Le député socialiste de la Loire, proche de Benoît Hamon, a sauvé son siège à 23 voix près, à la surprise générale.
LE MONDE | 01.07.2017 à 09h33 • Mis à jour le 02.07.2017 à 17h07 | Par Sylvia Zappi (/journaliste/sylvia-zappi/) (Saint-Etienne – envoyée spéciale)
Régis Juanico est un miraculé. Réélu dans la Loire, il est le seul frondeur à avoir sauvé son siège de député. Alors que Benoît Hamon et tous ses proches ont été balayés par la vague macronienne et le rejet du Parti socialiste, lui s’en est sorti. A 23 voix près. Ce bosseur discret devrait être la clé de voûte du nouveau mouvement que devait lancer, le 1er juillet, l’ancien candidat à la présidentielle.
Quand les résultats ont été enfin connus, dimanche 18 juin, ses camarades n’en revenaient pas. Distancé de 15,5 points au premier tour par la candidate d’En marche ! – une physicienne travaillant au CHU de Saint-Etienne totalement inconnue en politique –, personne ne croyait en ses chances de victoire. « On se voyait perdre honorablement », admet son directeur de campagne, Pierrick Courbon. « La veille, pensant vraiment qu’il serait battu, je l’ai remercié pour ce qu’il avait fait pour la circonscription », se souvient Jean-Michel Pauze, le maire divers droite de Saint-Priest-en-Jarez.
Le député sortant, lui, y croyait. Il avait déjà opéré une telle remontée en 2007 face à la droite. « J’ai tout fait pour mettre dans la tête des gens, notamment les abstentionnistes, que ce n’était pas perdu », sourit le quadragénaire. Dans le très court entre-deux-tours, le socialiste a réussi à fédérer la gauche et les écologistes, les « insoumis » et même des électeurs de droite. Un sursaut de participation a également fait bouger la jauge. Mais c’est son ancrage minutieux qui a visiblement fait la différence.
Enracinement électoral
L’élu a une implantation solide dans cette circonscription, qui marie le nord de Saint-Etienne et ses quartiers populaires avec cinq communes périphériques plus cossues. Avec sa bouille ronde sérieuse, ses fiches à la main, l’homme n’est pas du genre à courir les plateaux télévisés mais plutôt à arpenter les événements locaux. Pas une fête d’école manquée, pas une manifestation oubliée. Sa présence sur le terrain est attestée par tous.
« C’est quelqu’un qu’on voit au moins une fois par semaine dans nos petites communes qui ne sont pourtant pas de gauche. Ça a compté », relate M. Pauze. Même à En marche !, on reconnaît son savoir-faire. « Il a opéré une remontada parce qu’il a fait son job de terrain », explique Jean-Michel Mis, député de La République en marche de la circonscription voisine.
Ce jour de marché à Terrenoire, un quartier populaire de « Sainté », les témoignages de sympathie sont encore fréquents. « Félicitations, ça a été chaud ! Je suis rentrée ric-rac de week-end pour voter mais je ne voulais pas rater ça », lui lance une quinquagénaire. « C’est pas un député courant d’air », insiste la patronne du Café du centre, derrière son comptoir. Un trentenaire le hèle d’une voiture : « Bravo, on est fiers de vous ! Il nous a aidés pour notre club de foot après que la mairie avait baissé ses subventions. »
L’enracinement électoral qu’il a patiemment travaillé l’aura sauvé. « C’est mon facteur de résistance », sourit le rescapé. Régis Juanico est un lanceur de poids et de disque. Un sport où tout se joue sur l’endurance et la force qu’on déploie.
Aile gauche décimée
Ce Chalonnais d’origine a débarqué à Saint-Etienne en 2004 pour une campagne cantonale, au sortir de ses études de l’Institut d’études politiques de Lyon et de ses années au Mouvement des jeunes socialistes. Il est déjà un fidèle de Benoît Hamon, qu’il a rejoint au PS et à Forum, le club des jeunes rocardiens, en 1990. Sur ses années de formation en accéléré et les « coups politiques de Benoît », il est intarissable. Louant les « intuitions de génie » de son ami comme il atténue ses « erreurs de campagne », on sent qu’un lien très fort unit les deux hommes.
« Je suis un des seuls qui peut lui dire les choses en face », lance le député. « Régis est précieux dans ma vie. Il fait partie des deux ou trois personnes qui me sont indispensables avant une décision importante », glisse M. Hamon. Sans doute leur parcours d’enfant venu d’ailleurs les a rapprochés : Juanico, fils de pieds-noirs partis à La Réunion, Hamon, grandi au Sénégal.
Alors que son champion, battu, se cherche un espace à gauche, le député sait désormais que son rôle va le faire sortir de sa réserve naturelle. Seul à porter la voix de cette aile gauche décimée à l’Assemblée nationale, mais aussi dans la gauche des « transitions » que veut désormais incarner Benoît Hamon avec les écologistes. « Régis va jouer un rôle très important », souligne l’ancien chef de file socialiste. Le Stéphanois se dit prêt à le « suivre aveuglément » comme il le fait depuis vingt-sept ans. « On lance un dépassement du PS, et on verra. »
Régis Juanico, le dernier des frondeurs à l’Assemblée nationale by Régis Juanico on Scribd
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