Nous sommes 53 député(e)s de gauche à avoir écrit au Président de la République pour lui demander d’agir sans attendre pour la sortie de crise que nous croyons encore possible (voir ci-dessous). La majorité des signataires avaient soutenu la motion de censure de gauche et des écologistes suite à l’utilisation du 49-3 dès le début de l’examen du projet de loi El Khomri en séance publique à l’Assemblée nationale.
Face à la colère et au désarroi suscités par le contenu de la loi travail et la méthode choisie pour l’imposer, nous souhaitons que le Chef de l’Etat prodigue enfin les indispensables gestes d’apaisement.
J’étais ce lundi 30 mai, interviewé sur France Bleu Saint-Etienne Loire pour expliquer notre démarche.
Une cinquantaine de députés de gauche ont demandé vendredi, dans une lettre au Président de la République, de trouver une solution pour sortir du conflit sur la loi travail. Martin Cotta, bonjour, Régis Juanico député de la Loire est l’invité de France Bleu ce matin. Régis Juanico, vous avez signé cette lettre, est-ce que François Hollande vous a répondu ?
Non pas encore. Par contre, nous pensons, nous parlementaires qui avons écrit cette lettre, que le président de la république a un rôle à jouer les prochains jours. Il est le garant de nos institutions, garant de l’unité nationale. Aujourd’hui nous pensons que c’est le moment de l’apaisement, le moment de se retrouver, le moment de discuter et de sortir par le haut de cette crise qui n’a que trop duré. Lui seul, Président de la République, peut déclencher cette sortie vers le haut.
Manuel Valls a déclaré hier qu’il était de sa responsabilité d’appliquer la loi. Cela veut dire que le Premier Ministre persiste. Vous prenez cela comme de la provocation ?
Il faut de l’apaisement, pour tous, et pour tout le pays. Cette loi, depuis le début, n’est pas soutenue par une majorité de français. Une enquête d’opinion a été faite hier, seulement 13% des français souhaitent que le texte reste en l’état. Cette loi n’est même pas soutenue par le Parlement. Il n’y a pas de majorité parlementaire pour la voter, et il y a même eu un 49-3 du gouvernement pour passer la loi en force. Enfin, cette loi n’est pas soutenue par près de 50% des forces syndicales.
Donc deux camps sont opposés, avec des antagonismes dont il faut sortir. Pour cela, le Président de la République a une responsabilité. Sa responsabilité est celle de mettre autour de la table tous les acteurs, ce qui n’a pas été fait au début de la rédaction du texte de loi, c’est-à-dire une discussion et une concertation. On doit pouvoir le faire en réécrivant l’article 2 qui aujourd’hui pose problème à ceux qui manifestent.
La CGT a annoncé hier qu’elle reprenait les discussions avec Matignon et Manuel Valls. Cela va dans le bon sens selon vous ?
Oui, tout à fait ! Nous ne pouvons pas avoir d’un côté un gouvernement qui ne lâche rien, et d’un autre côté ceux qui manifestent depuis maintenant plusieurs semaines et qui ne lâchent rien eux non plus, qui veulent le retrait sinon rien. Non, il y a une voie médiane qui consiste à réécrire, à modifier l’article 2 du projet de loi El Khomri, qui est le nœud qui pose problème aux forces syndicales qui manifestent.
Expliquez-nous cet article 2, c’est la fameuse inversion des normes ?
Nous allons permettre aux accords d’entreprises, à condition qu’il y ait une majorité syndicale qui signe, ou une majorité de salariés par référendum, de déroger aux accords de branches, donc aux accords de l’ensemble d’une branche au niveau national. Cela veut dire que sur la protection du salarié, sur le temps de travail, sur le temps de pause, sur la rémunération supplémentaire, nous pourrions avoir des accords d’entreprises qui seraient moins favorables pour les salariés. Cela n’est pas bon. Il faut qu’il y ait un contrôle des branches par rapport à ces accords d’entreprises pour qu’on soit sûr que ces accords soient au moins aussi favorable pour les salariés. Sinon, nous allons avoir un dumping social. Même les chefs d’entreprises de petites PME nous disent qu’il y a un risque, dans cet article 2, que certaines entreprises ne jouent pas le jeu et fassent du chantage à l’emploi ou une pression sur les salariés pour qu’il y ait des conditions de travail moins favorable.
Donc, Régis Juanico, vous nous parlez plus d’un compromis que d’un retrait pure et simple de la loi travail. Votre position a évolué ?
Non, je n’ai jamais été pour le retrait. Je suis venu ici, il y a 3 mois, pour dire que je m’opposerai à l’Assemblée, à toutes les dispositions moins favorables aux salariés. Nous n’avons pas pu amender le texte alors que j’avais un amendement à l’article 2 qui permettait d’amender ce que je viens d’expliquer. Mais si l’on saisit cette chance là, nous pouvons sortir de cette crise par le haut et nous pourrions sortir d’un conflit qui risque de s’enliser. Ce n’est pas bon pour le pays.
Nous sommes à 11 jours de l’Euro, le pays est en grève aujourd’hui, est-ce que le gouvernement est à bout de souffle selon vous ?
Non, le problème n’est pas là. Le problème est que ce conflit ne doit pas s’éterniser alors qu’il y a quelques frémissements. Aujourd’hui, sur le plan économique, il y a quelques signes favorables. Je ne dis pas que ça va mieux, je sais bien, je rencontre mes concitoyens chaque jours. Mais il y a des chances que ça puisse repartir. Est-ce que nous allons gâcher ces chances là avec un conflit qui va paralyser, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, tous les secteurs d’activités du pays pour un article 2 ? Est-ce que cela en vaut la peine, que nous ayons un état de tension sociale comme cela ? Est-ce que dans ce pays nous ne sommes pas capables de se mettre autour d’une table pour discuter ? C’est cela le dialogue social ! A un certain moment, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Nous, nous les avons prises. Maintenant, nous disons au Président de la République que c’est le moment de discuter, de sortir par le haut.
Dans moins d’un an, il y aura les élections présidentielles, certainement une primaire à gauche, comment allez-vous réussir à recoller tous les morceaux entre vous socialistes ?
Il y aura certainement une primaire à gauche, ça c’est vous qui le dites. Nous, nous la souhaitons en tout cas. Je pense que nos électeurs, tout comme ceux de droite, ont envie d’avoir un choix, celui de choisir leur candidat à la présidentielle. Je pense que c’est la meilleure façon de rassembler le camp de la gauche qui est éparpillé, sinon nous n’aurons aucune chance d’être au second tour. Pour la gauche, ce serait une catastrophe électorale. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est sortir de cette crise sociale, qui se joue cette semaine ou la semaine prochaine, et ensuite rassembler le camp de la gauche et essayer d’ici l’an prochain de recoller les morceaux comme vous dites.
Adresse au Président de la République
Dans la presse :
Dans une lettre envoyée ce vendredi au Président de la République et que France Bleu a pu se procurer, une cinquantaine de députés de gauche demandent une sortie de crise rapide. Ils parlent d’obstination et lui demande de renouer avec “L’esprit du Bourget”.
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