Au terme d’une semaine de débats, au cours desquels le Gouvernement et sa majorité UMP sont restés sourds à nos interpellations et à celles des syndicats, la loi sur la représentativité et le temps de travail a donc été adoptée mardi après-midi. Ce vote a été acquis malgré notre baroud d’honneur lundi soir lorsque nous sommes revenus dans l’hémicycle sur les déclarations choquantes du Président de la République qui s’est enorgueilli ce week-end d’avoir rendu inopérante les grèves et l’action des syndicats.
C’est Alain Vidalies, Député des Landes, qui a prononcé l’explication de vote sur l’ensemble du texte au nom des Députés socialistes. Voici le texte de son intervention :
M. Alain Vidalies – Ce projet de loi sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail restera dans notre histoire sociale comme celui de la trahison des partenaires sociaux (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et de l’émiettement des règles d’organisation du temps de travail. Alors que les deux principaux syndicats de salariés et le Medef étaient parvenus à un accord, le Gouvernement a décidé de ne pas le respecter, au seul motif qu’il ne correspondait pas à ses objectifs (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Nous connaissons désormais votre conception de la démocratie sociale : les partenaires sociaux ont le droit de négocier, mais le résultat est fixé d’avance par le gouvernement et l’UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).
Vous avez réussi l’exploit de sortir les syndicats de salariés de la table des négociations pour les envoyer dans la rue. Votre jubilation d’avoir fait un bon coup en profitant de la division syndicale s’est manifestée dans les déclarations provocatrices du Président de la République devant le conseil national de l’UMP. Quand le Président de la République tente, sous les vivats des dirigeants de l’UMP, d’humilier les syndicats, les Français comprennent que le temps de l’évocation de Blum ou de Jaurès est révolu au profit de relents de revanche sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).
Même sur la première partie du texte relative à la démocratie sociale, vous avez montré votre véritable visage. En effet, vous avez durci les conditions de calcul des effectifs dans les entreprises, ce qui aboutira mécaniquement à moins de délégués du personnel et à moins de comités d’entreprises. Une nouvelle fois, vous avez repoussé l’entrée en vigueur de l’accord UPA. Ainsi, depuis sept ans, un accord sur le financement du dialogue social entre toutes les organisations syndicales de salariés et les représentants de 800 000 entreprises artisanales ne peut entrer en application par la seule obstruction du Gouvernement et de l’UMP (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).
Sur le temps de travail, le fil rouge de votre réforme, c’est la priorité donnée à l’accord d’entreprise. Le principe de faveur – qui permettait aux salariés de bénéficier des dispositions plus favorables d’un accord de branche – est abandonné au profit de l’application obligatoire de l’accord d’entreprise, même plus défavorable.
Avec ce projet de loi, on passe directement à une hiérarchie des normes inversée puisque, pour la première fois, vous affirmez la supériorité de l’accord d’entreprise. Et vous êtes pleinement conscients de la conséquence immédiate de ce bouleversement, à savoir l’émiettement et l’atomisation des règles d’organisation du temps de travail. Les règles sociales vont ainsi devenir un élément de concurrence entre les entreprises d’une même branche (« Baratin ! » sur les bancs du groupe UMP). Que pourront faire les salariés d’une entreprise soumis au chantage d’un alignement par le bas sur un accord accepté dans une entreprise voisine ? Il n’y aura alors guère de négociation possible puisque c’est leur emploi qui sera en cause. Avec votre projet, le dumping social sera au rendez-vous et la négociation d’entreprise s’effectuera toujours sous la contrainte des accords socialement les plus défavorables (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).
Pour être sûr que cette déréglementation s’imposera dans les accords d’entreprise, vous avez décidé d’annuler, purement et simplement, au 31 décembre 2009, tous les accords existants pour imposer une nouvelle négociation dans un cadre contraint. Vous avez décidé d’augmenter considérablement le nombre de salariés soumis au forfait jour et au forfait heure. En ouvrant ce dernier aux salariés « qui disposent d’une autonomie dans l’exercice de leur fonctions », vous avez choisi une formule tellement vague que nul ne peut mesurer l’ampleur des dégâts.
Pour le forfait jour, votre texte aboutit à passer de 218 jours à 282 jours travaillés et, contrairement à certains commentaires de presse, votre amendement sur les 235 jours ne constitue pas un plafond puisqu’il pourra toujours être dépassé par un accord d’entreprise.
Le pire réside peut-être dans la remise en cause du repos compensateur, lequel n’est pas une mesure d’aménagement du temps de travail, mais de protection de la santé des salariés. Les dispositions relatives au repos compensateur que vous avez supprimées remontaient à une loi de 1976, ce qui n’a donc rien à voir avec les 35 heures.
Voues êtes fiers du bon coup politique que vous avez réalisé sur le dos des syndicats, mais ce texte constitue surtout un mauvais coup contre la démocratie sociale, les conditions de vie personnelle et familiale des salariés, et contre la protection de la santé des travailleurs.
Voilà pourquoi le groupe socialiste, radical et citoyen votera résolument contre son adoption. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche dont les députés se lèvent, et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)
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