Ce week-end, les socialistes étaient réunis à La Rochelle pour leur traditionnelle Université d’été. Loin de la frénésie médiatique et du prisme déformant des compte-rendus journalistiques, de nombreux ateliers thématiques ont permis un travail très sérieux. J’ai pour ma part participé à la table ronde intitulée “Le code du travail en miettes : la vraie stratégie Sarkozy-Fillon”.
Voici le script de ce débat auquel participait des syndicalistes (CGT, FO, CFDT et UNSA) :
Face à une droite dure et décomplexée, qui fait de la remise en cause des droits des salariés et de la mise en compétition des salariés et des entreprises le fondement de sa politique économique et sociale, la gauche et le Parti socialiste doivent apporter des réponses claires pour répondre aux revendications concrètes des citoyens dans leur travail.
Alain VIDALIES introduit la table ronde en rappelant le contenu de l’offensive de la droite contre les salariés depuis 2002, amplifiée depuis 2007. Il rappelle les principaux combats menés par les organisations syndicales et la gauche contre ces offensives.
Maryse DUMAS (CGT) met l’accent sur l’importance de la bataille idéologique et sur le retard qu’accusent les forces de progrès sur ce terrain. L’enjeu est donc d’abord de reprendre le flambeau de la bataille idéologique. Elle fait le constat que le code du travail est devenu en quelques années beaucoup plus épais, plus complexe, moins accessible, alors qu’il protège de moins en moins bien les salariés et que ces derniers se sentent de plus en plus fragilisés face au travail et à l’emploi. Le pire danger pour les salariés aujourd’hui, c’est l’individualisation des relations de travail et la surpression des garanties collectives. Dans la récente loi sur le temps de travail, on soumet les formes d’organisation du travail à à la négociation d’entreprise, qui peut maintenant écarter les garanties fixées par la branche, et même de parfois au simple face à face employeur-salarié. L’arme du pouvoir actuel pour mettre en cause les droits sociaux est la mise en compétition des salariés entre eux, et également de plus en plus des entreprises. Nous ne sommes pas suffisamment audibles, tant au plan politique que syndical, pour dénoncer la politique menée, et surtout pour présenter une alternative globale en matière économique et sociale. Le 7 octobre, toutes les organisations syndicales appellent à une journée mondiale d’action pour la défense de l’emploi et de la qualité du travail. Il faut mobiliser fortement à cette occasion.
Andrée THOMAS (FO) insiste sur les moyens dont doivent être dotées les organisations syndicales pour lutter contre cette politique ultra-libérale. Elle met également l’accent sur les dégâts de l’individualisation des relations de travail et la mise en concurrence des salariés et des entreprises. Elle rappelle la phrase prononcée par Denis Kessler il y a quelques années qui se félicitait que le gouvernement était en train de détruire le système issu du Conseil National de la Résistance. Elle considère que le gouvernement actuel ne souhaite pas en finir avec le code du travail mais le revoir de fond en comble. Au prétexte d’une recodification et d’une simplification du code du travail, on l’a rendu plus complexe et inaccessible. Enfin, on remet systématiquement en cause les mécanismes qui permettent de faire appliquer la loi : inspection du travail, accès aux prud’hommes, etc.
Laurence LAIGO (CFDT) insiste sur le fait que tout ce qui est dit est transposable au plan européen, où ces combats ont la même acuité, en particulier sur la question salariale. On constate partout un mouvement de remise en cause du statut juridique du salaire et de déclassification des salariés, pour faire baisser les rémunérations. Elle confirme que l’offensive menée contre les salariés est d’abord fondée sur la déréglementation, l’individualisation des rapports de travail et des salariés, et la mise en concurrence des salariés. Voilà la forme que prend la mondialisation libérale pour les salariés. Elle considère qu’il faut relever la ténacité de la négociation collective, qui montre que les partenaires sociaux sont prêts à s’entendre et à conclure des accords. Elle constate une hausse inquiétante des contentieux. Il faudrait maintenant aller plus loin sur la démocratie sociale, en autorisant les partenaires sociaux à s’emparer spontanément d’un sujet de négociation, et en obligeant les pouvoirs publics à en débattre. De même; il faut donner corps à l’obligation d’une concertation préalable au débat public sur les sujets de droit du travail, qui reste trop souvent aujourd’hui à l’état d’exercice de style, et renforcer les liens entre action politique et syndicale.
Alain PRIOU (UNSA), insiste sur la méthodologie et l’idéologie qui sous-tend l’action de la gouvernement et du MEDEF. Ce projet politique a une grande cohérence. Quatre lois en témoignent crûment : la loi TEPA, la loi sur le rachat des jours de RTT, la loi sur la modernisation du marché du travail, la loi sur la démocratie sociale et le temps de travail. Le plus grave est sans doute l’atteinte portée à la hiérarchie des normes et à la garantie protectrice de l’accord de branche, qui conduit à la mise en concurrence des salariés et des entreprises. La décentralisation des négociations au niveau de l’entreprise aura des conséquences d’autant plus graves que les entreprises seront petites et que les salariés auront peu de moyens de s’y défendre. Il faut à cet égard favoriser l’émergence de contre-pouvoirs importants dans les PME et les TPE. Pour organiser la résistance et la conquête de nouveaux droits, il faut travailler à l’unité syndicale chaque fois qu’elle est possible. La grande manifestation du 7 octobre en est un occasion importante.
Jean-Yves LE BOUILLONNEC insiste sur le travail très important fait par les socialistes à l’Assemblée nationale sur le droit du travail et la démocratie sociale, en particulier avec Alain Vidalies, dans l’indifférence médiatique le plus souvent. Mais dès lors, comment faire pour que le combat des syndicalistes et des politiques, de la gauche, soit d’abord entendu, puis diffusé dans le pays ? L’épisode du CPE montre à merveille que c’est la combinaison du travail de pédagogie politique, de la mobilisation sociale et syndicale qui conduit à des résultats politiques tangibles. Ce sont ces conditions qu’il faut créer.
Gérard Filoche rappelle les conditions dans lesquelles le code du travail a été démantelé en pleine campagne présidentielle au printemps 2007, dans la quai-indifférence générale, à l’exception du travail fait par le secteur Entreprises du PS à la fin de l’année 2007, au moment du vote de l’ordonnance. Il met l’accent sur la violence des attaques de la droite et du MEDEF contre les salariés : temps de travail, démantèlement des protections collectives, mais surtout, bataille idéologique de tous jours pour discréditer le bien-fondé des protections et convaincre de leur inutilité. On doit dire haut et fort que toute remise en cause des 35 heures est une attaque contre le salaire et les conditions de travail, et surtout ne pas laisser les salariés gérer ces questions seuls face au patronat dans les entreprises, généralement dans les conditions de chantage à l’emploi les pires. Un milliard d’heures supplémentaires ne sont même pas comptabilisées dans ce pays. Mais pour défendre les salariés au quotidien, il faut d’abord leur permettre d’intervenir et faire en sorte que le droit du travail puisse être sanctionné : prérogatives des organisations syndicales, intervention de l’inspection du travail, place de la loi. Il faut défendre pied à pied les acquis et continuer à défendre un autre modèle social.
Régis JUANICO met en exergue la systématicité des attaques de la droite contre le code et le droit du travail, et appelle en contrepoint à une mobilisation sans faille du mouvement social et du politique. Faire du droit du travail et des protection un élément du négociable et donc de la compétition entre les entreprises est la nouvelle arme de la droite pour supprimer les droits sociaux, au prétexte totalement fallacieux de faire de la place à la négociation et aux partenaires sociaux. Ces politiques de casse sociale de la droite sont en outre un échec total : les heures supplémentaires n’améliorent pas le pouvoir d’achat des salariés, la mise en cause des garanties sociales fragilise les salariés et n’entraîne évidemment aucune amélioration de la situation économique. Enfin, c’est sur la pénibilité et le contenu des conditions de travail qu’il faut aujourd’hui être plus offensif. On ne peut plus aujourd’hui avoir une lecture valable de la situation sociale sans regarder de près le contenu, la matérialité du travail.
Pascal PRIOU constate le grand consensus qui se dégage sur l’analyse de ce que fait la droite sur la question sociale mais regrette qu’on ait tous collectivement du mal à proposer un contre-projet politique et social. Il faut donc que toutes les forces de progrès s’entendent pour défendre un autre projet, avec une analyse de la société et des propositions concrètes, chacun dans son rôle.
Andrée THOMAS insiste sur le fait que le but est d’abord de redonner confiance aux salariés. Pour cela, il faut faire plus de pédagogie auprès des salariés, et cela passe par une plus importante syndicalisation des salariés. Il faut insister sur la nouvelle carte judiciaire et la suppression de nombre de conseils de prud’hommes, sans sans aucune concertation, et les conséquences en termes d’accès au droit des salariés.
Maryse DUMAS regrette que sur tous les thèmes dont on a parlé, la droite, le patronat et les libéraux arrivent à imposer les termes du débat idéologique. Ceci a le principal effet de désespérer le monde du travail et notamment les jeunes, qui croient de moins en moins à une véritable alternative. Sarkozy joue de cela en multipliant les annonces et les propositions, privant les organisations syndicales du temps de construire une alternative. Enfin, le plus grand risque est l’opposition des salariés entre eux, pour faire passer toutes les régressions. De ce point de vue, l’inversion de la hiérarchie des normes dans les lois successives est la principale arme de la régression sociale en cours.
Laurence LAIGO met l’accent sur les dangers de la délégitimation tant du politique que du fait syndical. C’est pourquoi il est fondamental de défendre des propositions fortes sur la démocratie sociale et la place des partenaires sociaux dans l’édifice institutionnel. Il est également primordial d’individualiser les réponses à apporter aujourd’hui aux salariés, pour regagner leur confiance, notamment celle des nouvelles générations.
Alain VIDALIES insiste sur le fait que la question sociale doit redevenir la question première pour les socialistes, tout simplement parce qu’il s’agit de la vie des gens et que rien ne peut se faire au plan politique sans des réponses claires et fortes sur ces questions.
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