La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République prévoit que le collège unique soit repensé. Le 10 avril dernier, le conseil supérieur de l’éducation a voté à une large majorité le projet de réforme présenté par la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Actuellement contestée, cette réforme a pourtant pour objectif de faire réussir tous les élèves, sans baisser le niveau.
Dans notre pays, les réformes de l’Education nationale sont généralement à l’origine de débats passionnés. Tel était déjà le cas de la loi Haby en 1975 qui a mis en place le collège unique. Le problème c’est quand le débat tourne parfois à la caricature, et aux approximations, ce qu’a beaucoup pratiqué la droite ces derniers jours. Dans ces circonstances il faut plus que jamais expliquer, écouter et rassurer la communauté éducative sur les objectifs de cette réforme.
Perfectionner la réforme.
Certains points peuvent certes être améliorés. A ce propos, l’enseignement des langues anciennes a évolué durant les débats. L’option devait être purement et simplement supprimée. Elle a été rétablie sous la forme d’enseignements complémentaires. Une partie commune profitera à l’ensemble des élèves de la 5ème à la 3ème à hauteur d’une heure par semaine. Puis le Président de la République a demandé au conseil supérieur des programmes de réfléchir à l’enseignement de ces langues anciennes dans l’ensemble des enseignements, notamment du français. Nous aurons les résultats à la mi-octobre.
Concernant les dispositifs pédagogiques spécifiques que sont les options de langues et les classes bi langue, la question est de savoir s’ils sont des moyens de contourner la carte scolaire pour les familles favorisées ou s’ils permettent une meilleure mixité dans les classes. Je pense personnellement que ces dispositifs peuvent favoriser la mixité, notamment dans les établissements situés en zone d’éducation prioritaire.
Ainsi les classes bi langue seront maintenues pour les élèves qui auront commencé en cours préparatoire, à l’école primaire, une langue qui n’est pas l’anglais. Ceux-ci pourront commencer l’anglais dès la 6ème. Cependant, je pense que Najat Vallaud Belkacem peut encore perfectionner la réforme en maintenant ces classes pour tous les élèves qui le souhaitent dès la 6ème.
Plus largement sur la question des langues, la réforme comporte une avancée majeure : on avance d’un an, de la 4ème à la 5ème, l’enseignement d’une deuxième langue vivante. Concrètement on augmente de 25 % le nombre d’heures destinées à l’enseignement des langues au collège et on double le nombre de postes au CAPES destinés aux professeurs d’allemand.
Le collège pour tous
La manière d’enseigner au collège aujourd’hui est trop rigide à tel point que près de 20% des élèves de 3ème ne maîtrisent pas les fondamentaux en français, en maths et en histoire géographie. J’ai fait un rapport à l’Assemblée nationale avec mon collègue Jean-Frédéric Poisson sur la mobilité sociale des jeunes. Le constat est sans appel : 140 mille décrocheurs partent du système scolaire sans diplôme et sans qualification. Un coût social et financier énorme. L’échec scolaire est bien la plaie de notre système éducatif.
Ce que nous proposons c’est d’aller vers plus d’interdisciplinarité, vers un meilleur accompagnement personnalisé des élèves dès la 6ème et un meilleur travail d’équipe. Il s’agit de mieux accompagner et de diversifier les parcours afin d’adapter la réponse éducative aux besoins de tous les élèves.
Pour cela nous augmentons le nombre de professeurs car on sait que des classes moins chargées permettent un meilleur enseignement. Nous passons à 3 heures par semaine d’accompagnement personnalisé pour les élèves de 6ème et à 1 heure pour les classes suivantes pour que chaque élève soit en mesure de réussir. Nous dégageons une marge de manœuvre de 20% du temps d’enseignement pour que les équipes éducatives constituent des groupes à effectifs réduit et puissent enfin ajuster leurs travaux aux réalités de terrains. Mais attention aux approximations, il ne s’agit pas de construire une école à plusieurs vitesses. Ces 20% de temps d’autonomie seront encadrés sur le plan national en terme d’horaires et de contenu.
Ces nouveautés constituent un réel changement pour les équipes éducatives et nous devons adapter ce projet pour répondre à leurs inquiétudes. Cette réforme se fera avec eux et non contre eux.
Mais il n’en demeure pas moins qu’adapter la réponse éducative à la réalité de chaque élève et diversifier une méthode d’enseignement hier encore trop rigide est un progrès. Pour répondre à l’ampleur de l’échec scolaire, le collège unique et diversifié, est une vraie bonne réponse.
Dans la presse :
Journal du mardi 19 mai sur TL 7 (à 3’58’ ‘)
La retranscription écrite :
La journaliste : 61% des français opposés à la réforme des collèges. Pour la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, c’est à cause d’un matraquage, d’une désinformation, de contres vérités. Personne n’a rien compris c’est ça ?
Régis Juanico : Non ce n’est pas ça. Les réformes de l’Education nationale sont généralement des réformes ou les débats sont passionnés, et ça dure depuis 40 ans. La loi Haby de 1975 sur le collège unique a déjà lâché les passions dans notre pays. Le problème c’est quand le débat tourne parfois à la caricature, et aux approximations. C’est à nous de continuer à expliquer, à écouter aussi, et à rassurer la communauté éducative sur les objectifs de cette réforme du collège.
Journaliste : Malgré tout, ce que l’on a entendu beaucoup c’est la suppression du latin et du grec alors elle est un peu revenue en arrière Najat Vallaud Belkacem. Malgré tout le volume horaire va diminuer, ce ne sera pas forcément les grilles horaires des collèges. Ça va être de plus en plus compliqué de faire du latin ou du grec, c’est une réalité. Et l’idée c’est parce que ces options étaient plus ou moins élitistes et qu’il faut ouvrir le collège et pourtant dans les faits, et notamment à Saint-Etienne, on fait du latin dans des collèges en zone d’éducation prioritaire, ce n’est pas uniquement dans les collèges de Cours Fauriel que l’on fait du latin.
Régis Juanico : Oui, la réforme ce n’est pas à prendre ou a laissé, il y a des choses que l’on peut améliorer d’ailleurs ça a bougé sur les langues anciennes, les options devaient être purement et simplement supprimées. Elles ont été rétablies sous forme d’enseignements complémentaires, facultatifs, c’est donc une option allégée, et il y aura quand même une partie commune qui profitera à l’ensemble des élèves de la 5ème à la 3ème une heure / semaine sur les langues anciennes. Et puis le président de la République a demandé au conseil supérieur des programmes de réfléchir à l’enseignement de ses langues anciennes dans l’ensemble des enseignements, notamment du français. On aura les résultats à la mi-octobre.
Alors après, vous parlez des dispositifs pédagogiques spécifiques, et en particulier on parle des options de langues et aussi des questions de classes bilangues. La dessus la question est de savoir si ses options, ses dispositifs pédagogiques spécifiques, sont un moyen pour certaines familles que l’on peut dire plus favorisées de contourner la cartes scolaires et d’aller dans les établissements les meilleurs ou si c’est un dispositif, ce que je crois aussi, qui dans par exemple les établissements d’éducation prioritaires, permet une meilleure mixité. Ça permet d’avoir plus de mixité sociale dans l’établissement, et à l’intérieur d’une même classe, même si on n’est pas encore assez volontariste à mon avis, plus hétérogène.
Ce que je pense sur les classes bilangues : là aussi elles ne seront pas supprimées. Elles sont aujourd’hui maintenues, vous le savez, notamment pour tous les élèves qui auront commencés en cours préparatoire, à l’école primaire, une langue qui n’est pas l’anglais, ceux-ci pourront commencer l’anglais en 6ème. Elles ne sont donc pas complètement supprimées.
Pour les langues vivantes ce qui est très important c’est que l’on avance d’un an, de la 4ème à la 5ème, l’enseignement d’une deuxième langue vivante. Donc il y aura plus 25% d’heures supplémentaires aujourd’hui pour les langues vivantes au niveau du collège. Donc pour l’Allemand, parce que je suis très attaché à cela ayant fait allemand en première langue, comme beaucoup d’entre vous certainement dans le passé, et bien il sera renforcé, on va doubler le nombre de postes au CAPES. Et il va y avoir des dispositifs qui permettront d’augmenter le nombre de collégiens qui parlent allemand. Effectivement je pense que sur les classe bilangues, il y a encore possibilité peut être d’améliorer les choses en disant que dès la 6ème pour ceux qui le souhaite, pour les élèves qui le souhaitent on maintient ces classes bilangues. Je pense que là-dessus, Najat Vallaud Belkacem pourrait peut-être là aussi bouger.
Journaliste : Donc il faut écouter les enseignants qui vont se mobiliser demain sur certains points. Ils s’inquiètent, ces enseignants, sur une part d’autonomie au collège qui serait introduite. 20% du volume de ce que l’on appelle les EPI, des enseignements interdisciplinaires, ce que disent ces enseignants notamment du SNES-FSU qui est plutôt classé à gauche, qui fait quand même partie de votre électorat, c’est que cette autonomie dans les collèges c’est la fin de l’unité nationale, de l’égalité de tous les collèges, que on n’aura pas les mêmes cours quand on habite dans telle ou telle commune, quand on habite dans tel ou tel quartier et c’est ce qui les inquiète.
Régis Juanico : D’abord notre rôle effectivement en tant qu’élu est d’écouter, pas seulement les enseignants, mais l’ensemble de la communauté éducative, et aussi les parents d’élèves que nous sommes tous. Je suis aussi conseillé départemental, j’assiste à beaucoup de conseil d’administration dans les collèges stéphanois, donc j’ai l’occasion d’échanger avec les enseignants, effectivement il y a des inquiétudes. Parce que tout simplement dès que vous touchez aux conditions et à l’organisation du travail, d’une profession et notamment dans l’enseignement, c’est un changement de culture professionnel.
Journaliste : Donc c’est un conservatisme des enseignants ?
Régis Juanico : pas du tout, pas du tout, parce que ce que nous proposons c’est d’aller vers plus d’interdisciplinarité, un meilleur accompagnement personnalisé des élèves dès la 6ème, qui auront 3 h d’accompagnement personnalisé, et puis un meilleur travail d’équipe. Et donc cela c’est un changement mais effectivement là où il faut rassurer les enseignants c’est qu’il y aura plus d’autonomie donné au collège et ça c’est mieux parce que ça permet de mieux accompagner et de mieux diversifier les parcours et mieux s’adapter à tous les élèves. Mais ces 20% d’autonomie seront encadrés sur le plan national en terme d’horaire et en terme de contenu donc ce n’est pas une école à 36 miles vitesse.
Journaliste : Il y a quand même des soucis ne serait-ce qu’en terme de rédaction, de communication, autour de ce projet. Par rapport à l’histoire, certains modules obligatoires, d’autres facultatifs, et parmi les modules obligatoires l’enseignement de l’islam, parmi les modules facultatifs le siècle des lumières. Alors en terme de communication ne serait-ce que politique forcément là il y a une erreur.
Régis Juanico : Non, c’est le Conseil Supérieur des Programmes qui est une autorité indépendante, les choses ne sont pas figés, il y a une consultation qui va associer tous les enseignants notamment et toute la communauté éducative jusqu’à mi-juin. Donc on verra à la rentrée le programme définitif mais d’ores et déjà je peux vous dire que dans les programmes d’histoire, le siècle des lumières figure, que ce soit 6ème, 5ème, 4ème, que ce soit tout l’enseignement sur les grandes religions, que ce soit la chrétienté, que ce soit l’islam, c’est déjà le cas. Ils sont déjà dans les programmes, et donc ces enseignements seront maintenus.
Maintenant je peux vous dire une chose, le but, l’objectif de cette réforme c’est de faire en sorte qu’un maximum d’élèves, le plus grand nombre d’élèves ait plus de chance de réussir à l’école.
J’ai fait un rapport à l’Assemblée nationale en 2013 avec mon collègue Jean Frédéric Poisson sur la mobilité sociale des jeunes. Qu’est-ce que l’on dit dans ce rapport ? On dit qu’aujourd’hui, le grand gâchis dans notre pays c’est 140 miles décrocheurs scolaires qui partent du système scolaire sans diplôme, sans qualification. Et bien souvent derrière chômage, difficultés sociales, donc c’est un coût financier et social pour notre pays qui est considérable. L’échec scolaire c’est la plaie de notre système éducatif. On consacre 65 milliards d’euros, et plus d’un milliard d’euros de plus cette année en 2015.
Journaliste : Mais le constat est partagé et l’objectif est noble, mais la méthode et les moyens…
Régis Juanico : Le système éducatif aujourd’hui produit de l’échec scolaire, 20% à peu près des élèves de 3ème ne maîtrisent pas les fondamentaux en français, en math, en histoire géo. C’est à cela qu’il faut s’attaquer et nous on dit comment : il faut conserver le collège unique mais par contre il faut le diversifier. C’est pour cela qu’il y aura plus de personnalisation, d’individualisation, plus d’interdisciplinarité, et c’est vrai que c’est un changement pour le collège, mais aujourd’hui on ne peut pas se contenter de l’échec scolaire qui est aujourd’hui effectivement un vrai problème dans notre pays et qui produit de la frustration, et qui fait qu’aujourd’hui l’origine social des enfants détermine souvent le destin scolaire.
Journaliste : Merci beaucoup Régis Juanico, député socialiste de la Loire.
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