : Régis Juanico ça vous inquiète une nouvelle manifestation samedi à St-Étienne ?
RJ : Il y aura un acte V du mouvement des gilets jaunes puisque ça été décidé de toute façon, et en plus les ronds-points sont souverains pour décider de leurs actions. Mais moi je leur demande vraiment de réfléchir aux modalités. Je pense qu’effectivement on voit même sur les ronds-points aujourd’hui qu’il y a des problèmes avec des camions qui viennent percuter un certain nombre de gilets jaunes, c’est la sixième victime. Il y a un élément nouveau quand même cette semaine, grave, c’est ce qui s’est passé à Strasbourg. On est en train de rechercher encore celui qui a commis l’attentat. Ça veut dire que les forces de l’ordre sont encore plus aujourd’hui dans un état de mobilisation et de fatigue, je veux le rappeler quand même en cette fin d’année. Qui fait qu’il peut y avoir du fait de cette fatigue-là, de cette surtension des manifestations, si elles se passent en centre-ville, qui peuvent très vite dégénérer. Donc moi je dirai vraiment qu’il ne faut pas qu’entre la place Jean Jaurès et la place du Peuple il y est de manifestation. Ou alors il faut que ça se produise différemment, sous une autre modalité. Et on a vu samedi dernier, moi j’ai été particulièrement interpellé par le fait que les forces de l’ordre n’avaient pas les mêmes consignes qu’à Paris pour aller interpeler les casseurs et agir quand il y avait des exactions. Et donc on ne peut pas revivre à St-Etienne ce qui s’est passé samedi dernier une nouvelle fois, c’est pas possible, il y a un tel état de traumatisme en centre-ville que ce serait désastreux.
J : Régis Juanico, vous secouez la tête, vous avez l’air…?
RJ : Bien sûr, elle a raison. Ce n’est pas une question de majorité en marche, on l’a vécu nous aussi dans la majorité parlementaire précédente, c’est les institutions de la IVème République avec un pouvoir qui est un pouvoir vertical qui est un pouvoir autoritaire et très technocratique effectivement.
J : Ça veut dire que vous avez du mal, vous, a dirigez par ce qu’il y a cette classe technocratique ?
RJ : Il y a la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme, qui est le Président de la République. D’ailleurs c’est l’élection où les français votent le plus mais considèrent ensuite que les législatives sont moins importantes. Et c’est cette concentration des pouvoirs là qui fait qu’il y a une déconnexion aujourd’hui du réel, on le voit bien puisque le mouvement a été compris que très tardivement et les réponses ont été apporté 1 mois après le début du mouvement.
J : Régis Juanico, vous répondez quoi ?
RJ : C’est au cœur de la question de Génération.s. Si je voulais faire une petite boutade pour Gaël Perdiau je dirai que sur la participation et l’intéressement c’était au cœur du projet de loi pacte qui vient d’être adopté et qui a été porté par Bruno Lemaire. D’accord, ça ne touche qu’une petite partie des salariés ; 25% dans les PME et 50% dans les entreprises de plus de 150 salariés. Ça ne touche que quelques salariés. Les heures supplémentaires défiscalisées, 4 milliards et demi d’euros de coût ça ne touche pas tous les salariés. Tous les salariés ne font pas des heures supplémentaires. Donc le problème c’est le financement, il faut abroger et il faut supprimer le plan riche qui a été fait depuis 18 mois. C’est-à-dire l’ISF, la flat taxe, le prélèvement forfaitaire unique et les 20 milliards en plus du CICE parce qu’il y a 40 milliards en 2019. Et ça c’est tout à fait possible.
RJ : Il faut changer de cap vous dites. Alors lequel ? Qu’est-ce qu’il faudrait pour changer de cap ? Il faut changer de République ? Il faut quoi ? Qu’est-ce que vous entendez par changer de cap ?
RJ : Oui il y a trois choses qui manquent, lundi soir, les mesures de pouvoir d’achat pour moi sont insuffisantes et elles ne sont pas financées de la bonne façon. Par exemple, il n’y a rien sur le point d’indice des fonctionnaires, il n’y a rien sur les APL. Et puis on voit bien que le financement il ne met pas à contribution les grands groupes, il ne met pas à contribution les grandes fortunes. Donc là, moi ce que je pense, c’est qu’avec le mouvement des gilets jaunes il y a eu une prise de conscience. Les gens qui étaient dans l’individualisme ont commencé à ce parler et pointent les inégalités qui aujourd’hui sont criantes dans la société. Mais aussi les problèmes d’injustices fiscales. Ce problème il faudra y revenir, il faudra mettre à contribution les grands groupes multinationaux qui font des profits, les grandes fortunes bien évidemment et revenir sur le plan riche. Et puis sur le plan de la démocratie, on a une démocratie qui aujourd’hui est intermittente, il faut une démocratie continue. En gros, on consulte les Français tous les cinq ans et puis pendant cinq ans on les consulte pas du tout sur les décisions qui concernent leur vie quotidienne. Donc oui, nous on a porté pendant la présidentielle avec Benoît Hamon le referendum d’initiative citoyenne, on a appelé ça le « 49.3 citoyen ». 1% du corps électoral a la capacité de faire une proposition de loi, mise à l’ordre du jour du Parlement, ou d’intervenir dans le processus législatif. Il faut aussi des conférences de consensus, il faut des cahiers de doléances mais pas simplement sur quelques semaines. Comme fait le maire de St-Étienne, certains viennent d’en ouvrir, au Puy-en-Velay par exemple. Oui mais pas jusqu’au 22 décembre, on continue, on continue toute l’année. Et que tous les français viennent inscrire leurs doléances et participent aussi aux consultations publiques. Aujourd’hui il faut une respiration citoyenne, elle n’existe pas. Il faut consulter plus fréquemment, effectivement, les français sur les questions qui les concernent. Et reconnaitre le vote blanc aussi, on l’avait proposé.
Ce jeudi 13 décembre une émission spéciale sur les Gilets Jaunes vous est proposée par France Bleu. Un débat avec élus, parlementaires, des Gilets Jaunes et des chercheurs pour tenter de comprendre ce moment d’histoire inédit.
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