L’Assemblée nationale examinait le jeudi 4 février dernier la proposition de loi de Guillaume Larrivé visant à lutter contre le hooliganisme. Ce texte, dans sa version initiale, ne prévoyait aucune mesure visant à développer le dialogue et la prévention avec les supporters.
C’est pourquoi, à notre initiative et avec le soutien du gouvernement, nous avons changé le titre du texte qui est devenu une “proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme”. Nous avons aussi profondément remanié le contenu du texte afin de le rééquilibrer et de mieux encadrer ses dispositions juridiques.
Depuis plus de trente ans, les textes législatifs et réglementaires français sur le supportérisme se sont, pour l’essentiel, concentrés sur la répression des actes de violence. Le nouveau texte de loi permettra d’éclaircir les confusions qui sont souvent entretenues entre les différents types de supporters, d’une part, et les hooligans, d’autre part, qui sont des individus qui recherchent avant tout la violence physique. Il permettra également de poser les fondations du dialogue entre les supporters et le monde du sport professionnel, bref de reconnaître, enfin, le rôle du supporter.
Des mesures de reconnaissance du rôle des supporters.
Les travaux et rapports sur cette question se sont accumulés ces dernières années.
En 2010, Le Livre vert du supportérisme avait souligné ce besoin de dialogue et de reconnaissance des supporters vis-à-vis des instances sportives et institutionnelles.
En 2014, Jean Glavany, dans son rapport “Pour un modèle durable du football français” proposait d’associer les supporters et leurs associations agréées à la prévention de la violence et de développer le dialogue, tant au niveau local que national.
Depuis deux ans, la constitution de fédérations de supporters tels le Conseil national des supporters de football, le CNSF, ou l’Association nationale des supporters, l’ANS est venue consolider la démarche de prévention et de dialogue dans laquelle l’ensemble des acteurs du sport professionnel se sont engagés.
Enfin, la proposition de loi relative à la représentation des supporters, déposée à l’Assemblée nationale et au Sénat en juin 2015 que j’avais signée avec mon collègue François De Rugy allait également dans ce sens : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2907.asp
Il existe aujourd’hui une réelle volonté, de la part des supporters, de se structurer et d’apparaître comme des interlocuteurs crédibles vis-à-vis des autorités publiques. Le temps est venu de responsabiliser et de reconnaître les supporters comme des acteurs du sport, qui doivent en respecter et en promouvoir les valeurs éducatives et citoyennes, tout en rappelant, dans le même temps, qu’ils doivent participer au bon déroulement des manifestations sportives et prévenir les comportements répréhensibles dans les stades.
Les supporters ne sont pas des consommateurs de sport : ils sont des acteurs de la vie d’un club, vecteur de lien social. Ils sont essentiels pour l’animation des stades, pour assurer le caractère festif et convivial des matchs et pour pousser les sportifs à se dépasser.
Deux propositions issues de notre proposition de loi de juin 2015 ont et adoptées le 4 février.
En ce qui concerne le dialogue au niveau local, le texte prévoit la désignation par les clubs, après avis des associations de supporters, d’une ou plusieurs personnes référentes chargées des relations avec leurs supporters.
En ce qui concerne le dialogue au niveau national, le texte de loi permet la création d’une « instance nationale du supporterisme », placée auprès du ministre des sports, composée de l’ensemble des acteurs concernés par les questions touchant aux supporters.
Cette instance pourra organiser un dialogue durable entre les supporters et les instances nationales du sport. Elle pourra réfléchir aux questions de la participation des supporters au bon déroulement des compétitions, à l’amélioration des conditions de leur accueil ainsi qu’à la promotion des valeurs du sport. Elle pourra également rendre des avis et faire des propositions sur tous ces sujets.
Deux autres propositions issues de notre proposition de loi avec Francois De Rugy concernant le financement participatif et la création de “conseils de supporters” au sein des clubs professionnels n’ont pas été retenues à ce stade, mais le Ministre s’est engagé dans la discussion à ce qu’elles soient abordées prochainement lors de la grande conférence sur le sport professionnel .
Des mesures renforçant la sécurité dans et aux abords des stades, mieux encadrées.
Depuis quelques années, des progrès ont été enregistrés en matière de lutte contre les violences : ainsi, entre 2010 et 2013, le nombre des interpellations lors des manifestations sportives a diminué d’un tiers.
Mais depuis l’an dernier, les clignotants sont à nouveau passés au rouge. La saison 2014-2015 a ainsi été marquée par une hausse de près de 20 % des interpellations au cours des championnats de football professionnel de Ligue 1 et de Ligue 2. Afin de rompre avec cette tendance et pour mieux assurer la sécurité au sein et aux abords des stades, le texte de loi permet de clarifier la répartition des rôles en matière de sécurité entre les organisateurs et l’État et de donner aux organisateurs de manifestations sportives les moyens d’assumer pleinement leurs obligations en matière de sécurité.
Deux principales mesures opérationnelles ont été votées.
La première consiste à renforcer le régime juridique des interdictions administratives de stade, en allongeant, d’abord, leur durée maximale de douze à vingt-quatre mois et, en cas de récidive, de vingt-quatre à trente-six mois, de façon à couvrir au moins une saison complète, sous le contrôle du juge des référés, du juge administratif, et dans le respect des libertés.
De même, la liste des interdits de stade pourra être communiquée aux organismes sportifs internationaux, comme l’UEFA ou le Comité international olympique, lorsqu’une équipe française participe à une manifestation sportive organisée par leurs soins.
La deuxième mesure renforce la capacité d’action préventive assumée par les clubs professionnels, et plus généralement celle de tous les organisateurs de manifestations sportives à but lucratif.
Concrètement, les clubs pourront désormais refuser la délivrance de titres d’accès ou s’opposer à l’accès d’un certain nombre d’individus qui ont porté atteinte ou portent atteinte aux dispositions prises par les organisateurs pour contribuer au bon déroulement et à la sécurité des manifestations sportives.
Il s’agit de clarifier la situation actuelle, car hormis l’obligation faite aux organisateurs de manifestations sportives d’en refuser l’accès aux interdits de stade, et la possibilité contractuelle dont ils disposent toujours de résilier un abonnement en cas de non-respect des conditions générales de ventes, des incertitudes juridiques entourent les conditions dans lesquelles un organisateur peut refuser la vente ou interdire l’accès au stade ou à une tribune.
En l’état actuel du droit, les organisateurs peuvent mettre en oeuvre des fichiers d’interdits de stade à partir des données qui leur ont été transmises par le préfet. Mais ils ne peuvent créer de traitements de données relatifs à des personnes exclues pour d’autres motifs, si ce n’est – ainsi que l’a indiqué la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans une délibération du 30 janvier 2014 – pour impayés, pour non-respect des règles de billetterie, pour activité commerciale dans l’enceinte sportive en violation des conditions générales de vente et pour paris dans le stade sur le match en cours. La CNIL, dans cet avis a invité le Parlement et le Gouvernement à rendre la législation plus opérationnelle.
C’est pourquoi le texte de loi prévoit que la mise en oeuvre de ces traitements automatisés de données sera soumise à un encadrement précis, destiné à assurer le respect de la vie privée. Les données personnelles ainsi récoltées devront être traitées et conservées dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 dite « loi informatique et libertés ». Une déclaration devra ainsi être effectuée auprès de la CNIL, et la personne concernée sera naturellement informée qu’elle dispose d’un droit d’accès et de rectification. La CNIL sera chargée du contrôle de la mise en oeuvre de ces traitements automatisés. Son avis sera publié.
À cet égard, le décret en Conseil d’État qui devra préciser les conditions de mise en oeuvre de ces traitements automatisés mentionnera un certain nombre d’éléments très précis : les données que les organisateurs sont autorisés à conserver concernant ces individus fauteurs de trouble, c’est-à-dire au moins leur nom, leurs prénoms, leur date de naissance, le numéro de leur carte d’abonnement, le cas échéant, et le ou les motifs pour lesquels ils sont inscrits dans le traitement ; la durée de conservation de ces données, qui devrait être d’au moins dix-huit mois, afin de couvrir au moins une saison et le début de la saison suivante ; ainsi, bien sûr, que les destinataires de ces données en dehors du club concerné : les services de l’État, au premier chef, les fédérations agréées, les ligues professionnelles et les clubs où se déplacent les supporters du club détenteur d’un tel traitement. Tous ces éléments seront définis par le décret en Conseil d’État auquel la proposition de loi renvoie, après avis de la CNIL.
> Le texte adopté en 1ère lecture à l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0676.asp
> Principaux amendements adoptés : créant une instance nationale de supportérisme, organisant le dialogue avec les associations de supporter, rappelant le rôle des supporters et de leurs associations dans le déroulement des manifestations sportives et la promotion des valeurs du sport
Le texte de mon intervention en séance publique :
Nous sommes tous d’accord sur ces bancs, pour ne pas confondre le hooliganisme, fait d’une minorité d’individus violents, et le supportérisme qui, lui, est festif, populaire et pacifique, et qui ne doit pas disparaître de nos stades. Au contraire, il doit être conforté car nous ne voulons pas de stades aseptisés.
C’est pourquoi la proposition de loi de lutte contre le hooliganisme de notre collègue Guillaume Larrivé mérite, et il en a convenu, d’être complétée dans son titre comme dans son contenu, rééquilibrée, ainsi que l’a dit M. le secrétaire d’État dans son intervention liminaire, en prévoyant des mesures renforçant le dialogue avec les associations de supporters. Tel est le sens des amendements que François de Rugy et moi avons déposés, issus de la proposition de loi sur laquelle nous avions travaillé il y a quelques mois.
Il s’agit de mieux reconnaître la représentativité et la représentation des associations de supporters dans les instances nationales du sport pour qu’elles deviennent des interlocutrices privilégiées des pouvoirs publics et des ministères concernés, mais aussi des clubs professionnels à travers la désignation de référents chargés des relations avec les supporters.
La proposition de loi renforce les sanctions à l’encontre des violences commises dans les stades et aux abords. C’est nécessaire. Nous ne devons pas nier les phénomènes de violence qui empoisonnent aujourd’hui régulièrement certaines rencontres sportives, essentiellement des matchs de football, il faut bien le reconnaître – sur 367 interdictions administratives de stade l’an dernier, seules six concernaient d’autres disciplines, en l’occurrence le basket et le rugby. Mais au regard des 30 000 matchs de football organisés chaque week-end dans notre pays, il apparaît que les actes de violence n’en concernent qu’un petit nombre. Il faut par conséquent relativiser aussi l’interdiction de déplacements – quelques dizaines ces derniers mois –, même si je sais qu’elles sont mal vécues et fortement pénalisantes pour les supporters concernés.
Je vais citer deux exemples de violences récentes inacceptables et que vous avez tous en tête. Le premier, à l’occasion du dernier derby à Lyon entre l’Olympique lyonnais et l’Association sportive de Saint-Étienne, ce sont les neuf blessés, dont un stadier lyonnais qui a été grièvement blessé, perdant l’usage d’une de ses mains en ramassant ce qu’il pensait être un fumigène alors qu’il s’agissait d’un engin explosif ; lors de la même soirée, Georges Bereta, un ancien joueur de l’ASSE, a failli être lynché à la sortie du stade. Et puis quelque temps plus tard, une dizaine d’ultra-violents stéphanois ont mené une expédition punitive pour aller saccager un mariage dans le Beaujolais, croyant s’en prendre à un supporter lyonnais, et condamnés à de la prison ferme.
J’ajoute que les rencontres classées à risque de Ligue 1 ou de Ligue 2 sont fortement consommatrices en moyens humains, qu’il s’agisse de CRS, de gendarmes mobiles ou de policiers, avec parfois même l’utilisation d’hélicoptères, les effectifs s’élevant souvent à plusieurs centaines, voire cinq cents à six cents. Chacun peut se rendre compte du coût financier que cela représente à la fois pour les clubs et pour l’État, alors que ces moyens devraient pouvoir être consacrés plus utilement à la sécurité de nos concitoyens, a fortiori dans un contexte d’état d’urgence face à la menace terroriste qui en fait une priorité. Le climat dans les stades de foot et aux abords doit être paisible, ce qui n’empêche pas la fête – M. le secrétaire d’État l’a rappelé.
L’article 1er a été réécrit en commission. Il permettra aux organisateurs de manifestations sportives de refuser la vente de billets ou l’accès au stade aux personnes portant atteinte aux dispositions prises par les organisateurs pour le bon déroulement et la sécurité desdites manifestations. Cet article répond à une logique : étant co-responsables de la sécurité au sein des stades, ils doivent disposer des moyens d’y contribuer de façon effective. Des progrès ont été réalisés dans ce sens : M. le secrétaire d’État a pu le constater le 22 novembre dernier en venant visiter le PC sécurité du stade Geoffroy-Guichard lors de la rencontre ASSE-Olympique de Marseille. Il a vu la coordination des services de la police nationale, de la police municipale, des gendarmes et des stadiers, et les moyens de vidéo-surveillance mis en oeuvre.
Je voudrais tout de même que vous puissiez mettre fin à certaines inquiétudes, voire certaines craintes, suscitées par cet article. Bien sûr, le fichier tenu par les organisateurs de manifestations sportives sera soumis à un avis de la CNIL et mis en oeuvre dans les conditions définies par le Conseil d’État, mais peut-on s’assurer qu’un tel fichier sera bien utilisé pour écarter les personnes violentes et non pour effectuer un tri sur d’autres critères ? Il s’agirait par exemple d’écarter les supporters pas tout à fait dans la ligne de la direction du club. Il sera important que vous puissiez, lors de la discussion des articles, nous apporter des garanties et des précisions sur les contrôles qui seront effectuées, et ainsi nous rassurer sur la portée de l’article 1er.
Je suis entièrement d’accord avec l’article 2, qui renforce les mesures d’interdiction administrative de stade. Elles ont prouvé leur efficacité.
Dès lors que les amendements que François de Rugy et moi-même avons déposés sur la question de la représentation des supporters seront favorablement accueillis et que vous aurez apporté des garanties sur l’article 1er, c’est un texte que je pourrai voter.
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mais quand même au fond quand on réfléchie bien c est vrai que sa ne se fais pas dutout même pas dutout