Le projet de loi Travail était inscrit cet après-midi à l’ordre du jour de la séance publique à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture. Pour sortir de la situation de blocage dans laquelle nous sommes depuis plusieurs mois, j’ai participé ces derniers jours à deux initiatives, avec de nombreux députés socialistes, afin de trouver enfin un compromis sur ce texte. Le Premier ministre Manuel Valls a refusé la main que nous lui tendions et persiste dans son intransigeance en passant en force avec ce nouveau recours au 49-3.
J’avais ainsi signé un courrier (voir ci-dessous), avec plusieurs élus socialistes, adressé au Président de la République, au Premier Ministre et au Premier secrétaire national du PS. Nous y proposions trois évolutions du texte sur l’articulation entre accords de branche et accords d’entreprise, sur la protection des salariés dans le cadre des “accords de développement de l’emploi” et sur les licenciements économiques.
En parallèle, je soutenais un amendement à l’article 2, co-signé par 123 députés socialistes, et visant à maintenir à 25% le taux de majoration des heures supplémentaires (dans la version actuelle, il est prévu de pouvoir l’abaisser jusqu’à 10% par un accord d’entreprise majoritaire). Il s’agissait ainsi d’écarter tout risque de dumping social au sein d’une même branche, de maintenir le niveau de revenu des salariés et d’éviter d’inciter les employeurs à préférer les heures supplémentaires plutôt que les embauches.
Malheureusement, le Premier Ministre a refusé toute évolution qui aurait permis de dégager une majorité à l’Assemblée nationale et de réconcilier la gauche, politique et syndicale, autour de ce texte. Je regrette que Manuel Valls ait balayé de façon autoritaire et d’un revers de la main la solution que nous lui proposions, sans voir que la sortie de crise était à portée de main.
> A lire sur le web :
> Notre courrier au Président de la République :
Monsieur le Président de la République,
Dans quelques jours, l’Assemblée Nationale examinera le projet de loi Travail en nouvelle lecture.
Quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur ce texte, chacun constate que ce projet fait l’objet d’un large rejet dans le pays. Il inquiète les salariés sans satisfaire les entreprises. Il divise les organisations syndicales et patronales, sans convaincre de son impact sur l’emploi. Il fracture profondément la gauche ainsi que le Parti Socialiste. Il n’a pas davantage trouvé de majorité à l’Assemblée Nationale, ni même pu être discuté et amendé puisque la réserve des votes dès l’article premier, puis le recours à l’article 49-3, ont interrompu des débats à peine commencés.
Un nouveau recours au 49-3 ouvrirait des plaies difficiles à refermer. Nous ne nous résignons pas à ce blocage.
Nous avons le devoir, collectivement, de trouver un compromis. Notre pays a plus que jamais besoin d’unité, de rassemblement pour être plus fort face aux autres défis auquel il est confronté, le terrorisme, les convulsions de l’Union Européenne, les inégalités…
Quels pourraient être les termes de ce compromis? Pour s’en tenir à l’essentiel, il reposerait sur trois évolutions du texte.
La première concerne l’articulation des négociations de branche et d’entreprise sur les questions relatives au temps de travail. Le compromis ici, est de sortir de l’opposition artificielle créée entre les négociations d’entreprises et les prérogatives de la branche professionnelle. Elles sont les unes et les autres indispensables.
Les branches professionnelles et la loi sont indispensables pour éviter le dumping social. Les accords d’entreprise sont utiles pour adapter les règles communes à leurs spécificités propres, à condition que ces adaptions ne se fassent pas au détriment des salariés. La question n’est pas de jouer l’un contre l’autre, mais de définir qui fait quoi et comment garantir des accords favorables aux salariés, et comment protéger les entreprises de concurrences stériles. L’accord majoritaire est une première protection, mais nous ne croyons pas qu’il soit une garantie suffisante.
Affirmons le principe que l’accord qui est trouvé dans l’entreprise doit être globalement plus favorable pour les salariés, à l’aune de trois critères précis que sont la rémunération globale, son taux et les conditions de travail ; et confirmons à la branche professionnelle des prérogatives propres à travers la définition d’un ordre public conventionnel sur les règles qui ne nécessitent aucune adaptation en entreprise comme le taux de majoration des heures supplémentaires.
La deuxième concerne les accords de développement de l’emploi. Ils ne doivent pas abaisser le niveau de protection des salariés. Ces accords doivent prévoir, outre les dispositions actuelles, que les salariés bénéficient de dispositions équivalentes à celles dont ils auraient bénéficié à travers un plan social pour l’emploi, lorsque plus de dix d’entre eux refuseraient des dispositions contraires aux stipulations de leur contrat de travail.
La troisième concerne les licenciements. S’il est désormais acquis que le périmètre des groupes a été rétabli, il demeure l’épineuse question de la fixation de critères pertinents pour les entreprises dans leur diversité, et protecteurs pour les salariés. Nous proposons de renvoyer cette question à la négociation sociale. Cela n’a pas été fait, en contradiction avec l’article L1 du code du travail, compte tenu de l’introduction tardive de l’amendement. Remettons l’ouvrage sur le métier des partenaires sociaux, leurs contributions seront précieuses pour légiférer de manière éclairée et pertinente.
Ces ajustements ouvriraient, à n’en pas douter, la voie à un vote majoritaire sur la loi Travail. Non seulement un compromis est nécessaire, mais il est aussi à portée de main. Personne ne doit chercher une victoire improbable; il ne s’agit pas plus pour quiconque de se “soumettre” ; tous, nous devons agir pour trouver une sortie à cette crise. Nous sommes à la disposition du gouvernement pour en tracer les contours.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre très haute considération.
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