Invité de la chaîne parlementaire à deux reprises ce mercredi 3 juin, j’ai eu l’occasion de revenir sur la loi Macron, pour laquelle la Commission Mixte Paritaire (CMP) a été un échec, et de commenter la visite officielle du monarque espagnol, Felipe VI.
Ma première intervention à l’émission “Parlement’air” (14h) sur LCP portant d’abord sur la Loi Macron, puis sur l’allocution du Roi d’Espagne, Felipe VI, à l’Assemblée nationale
Verbatim :
Régis Juanico : Bonjour,
Journaliste : Est-ce que l’échec de la CMP sur le projet de loi Macron est une réelle surprise pour vous ?
Régis Juanico : Non ce n’est pas une surprise puisque de toutes façons le Sénat a profondément modifié le texte qui a été discuté, pas tout à fait voté par l’AN, parce qu’il ne vous échappe pas qu’il y a eu une procédure de 49.3 au moment de l’adoption au niveau de l’AN, donc il était normal que la CMP n’aboutisse pas. Maintenant la balle est de nouveau dans le camp de l’AN, il faut revenir sur le centre de gravité de l’AN. C’est un texte, vous le savez, qui aborde beaucoup de sujets, enfin le sujet pour nous, aujourd’hui, en tous cas dans la majorité, c’est sur le chômage et sur la question de l’activité, c’est d’avoir des dispositifs efficaces. Et enfin avoir des résultats. On ne peut pas se contenter chaque mois d’avoir le commentaire des 30 000 chômeurs en plus dans notre pays.
Donc il y a des choses positives dans ce texte. Je pense à tout ce qui concerne les professions règlementées, l’entrée des nouveaux arrivants, la question des permis de conduire, la question des lignes d’autocars ou de bus qui vont être mises en place. Mais il y a aussi un certain nombre de sujets sur lesquelles il faut que l’on rediscute avec le gouvernement, comme vous le savez : le travail du dimanche, la question du reclassement des salariés en cas de plan social.
Philippe Folliot (UDI) : […]
Journaliste : […] Vous êtes d’accord, les sénateurs avaient enrichi ce texte ?
Régis Juanico : Non pas du tout. Le Sénat avait complètement défiguré l’esprit, la philosophie du texte initial de l’AN. Je pense par exemple à la question des compensations salariales pour les salariés qui pourraient travailler le dimanche dans un certain nombre de grandes surfaces, ou de surfaces moyennes, il faut revenir à l’équilibre proposé.
Journaliste : Peut-il y avoir des concessions sur ce point précis ? Il est possible d’aller plus loin en terme de compensation, doublement des salaires… ?
Régis Juanico : Oui. En tout cas on est un certain nombre à le demander. Et ce qui n’a pas été possible en 1ère lecture, je pense à ce qu’avait proposé comme amendement Benoit Hamon en particulier au ministre Macron, et qui n’a pas été possible, et qui a conduit finalement à la situation de blocage du 49.3, je pense qu’il faut utiliser la semaine prochaine, avant l’examen du texte à l’AN, pour regarder comment trouver un nouveau compromis avec le gouvernement.
Philippe Folliot : Force est de constater qu’il y a de profondes divisions au sein de la majorité sur ce texte. L’échec de la CMP est une façon pour la majorité de cacher ces divisions. Une partie de la majorité est d’accord avec le texte voté au Sénat.
Régis Juanico : Personne de la majorité ne la voté ce texte au Sénat.
Journaliste : Est-ce que vous pensez que le 49.3 est inéluctable ? Vous disiez peut être qu’il peut y avoir des concessions faites à Benoit Hamon.
Régis Juanico : Non, le 49.3 n’est pas inéluctable. Simplement, dans notre ligne de conduite dans le contexte actuel qu’à très bien rappelé Philippe Folliot, je partage son constat aujourd’hui, tout ce qui est favorable à l’emploi et à l’activité économique nous sommes prêts à le voter. Par contre les fausses solutions qui consistent à remettre en cause même partiellement ou un petit peu les droits des salariés, je pense qu’un certain nombre de députés, y compris au parti socialiste et dans la majorité, ne sont pas prêts à le voter. Donc il faut trouver la solution de compromis.
Ce qu’il faudra c’est que ces mesures soient rapidement mises en œuvre, avec des décrets d’applications très rapidement, parce que nous n’avons plus le temps d’attendre.
Journaliste : Mot sur l’intervention de Felipe VI à l’AN. Comment vous le vivez ?
Régis Juanico : Avec beaucoup d’émotions. Vous savez qu’il y a un groupe d’amitié France – Espagne à l’AN qui est présidé par notre collègue François Cornut-Gentille, nous en sommes les vices président avec Philippe Folio.
Nous sommes de nombreux français à avoir des attaches, ou des origines espagnoles, c’est mon cas, c’est le cas de Anne Hidalgo Cadix, et de Manuel Valls à Barcelone. Moi mes ancêtres sont du côté d’Ibiza et d’Alicante. Et bien évidemment c’est une histoire qui nous relie. Je vois à Saint-Etienne, j’ai, y compris sur le plan historique, des quartiers où il y a eu des espagnols qui sont venus pour l’immigration de travail pour la mine au départ, d’autres qui sont venus comme réfugiés politiques, c’est le cas aussi dans sud-ouest, donc il y a cette histoire qui nous lie. Et avec la particularité que le groupe d’amitié France – Espagne à l’AN, fonctionne un peu de façon bizarre, parce que du côté du parlement espagnol, pour des raisons d’économies budgétaires, ils ont gelé leur participation au groupe d’amitié. Donc c’est vrai que pour le moment on ne les rencontre pas. On voit l’ambassadeur d’Espagne en France très régulièrement, mais on espère que bientôt on pourra revoir nos collègues espagnols.
Philippe Folliot (UDI) : […]
Journaliste : Peut-il se nouer quelque chose sur le plan des partenariats ou c’est une visite de sympathie, de courtoisie, d’amitié, comme on le disait ?
Régis Juanico : Alors d’abord c’est une visite d’Etat, le rang protocolaire le plus élevé. Avec la prise de parole devant l’AN, ça fait de l’Espagne le pays le plus invité à prendre la parole devant la représentation nationale puisqu’il y a eu bien évidemment Juan Carlos en 1993, et il y a eu aussi ZAPATERO, le premier ministre qui s’est exprimé aussi à l’AN.
Et ce matin, au-delà du caractère historique et politique, parce qu’il y a eu l’inauguration du jardin ce matin en l’honneur de la brigade des Républicains de la Nueve qui ont participé à la libération de Paris avec la division Leclerc, il faut savoir que les relations entre la France et l’Espagne, en terme économique, sont très fortes ! 60 milliards d’euros d’échange entre les deux pays. Sur le plan culturel, les relations sont très fortes également. Il y a 2 millions de Français qui apprennent l’espagnol dans nos écoles. Et sur le plan économique il y a beaucoup de partenariats, des interconnexions transport et énergie en ce moment avec des chantiers comme le TGV entre Perpignan et Figeras et puis la prolongation de ces chantiers.
Donc il y a une coopération très riche et très fructueuse et donc cette visite, en plus de tous les sommets bilatéraux qui ont lieu chaque année, vont renforcer encore les liens entre nos deux pays.
Ma deuxième intervention à l’émission “Ca vous regarde” (19h) sur LCP, portant sur l’allocution du Roi d’Espagne, Felipe VI, à l’Assemblée nationale
Verbatim :
Régis Juanico : Bonsoir.
Journaliste : Vous êtes député socialiste, vice-président du groupe d’amitié France – Espagne, vous avez des origines espagnoles également. Vous avez suivi le discours de Felipe VI devant l’AN. Qu’est-ce que vous avez ressenti ?
Régis Juanico : Beaucoup d’émotions. D’abord comme beaucoup de français d’origine espagnole, comme beaucoup de parlementaires aussi d’origine espagnole. Vous savez que Manuel Valls est née en Espagne, Anne Hidalgo, la maire de Paris également. C’est vrai que nous avons une histoire mêlée. Y compris sur nos territoires, nous avons aujourd’hui beaucoup de français d’origine espagnole, c’est particulièrement vrai chez moi à Saint-Etienne où il y a eu une immigration de travail, de main d’œuvre, dans les années 20, avec des mineurs qui sont venus travailler. Et puis il y a eu des réfugiés politiques aussi, après la guerre d’Espagne qui ont fui leur pays. On a ce lien historique qui existe et c’est vrai que c’était un très très beau discours. Une déclaration d’amour à la France, à l’Europe.
Journaliste : Il a cité Saint-Exupéry.
RJ : Et très cultivé. Dans un français parfait que beaucoup envient d’ailleurs. Et donc on a eu un Roi qui a fait cette très belle déclaration d’amour à la France en disant il faut une France plus forte en Europe parce que les valeurs que défend la France nous permettent à nous espagnols de pouvoir sortir d’une situation qui est une situation difficile et de crise aujourd’hui dans ce pays.
Journaliste : C’est ce qui construit aussi notre relation l’Europe entre la France et l’Espagne.
RJ : Oui. Vous savez quand l’Espagne est sortie de la dictature a eu une période très très forte croissance entre 1997 et 2007. C’est quasiment 4% chaque année de croissance. Et puis elle a bénéficié beaucoup des crédits et des fonds européens pour construire des infrastructures et des équipements aussi en Espagne. Donc l’Espagne, les espagnols sont très européens. Ils sont pour une Europe forte et intégrée. On partage là-dessus des points de vue très forts et on peut défendre des positions communes aussi au sein de l’Europe.
Et vous savez aussi que depuis quelques années l’Espagne connait une crise très forte, avec une politique de rigueur, d’austérité, des dépenses publiques qui ont été coupées. C’est vrai pour les retires et les salariés c’est très difficile. Il y a 25% de chômage en Espagne. 50% des jeunes espagnols qui sont ici au chômage et dans la précarité. En Espagne, on a eu cette crise liée à la bulle immobilière qui a fait que depuis des années c’était très difficile. Ça repart un petit peu aujourd’hui. Et donc c’est aussi un message d’espoir qu’il faut avoir pour que le peuple espagnol se relève de cette crise très forte.
Journaliste : Il y a un autre message qu’est venu faire passer Felipe VI aujourd’hui. C’est cette union avec la France et les autres pays du monde contre le terrorisme. On sait que l’Espagne a été beaucoup touchée par ETA.
RJ : Et oui, il a fait une allusion bien évidement à l’ETA. 43 années de terrorisme, ETA. Ça c’est terminé il y a quelques années maintenant. Et donc comme vous le savez, la coopération judiciaire et la coopération dans la lutte contre le terrorisme a été un axe très très fort, un lien et un partenariat très très fort entre l’Espagne et la France. Et aujourd’hui, bien évidemment, la lutte contre le terrorisme c’est une dimension beaucoup plus globale, aujourd’hui que ce soit au Proche-Orient, en Afrique du Nord. Et là c’est vrai que la France est souvent en première ligne, mais il y a aussi des militaires espagnols qui sont impliqués bien évidemment dans ces actions de lutte contre le terrorisme au niveau international.
Journaliste : Un mot sur le climat, Felipe VI y a fait référence, c’est un monarque vert on pourrait dire ?
RJ : Oui alors l’environnement, il a parlé d’autres valeurs aussi qu’incarne l’Europe aujourd’hui. Mais je crois que c’est bien parce que cette une année 2015 particulière avec la COP 21 (Grande conférence internationale sur le climat) qui va avoir lieu à Paris en décembre. Et c’est vrai que l’on va avoir besoin du soutien politique le plus large possible. Et c’est vrai que l’image qu’a donnée Felipe VI, puisqu’il est Roi depuis maintenant un an seulement, depuis que son père à abdiquer Juan Carlos. C’est plutôt l’image d’un monarque très moderne, d’ailleurs dans sa façon d’être à la sortie de l’hémicycle, quand il nous a reçu à l’Hôtel de Lassay avec le président Claude Bartolone, c’était l’image d’un couple très moderne, très accessible.
Journaliste : Beaucoup de protocole, beaucoup de monarchie effectivement à l’Assemblée aujourd’hui. Ça ne vous a pas choqué ?
RJ : C’est vrai, beaucoup de mesure de sécurité mais ça, vous le savez depuis quelques mois c’est règle ici au Palais Bourbon. Mais là c’est un clin d’œil de l’histoire très amusant parce qu’un Bourbon venait au Palais Bourbon, et c’est vrai que dans sa famille, et ses ancêtres, avaient contribués à construire cet édifice qui a été après la Révolution Française, confisqué et qui a été dénommé bien de la nation.
Et donc son discours était très républicain, dans un français parfait. Et je dirais que l’image que donne ce monarque à l’extérieur, son ouverture aux autres, il a fait beaucoup de pas, il est sur twitter, il a reçu le collectif homosexuel aussi en Espagne, on voit que ça bouge aussi. Il a lui-même changé l’image de la monarchie en Espagne.
Journaliste : Merci Régis Juanico d’être venu ce soir, député socialiste, vice-président du groupe d’amitié France-Espagne.
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