PROPOSITION DE RESOLUTION
visant à faire la lumière sur la gestion du dossier fiscal de Madame Bettencourt par les services du ministère du budget et de la justice sous l’autorité de MM. Woerth et Baroin ministres successifs du budget et des comptes publics et de madame Alliot-Marie, garde des Sceaux.
présentée par Mesdames et Messieurs
Jean-Marc Ayrault, François Brottes, George Pau Langevin, et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés, députés
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Exposé des motifs
Mesdames, Messieurs,
Dans ce qu’il est désormais courant d’appeler « l’affaire Bettencourt », les interrogations se multiplient au fil des révélations. C’est d’autant plus vrai que les réponses de M. Woerth fluctuent au rythme de ces informations.
Le 18 mai 2007, Eric Woerth est nommé ministre du budget. Il conserve ses fonctions de trésorier de l’UMP, fonctions occupées depuis 2002.
Le 12 novembre 2007 Madame Florence Woerth son épouse est embauchée par M. De Maistre gestionnaire de fortune de madame Bettencourt.
Le 23 janvier 2008, M. De Maistre est décoré de la légion d’honneur par M. Woerth, Ministre du budget pour honorer sa carrière de chef d’entreprise.
Le 9 décembre 2009, le journal Le Parisien révèle l’organisation d’une soirée à l’hôtel « Le Bristol » au cours de laquelle M. Woerth trésorier reçoit les principaux donateurs de l’UMP. Madame Bettencourt figure parmi les membres de ce « premier cercle ». Interrogé par le groupe socialiste sur le mélange des genres créé par le cumul de ses fonctions de ministre et de trésorier de l’UMP , M. Woerth qualifie cette question de « stupide ».
Le 16 juin 2010, le journal en ligne Mediapart rend publics des enregistrements réalisés par le majordome de madame Bettencourt faisant apparaître des manoeuvres de dissimulation d’une partie des avoirs de madame Bettencourt.
Le 16 juin 2010, le majordome de madame Bettencourt est placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour atteinte à la vie privée. M. De Maistre en dépit des graves accusations portées contre lui n’est pas inquiété.
Le 21 juin 2010, par un communiqué madame Bettencourt reconnaît avoir fraudé le fisc et fait part de sa volonté de « faire procéder à la régularisation de l’ensemble des avoirs familiaux qui seraient encore aujourd’hui à l’étranger ».
Le 26 juin 2010, Patrice De Maistre reconnaît dans un entretien au Figaro l’existence de deux comptes en Suisse non déclarés d’une valeur totale de 78 millions d’euros.
Le 20 juin 2010 l’avocat de madame Bettencourt assure que l’héritière de L’Oréal a aidé Eric Woerth à hauteur de 7500 euros.
Le mardi 22 juin 2010, devant l’Assemblée Nationale, M. Woerth, parlant de sa femme et de lui-même assure que « jamais » ni elle ni lui n’ont « été informés d’une quelconque fraude ou évasion fiscale ».
Le 25 juin 2010, M. Woerth reconnaît après que M. Courroye, procureur de la République au tribunal de grande instance de Nanterre, réagissant à un article du journal Marianne, ait rappelé qu’il avait saisi l’administration fiscale dès janvier 2009, qu’il a été effectivement informé et qu’il a en réaction, diligenté un contrôle de la situation fiscale de M. Banier. M. Woerth s’est ensuite rétracté en affirmant n’avoir « jamais déclenché » ni « empêché de contrôle fiscal ».
Le 25 juin 2010 madame Woerth démissionne de la société Clymène, reconnaissant dans les colonnes du journal Le Monde avoir « sous-estimé ce conflit d’intérêt ».
Le 27 juin 2010 M. Woerth reconnaît devant le Grand jury RTL qu’il a bénéficié d’argent de madame Bettencourt « dans le cadre de (sa) vie politique ».
Le 27 juin 2010 M. Baroin, successeur de M. Woerth au ministère du budget annonce enfin, sur la base d’informations similaires à celles livrées par le juge Courroye dès 2009, qu’il engage un contrôle fiscal afin d’« examiner la totalité des actifs de Mme Bettencourt » en France comme à l’étranger.
Cette succession de faits, de révélations, de déclarations et d’aveux conduisent la représentation nationale à se poser les questions suivantes :
– Le 9 janvier 2009, l’administration fiscale est saisie sur le fondement de l’article 101 du code de procédure fiscale de la procédure suivie à l’encontre de « François-Marie Banier et tous autres ». Si la procédure engagée concerne entre autre l’achat de l’île d’Arros, se peut-il que le lien ne soit pas établi avec Mme Bettencourt ?
– Dès lors que l’affaire concerne la première fortune de France, se peut-il que le Ministre n’en soit pas personnellement saisi ?
– Quelles sont les informations dont dispose alors le Ministre ?
– Ces informations justifient-elles l’engagement d’un contrôle fiscal ?
– Le ministre du budget est-il alors intervenu pour exiger un contrôle fiscal de M. Banier ?
– Dans cette hypothèse, pourquoi n’a-t-il pas engagé une procédure identique à l’encontre de madame Bettencourt ?
– En tout état de cause, M. Woerth est-il intervenu de quelques manières que ce soit – par action ou par ommission – pour empêcher un éventuel contrôle fiscal concernant Mme Bettencourt ou la société Clymene ?
– Cette éventuelle décision de ne pas agir ou d’empêcher un contrôle de la situation fiscale de madame Bettencourt a-t-elle été prise par le seul ministre du Budget ou a-t-il exécuté une décision prise par sa hiérarchie ?
– Les liens entre la femme de M. Woerth et Mme Bettencourt ont-ils pu influencer les éventuels choix du Ministre du Budget dans cette affaire ? Quelles étaient les fonctions et les responsabilités exactes de madame Woerth au sein de la société Clymène ?
– Madame Woerth a-t-elle été embauchée par M. De Maistre à la demande du ministre du budget ?
– Y-a-t-il eu des contre parties obtenues par le Ministre du Budget liées à ses fonctions parallèles de trésorier de l’UMP ?
– Les financements que M. Woerth admet avoir reçus de Mme Bettencourt ont-ils été perçus au profit de son association de financement – Association de soutien aux amis d’Eric Woerth – et ont-ils été la contre-partie d’une éventuelle ingérence du Ministre dans ce dossier ?
– Au total, en tant que ministre du budget, dépositaire de l’autorité publique chargée d’assurer la surveillance des obligations fiscales de madame Bettencourt, M. Eric Woerth a-t-il pris, reçu ou conservé un intérêt quelconque de la part de madame Bettencourt elle-même ou de la société Clymène, chargée de la gestion de sa fortune ?
– Enfin, depuis que madame Bettencourt a avoué une fraude fiscale massive, pourquoi son gestionnaire de fortune n’a pas été entendu, ni fait l’objet d’une surveillance judiciaire, alors qu’il est en situation de faire disparaître des éléments de preuve, voire de déplacer certains fonds vers des paradis fiscaux ?
– Pourquoi l’actuel ministre du budget a-t-il attendu le 27 juin pour décider d’une enquête approfondie sur les avoirs de madame Bettencourt ?
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la présente proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à faire la lumière sur la gestion du dossier fiscal de Madame Bettencourt par les services du ministère du budget et de la justice sous l’autorité de MM. Woerth et Baroin ministres successifs du budget et des comptes publics et de madame Alliot-Marie, garde des Sceaux.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres afin de connaître les raisons pour lesquelles avant juin 2010, aucune procédure n’a été engagée par les autorités compétentes, qu’elles relèvent du ministère du budget ou de celui de la justice, en dépit des éléments communiqués par le parquet et des révélations apparues dans la presse faisant état d’une fraude fiscale dont madame Bettencourt se serait rendue coupable.
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